Qu’est-ce le CAC 40 a à voir avec le capitalisme ?
Je ne suis pas allergique par principe aux « gros », aux multinationales et autres entreprises employant des milliers de salariés, des dizaines de millions de capital, pour des milliards de chiffre d’affaires. Je sais fort bien que certains de ces « gros » font correctement leur métier. Mais ceux-ci sont, en France, minoritaires. Je doute, par exemple, qu’ils représentent plus du quart des quarante entreprises cotées dans l’indice de référence de la bourse de Paris (le CAC 40).
J’ai eu l’occasion de dire, à plusieurs reprises, dans ces colonnes, que ces « gros » étaient les véritables fauteurs de crise. Et, tout récemment, un lecteur m’a pour cela gentiment reproché mon « poujadisme ».
Naturellement, je ne crois pas que ce soit un mal d’être poujadiste – et je crois même que la vie politique française manque cruellement d’un nouveau poujadisme, venant mettre un peu d’animation et de ce bon sens de café du commerce qui fait tellement défaut à nos « élites » politico-médiatiques.
Mais, en l’occurrence, ma remarque contre les « gros » n’était qu’en apparence du poujadisme : ce n’est pas la taille des multinationales qui était en cause, mais la structure de leur actionnariat.
Selon moi, le capitalisme est légitime (et efficace) quand les dirigeants risquent leur propre argent. Dans le cas contraire, l’irresponsabilité gagne et des libertés économiques sans responsabilités associées sont non seulement illégitimes moralement, mais nuisibles économiquement.
Les exemples foisonnent. Mais un événement, déjà ancien, me paraît fort bien illustrer ce que je veux dire. Peut-être vous souvenez-vous de la mise en vente des licences UMTS (la téléphonie mobile qui, à l’époque, devait en être à la « troisième génération »). Trois acteurs majeurs se partageaient le marché français de la téléphonie mobile : France Télécom, SFR (qui, à l’époque, s’appelait encore Vivendi et était dirigé par le sémillant Jean-Marie Messier) et Bouygues Télécom. Les deux premiers acceptèrent de débourser des milliards d’euros pour ces fameuses licences ; mais non le troisième. Les deux premiers étaient, selon moi, des parangons d’irresponsabilité. Le troisième, qui n’était pas beaucoup moins « gros », non. Pourquoi ? Tout simplement, parce que l’argent jeté par les fenêtres par France Télécom ou Vivendi n’appartenait pas aux dirigeants, tandis que celui de Bouygues Télécom, si. Les dirigeants de Bouygues avaient donc fait un calcul simple, que leurs concurrents auraient également dû faire : mesurer le temps nécessaire pour la rentabilisation de l’investissement. Il y fallait quelques dizaines d’années. La décision s’en était suivie logiquement…
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : il arrive que des dirigeants non propriétaires soient responsables ; il arrive aussi que des dirigeants propriétaires soient mégalomanes. Mais, globalement, les choses se passent ainsi : si vous pouviez gagner beaucoup d’argent en prenant beaucoup de risques, et que ces risques soient garantis par les contribuables ou par les petits actionnaires, il vous serait difficile de résister à la tentation. Si, au contraire, c’est votre argent que vous risquez, il y a des chances que vous y regardiez à deux fois !
Même si, manifestement, ni les politiques, ni les journalistes, ni les chefs d’entreprise ne semblent s’intéresser à cela, la chose est tellement évidente que beaucoup de Français en sentent confusément la réalité.
Ce qu’ils ne perçoivent pas, en revanche, c’est que l’anti-capitalisme de type ultra-gauche et la déresponsabilisation de ces acteurs économiques sans propriétaire identifié se conjuguent pour vider de sa substance le capitalisme lui-même.
Le succès – encore aujourd’hui – des thèses de l’ultra-gauche fait que toute constitution de capital est sévèrement taxée en France. Par conséquent, les dirigeants de petites entreprises ne peuvent accéder à l’étape ultérieure où ils seraient propriétaires d’une grande entreprise. Il suffit de jeter un coup d’œil à l’actionnariat de la bourse allemande et de le comparer à celui de la bourse de Paris pour comprendre de quoi je parle. À Paris, la plupart des sociétés sont propriété d’actionnaires étrangers et, d’autre part, l’équipe dirigeante est rarement propriétaire d’une part significative du capital. Conséquence mécanique : le CAC 40, vitrine la plus visible du capitalisme français, n’est pour l’essentiel ni capitaliste, ni français !
Et, puisqu’il n’y a pas de capitalistes français, il n’y a que des dirigeants non propriétaires et irresponsables, qui aggravent encore l’image du capitalisme dans l’esprit des Français, facilitant la mise en application des doctrines de l’ultra-gauche… Un vrai cercle vicieux, dont il faut sortir au plus vite pour l’avenir du pays !
Comments (2)
“oui mais, …… problème ! …… actuellement les banquiers renouent avec leurs vieux démons qui consistent à raréfier les prêts aux entreprises pour spéculer avec les fonds qui devraient normalement échoir à ces derniers. Ils inondent le marché de nouvelles liquidités et créent déjà la prochaine « bulle ». Et pendant ce temps les entreprises sont de plus en plus financièrement exsangues.” Non, pas du tout. Les fonds ne manquent pas. La par du “trading” n’est pas une grosse part de revenue pour les banques. http://lupus1.wordpress.com/2010/01/26/volcker-rule-limportance-relative-du-trading-dans-les-revenus-des-banques-americaines/ Seulement voila, en France la croissance est faible, les charges sont supra élevées et les investisseurs n’aiment pas le risque. Donc, les “banques” (c.a.d. vous, vos économies) n’ont aucun intérêt à prêter à des entreprises qui risquent de faire faillite et perdre votre argent. Les banques préfèrent placer l’argent de votre misérable assurance vie à l’état, parce que VOUS ne voulez pas prendre de risque. Ce qui crée en effet, une bulle. Mais cette bulle est “sécurisée”…. par vos bon et loyaux impôts. Si le financier prévaut, c’est simplement parce que l’épargnant prévaut, vous.