Michel Audiard et les tontons flingueurs de Goldman Sachs

Michel Audiard et les tontons flingueurs de Goldman Sachs

Consolons-nous des catastrophes qui se préparent, des bons et des coupons qui nous attendent et nous rappelleront les bons vieux temps de la Libération ; et donc relisons nos classiques et nos génies.

Audiard nous est surtout connu comme un désillusionné du futur, un roué amateur du passé, un petit panégyriste des temps actifs de la Résistance et de l’Occupation. Notre rebelle verbal savait ce qui se préparait sous la France de De Gaulle, entre mai 68, le bétonnage et l’Europe, et il savait à quoi s’en tenir avec les Allemands, façon Horst Frank (« la bave du crapaud n’atteint pas la caravane qui passe »)…

Il faut revoir et réécouter la musique d’Audiard à la lumière des catastrophes qui jalonnent notre quotidien. Notre génie célinien avait le verbe haut et le flair sûr. Qu’on en juge :

  • Dans La Grande sauterelle, Audiard voit déjà poindre notre économie casino. Avec le grand Krüger et la pauvre Mireille Darc, il décrit les tristes ennuis d’un couple jouisseur, déconnecté de la réalité, bohème, vivant à Beyrouth, rêvant piscine et bord de mer et ne sachant qu’y faire (à Menton le bord de mer vaut quinze mille du mètre carré, mais les maîtres tarés ne sont jamais là, et il n’y a toujours rien à y faire). Et c’est le bon Maurice Biraud qui déclare qu’une fois leur coup fait, il investira dans la pierre, car c’est ce qu’il y a de plus sûr. Ah, si je l’eusse écouté, j’eusse acquis ma chambre de bonne à Saint-Germain à vingt-cinq mille (dollars, pas euros) du mètre !

  • Dans Le Cave se rebiffe, on a la grande phrase du millénaire : « les profits ça se divise, les peines de prison ça s’accumule ». Entre Draghi et Monti, nous avons plutôt les caves du Vatican qui se rebiffent et nous promettent des cures d’austérité façon Brüning. Et ce que nous voyons, c’est que les profits s’accumulent pour une poignée, et les pertes et tracas aussi, mais pour les communautés, y compris d’actionnaires. Comme disait un vieil ami de la bourse, l’important n’est pas que je sois riche, l’important c’est aussi que les autres soient pauvres. Qu’il se rassure, on sera bientôt tous servis. Car qui voudra de l’euro dont ne veut même plus le frère à Sarko ? A propos de la bourse, j’ai d’ailleurs un bon mot transmis par un copain journaliste espagnol (et socialiste de surcroît !) : « la bourse est un plan à long terme surtout pour celui a perdu à court terme ! »

Mais restons sur Audiard. La vérité ne sort pas de la bouche des enfants, surtout depuis qu’ils se sont connectés sur les réseaux et ont été aspirés par leur iPods, mais des poètes élevés dans la rue (et non frottés de finances dans les campus ricains entre deux tueries).

  • Les Tontons flingueurs. Gosse, j’avais adoré le personnage de Claude Rich, le musicologue amateur d’art moderne, flippé de modernité, ayant dépassé comme Pinault et Bernard Arnault les classiques et recherchant les auteurs déjantés. Sa musique est la somme de ses instruments de ménage comme dit Lino Ventura, « amateur d’humour louis-philippard », jusqu’au moment où il apprend que notre jeune énergumène a un papa qui va devenir… (mais revoyez donc le film !) vice-président du FMI ! Sacré Audiard : et voilà que notre gangster Ventura se fait à l’idée accommodante et somme toute rémunératrice de ce demi-gendre un peu efféminé, un peu moderne, un peu… bobo.

  • Il ne faut pas oublier, du reste, dans Les Tontons flingueurs, la leçon principale : le « mexicain » moribond, les impôts ne rentrent pas, les taxes non plus, et Ventura doit « faire casquer » tout le monde, surtout les frères Volfoni (inoubliables Blier en quatre et Lefèvre) qu’il tabasse à plaisir. C’est un tour de vis fiscal, un vrai plan d’austérité, comme on dit aujourd’hui. La mère maquerelle lui explique toutefois (et il semble la comprendre comme s’il avait compris lui aussi que la technologie altère l’homme, et définitivement) que son chiffre d’affaires baisse parce qu’il n’y a plus de client furtif à sept heures ni d’affectueux du dimanche ! La bagnole et la télé ont en effet capté l’attention de monsieur Prudhomme, en attendant que l’ordinateur connecté désexualise les rejetons du bourgeois.

Les Tontons flingueurs c’est cela ; les gens de Goldman Sachs et les gluants technocrates qui vont venir prélever leur dîme avec le rire du spectateur – il sera chinois cette fois, il ne sera ni blanc, ni chrétien, ni « occidental », comme ils l’ont fait en Russie, en Ukraine (ma femme a connu les bons, préparez-vous !), en Argentine et ailleurs. On se consolera avec Céline, pour une fois, en finissant : « toute débâcle est un coup de grâce ».

Il ne l’a pas fourguée dans un film, cette phrase, Audiard ?

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Comments (4)

  • jacques Répondre

    VOUS AURIEZ AUSSI PU CITER, DANS LES TONTONS FLINGUEURS, LA FAMEUSE REPLIQUE : ” LES CONS CA OSE TOUT, C’EST MEME A CA QU’ON LES RECONNAIT” CELA ME FAIT FORTEMENT PENSER A CERTAINS DE NOS HOMMES POLITIQUES !!!

    7 décembre 2011 à 9 h 15 min
  • ivan rousseau Répondre

    Une remarque façon blier.A force de nous prendre pour des c… .mon bulletin de vote ils vont le retrouver aux quatre coins de l’isoloir façon puzzle.

    5 décembre 2011 à 19 h 11 min
  • Anonyme Répondre

    vous auriez pu citer le president Beaufort (Jean Gabin dans “Le president” _”Vous aurez l’Europe des Banques et des maitres de forges contre celle du travail.”-

    4 décembre 2011 à 13 h 37 min
  • QUINCTIUS CICINNATUS Répondre

    "on se consolera pour une fois avec Céline"
    moi , Céline ne me console pas , il m’a fait découvrir le Monde  à 15 ans , mieux que ne l’on jamais fait Balzac , Stendhal  ou Proust  et aussi bien que Dostoïevski ou Shakespeare

    3 décembre 2011 à 15 h 13 min

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