Ouvrir les frontières plutôt que subventionner

Ouvrir les frontières plutôt que subventionner

Nous devrions ouvrir nos frontières. Car nous les avons fermées, avec des tarifs douaniers énormes : 236 % (viande), 180 % (céréales) et 138 % (sucre de canne)…
C’est ainsi qu’à grand renfort de pétrole, de pesticides ou de nitrates, nous fabriquons du sucre à un coût insensé. Pour produire chez nous une calorie de sucre de betterave, il faut six calories, alors qu’une seule suffit en Afrique.

La PAC, le plus grand programme de subvention alimentaire du monde – quatre fois plus que l’américain – va à la fois contre l’environnement et les pays pauvres. En Afrique, on distribue les céréales de l’aide européenne à la plèbe des villes, politiquement dangereuse, privant de débouchés des paysans – dispersés et sans poids politique – qui n’ont d’autre choix que de mourir discrètement de faim dans la brousse, ou de rejoindre les chômeurs des villes.

Une nouvelle loi, dite de modernisation agricole, votée en juillet 2010
, marque, selon notre ministre de l’Alimentation, Bruno Le Maire, « un tournant majeur dans l’histoire de l’agriculture et de la pêche ». Il y voit une « véritable révolution, destinée à défendre un modèle français fondé sur des exploitations de taille raisonnable, le maintien de l’emploi, la présence de notre agriculture sur tout le territoire, la qualité et la diversité des produits. » Et d’ajouter : « J’espère bien convaincre les autres pays membres de l’UE de s’inspirer de l’exemple français. »

Cela est risible, car aucun autre pays n’envisage de nous imiter. La nouvelle loi vient encore aggraver les contraintes des propriétaires ruraux qui, déjà, n’ont pas le droit d’acheter, de cultiver, de louer, ni de vendre librement leurs terres, du fait d’un statut du fermage déséquilibré et des droits exorbitants des SAFER. Elle ne s’attaque pas aux vrais problèmes, tel le coût de la main-d’œuvre, comme l’a fait l’Allemagne, qui n’a pas de salaire minimum agricole, ce qui permet d’engager pendant trois mois des étrangers aux conditions du pays d’origine.

Cette loi impose une nouvelle couche de réglementations et de nouvelles rigidités
: obligation d’un contrat écrit entre producteurs et « premiers acheteurs », avec clauses obligatoires et sanctions pénales (jusqu’à 75 000 euros d’amende). Obli­gation d’un contrat écrit fixant le prix, désormais obligatoire. Encadrement de la pratique du prix après-vente ou différé de facturation pour les fruits et légumes frais. Obligation générale de détention d’un bon de commande. Obligation d’assurance des producteurs contre les aléas climatiques…

Déjà écrasé sous la paperasserie, le petit producteur de fruits et légumes va devoir signer des dizaines de pages de clauses obligatoires avant de pouvoir vendre sa production au grossiste. Encore plus de réglementation, de paperasserie, et d’ins­pecteurs dans nos campagnes pour dresser procès-verbal à des paysans de moins en moins nombreux !

Étouffer ainsi la liberté d’entreprendre est en contradiction avec les principes mêmes de la construction européenne. Cela a aussi l’inconvénient d’aider les agriculteurs et éleveurs les moins productifs. Or, si nos exploitants sont souvent les meilleurs d’Europe, les inefficaces sont encore nombreux.

Nos syndicats agricoles reconnaissent qu’ils pourraient accepter la fin des subventions, si les prix de leurs produits étaient plus rémunérateurs.
Mais ce sont justement les subventions versées aux moins performants qui encouragent les surproductions et dépriment les prix. Pour sortir de ce cercle vicieux, remplaçons le maquis bureaucratique de 300 subventions – plus ou moins discrètement favorable à des intérêts particuliers – par une seule prime correspondant au revenu moyen agricole, soit 1 200 euros par mois, versée à tout exploitant d’au moins 10 hectares. Comme il en reste à peine 270 000, cela coûterait moins de 4 milliards, au lieu des 11 milliards de subventions et des centaines de milliards de surprix.

Cette mesure très simple, non seulement libérerait la croissance et doperait notre pouvoir d’achat, mais elle repeuplerait nos campagnes. Et elle permettrait le choix d’une agriculture naturelle, plutôt que de subventionner des cultures toxiques et de cruels élevages en batteries, où des animaux ne voyant jamais la lumière du jour donnent des viandes sans goût contenant des antibiotiques et des œufs infectés de salmonelles !

Nicolas Valentin
(Pseudonyme d’un haut fonctionnaire)

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Comments (7)

  • chatodin Répondre

    Mais, Robert, tout ce que tu proposes est déjà acté, mis à part que le chèque de 1200 euros par mois est une moyenne.

    Ce qui reste à faire, c’est de privatiser la fonction publique, en payant les fonctionnaires, tous, bas comme hauts(c’est lui qui a donné le qualificatif), agriculteurs compris, sur la base des produits et services qu’ils rendent aux citoyens-consommateurs-contribuables !

    21 octobre 2010 à 11 h 17 min
  • Robert Marchenoir Répondre

    Mille deux cent euros par mois pour… pour quoi ? L’Etat payerait les agriculteurs pour agriculter ? Et on nous suggère que cela coûterait beaucoup moins cher que ce qu’on leur donne actuellement ? Ben mon cochon !

    Autrement dit, les agriculteurs sont des fonctionnaires payés deux fois : une fois par l’Etat, une deuxième fois par leurs clients.

    J’aimerais bien qu’on me dise ce qui justifierait ces 1 200 euros par mois. Si l’Etat paye les gens pour produire, alors la production doit lui revenir, et gratuitement, bien entendu. Qu’on nous dise clairement que nous sommes en URSS, et qu’on en finisse avec cette comédie grotesque.

    Par ailleurs, au nom de quoi importerait-on des esclaves du Tiers-monde, payés au salaire dérisoire en vigueur dans leur pays, pour faire les récoltes ? Avec le chômage énorme que nous connaissons ?

    Donc, je résume : la préco, c’est :

    – Donnons 1 200 € par mois aux agriculteurs, comme ça, pour rien, cadeau ;

    – Autorisons-les à faire de la concurrence déloyale aux travailleurs français, en important légalement des immigrés payés avec un coup de pied aux fesses ;

    – Et permettons-leur, en plus, de vendre leurs produits sur le marché national, à des cours artificiellement soutenus.

    Ecoutez, nationalisez-moi tout ça, et arrêtez de prétendre que nous sommes en économie de marché. Ca sera plus honnête, et on gagnera du temps.

    10 octobre 2010 à 23 h 28 min
  • IOSA Répondre

    Vous avez voulu l’Industrie et délaissez l’Agriculture, pour faire de plus gros profits…

    Vous n’avez plus qu’à bouffer chinois !

    IOSA

     

    8 octobre 2010 à 22 h 56 min
  • pereje Répondre

    l agroalimentaire  suivra la production agricole aux bresil ou en dans les pays de l est
    3 millions d  emploi direct en moins pour vendre quelques airbus et tgv (subventionner)
    il est intelligent le grand fonctionnaire.(risque de penurie et qualite alimentaire)
    il devrait ce remettre en question lui meme .il doit etre  bien inutile.

    7 octobre 2010 à 11 h 45 min
  • ozone Répondre

    Ouvrir les frontieres à le méme resultat qu’une surproduction,avec a terme,en prime la disparition de l’agriculture française.
    Avec ensuite une consequence possible de l’application de la methode allemande que des "fonds" étrangers prennent le controle de nos terres agricoles et viennent avec leurs propres ouvriers agricoles payés au tarif de chez eux.
    Comme le font maintenant les chinois en Afrique.
    D’ailleurs des français on pris aussi le controle de terres cultivables en Europe de l’Est.
    Pour couler les confréres restés en France??
    Joints a des accords de type AMI nous n’aurions plus droit au chapitre chez nous,quoi que fassent les nouveaux "exploitants"

    6 octobre 2010 à 23 h 17 min
  • chatodin Répondre

    Pour une prime unique de 1200 euros par mois aux agriculteurs et aux (hauts) fonctionnaires : OK !!

    6 octobre 2010 à 13 h 58 min
  • Vincent Delargilliere Répondre

    Monsieur  le  haut  fonctionnaire, etes  vous  déja  venu  visiter  une  ferme????
    Une  vraie, pas  celle  de  Dechavanne????

    Ma  porte est  ouverte, et  je  ne me  cache  pas  sous  un pseudo.

    6 octobre 2010 à 13 h 21 min

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