Question : et s’il n’y avait ni crise, ni dette, ni immigration ?

Question : et s’il n’y avait ni crise, ni dette, ni immigration ?

Qui monte la plus belle entourloupe dans la foire du monde, prendra le plus de foule dans ses planches.

Céline

Samedi 17 septembre, nous apprîmes tout ébaubis que la moitié de la dette immonde grecque allait être annulée. Quelle bonne nouvelle ! Pourquoi nous avoir tant stressés alors ? Pourquoi avoir tant stressé, et les pauvres marchés, et la bourse qui maugrée, et l’opinion publique, et le reste ? Le monsieur Yaka qui gouverne la zone euro a décrété l’annulation de la moitié de la dette grecque, ce n’était pas plus compliqué que cela.

On peut aussi ramener à zéro la dette américaine pour assurer la réélection d’Obama. Ce dernier est de tout manière assis sur la matière première, la source d’énergie, le métal rare, le tungstène, le cadmium, le lithium, le je-ne-sais-quoi encore le plus crédible du monde, le dollar, le national treasure, comme disait le film très pédagogique de Nicholas Cage. Tant que la Chine et le reste de ce qu’il faut bien encore appeler le tiers-monde continueront de s’en remplir les poches, des dollars, y compris des faux d’ailleurs, que M. Greenspan avait multipliés comme des petits plains depuis les années 80, les USA auraient tort de s’en faire. Ce sont les agences de notation qui vont devoir plier bagage puisqu’elles se croient encore dans la comptabilité à trois dimensions alors que nous sommes rentrés de plain-pied dans la quatrième. Les gens qui nous dirigent nous affolent durant des mois à propos d’une dette qu’ils décident d’annuler au dernier moment, comme un examen trop redouté par les étudiants. On aura eu chaud…

Nous assistons grâce à l’explosion des dettes à un étalage de conspirations invraisemblables : la Chine veut assurer le dollar, le Brésil veut sauver la Grèce, la Suisse sauve l’euro en sacrifiant son franc suisse, tout le monde veut faire semblant de sauver le monde libre qui n’en peut mais. La mondialisation est une conspiration de prestidigitateurs. On a l’impression que l’argent n’existe pas, qu’il s’imprime et que c’est tout. Les USA du clown blanc Bernanke savent faire bonne impression, eux… Et on les imite.

La France a 2 000 milliards de dettes, et alors ? Si cette dette valait zéro, après tout ? C’est comme la dette grecque, comme la dette américaine : si elles n’existaient que dans notre esprit, si elles n’existaient pas dans la réalité, comme dans la légende chinoise ou dans un conte de Phillip K. Dick ? Suis-je ou ne suis-je pas ? Suis-je endetté jusqu’au cou ou n’ai-je pas de cou ? Je vais me remettre à l’étude de Valentin, le gnostique grec, de Li Tseu, le taoïste chinois, de Gracian, le baroque espagnol : el mundo es engano y ya basta. Le monde est une tromperie et puis voilà !

Certains lecteurs pensent que j’ironise parfois. Mais justement l’ironie est une forme de pédagogie dans les dialogues de Platon, qui était grec d’ailleurs…Je ne prends pas mes lecteurs pour des imbéciles, je dis que l’on nous prend pour des imbéciles, que le cirque de l’actualité nous prend pour des imbéciles. Sous prétexte de la croissance, comme s’il n’y avait pas autre chose que la croissance et l’économie dans la vie (mais non, il n’y a rien d’autre, on vous jure !), « on » (mais quel est ce « on » ?) fait baisser les marchés de 40% en six mois. Ensuite, chaque fois que la bourse perd 10% et qu’elle en reprend un, on dit qu’elle rebondit ; que tout va mieux, tout est solutionné ; que l’on peut repartir du bon pied. Ce n’est plus de la réalité, c’est le trictrac d’Héraclite : royauté d’un enfant !

Il en est de même de l’immigration : nous avons absorbé en France dix millions d’allogènes africains ou asiatiques en une génération. Et tout s’est bien passé, il y a eu submersion, mais pas invasion. Et après ? Le gouvernement veut nous faire croire qu’il fait la chasse aux quarante roumains, dont on ne sait si on les embête parce qu’ils sont Européens, et rien d’autre ! Les dix millions d’Africains entassés en région parisienne et ailleurs sont entrés dans les mœurs et notre magique comptabilité. Qui est encore assez mariole pour s’affoler de l’immigration ? Pas même le front national et l’on sait que si les gens voteront Front national l’an prochain, ce sera par défoulement uniquement : le besoin de changer le spectacle, tout en sachant bien sûr que le même show durera longtemps encore, puisque les places sont gratuites et que le spectateur zombie peut se distraire avec son iPod pendant le spectacle nul !

Le système a décrété que la situation est désespérée, mais qu’elle n’est pas grave. On va pas s’embêter alors, on va continuer de s’endetter.

Patientez ! Tout hypothéqués que vous êtes ! Gigotez, mirmidons !

Céline, toujours.

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Comments (4)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    Lorsqu’un auteur a le courage ,de nos jours , de citer Céline , son texte ne peut être que …décapant  ! ! 

    3 octobre 2011 à 15 h 46 min
  • SMALL BARTHOLDI Répondre

    Dan sun pays post-décadent, comme la France du XXIe siècle en offre le fascinant exemple, la notion même de décadence n’a plus aucun sens. Tout devient prétexte à dérision, à bonne rigolade, à toute forme de ricanement intempestif.

    Tout sauf ce qui reste quand il ne reste plus rien, soit : le fric, la bouffe et le cul. Le fric : les questions économiques qui ont totalement remplacé les débats politiques. La bouffe : les innombrables émissions culinaires. Le cul : les histoires de gender, de gay et de femmes violées il y a 10, 20 ou 40 ans.

    Le matérialisme intégral est tout ce qui reste à offrir à une nation qui a flingué méthodiquement ses mythes et ses croyances. Cela, et un cynisme qui ouvre la porte à ce qui est plus que de la connerie : un irréalisme absolu et qui n’a plus de frein depuis que la gauche bobo a changé la vie.

    Dès lors, les ados sont des poètes géniaux. Les Français sont tous des enfants d’immigrés. Les Musulmans sont tous de parfaits démocrates et les Américains tous des Nazis. Les spéculateurs sont responsables de la dette. Sarkozy est un fasciste. Et M. Hollande a la carrure d’un président de la République. Mme Royal fait des propositions pertinentes. Lady Gaga est une grande artiste injustement méconnue. Le Tea Party est responsable du chômage aux Etats-Unis.

    Et ainsi de suite, on pourrait écrire 300 pages. Comme dans Inception, l’Occident a perdu le contat avec le réel. Et ça va encore durer.

    Quand on ne croit plus en rien, on peut croire à peu près à n’importe quoi.

    30 septembre 2011 à 17 h 38 min
  • Anonyme Répondre

    Bonnal Nicolas : " Il en est de même de l’immigration : nous avons absorbé en France dix millions d’allogènes africains ou asiatiques en une génération. Et tout s’est bien passé, il y a eu submersion, mais pas invasion."
    –           Bravo. Excellent humour. Je conserverai cet article dans mes archives.

    Mancney

    30 septembre 2011 à 16 h 33 min
  • RED_BAKKARA Répondre

    * * * Juste je dis “Wouaaawww” … Et merci ! Ça rafraîchit ! * * * R_B

    30 septembre 2011 à 16 h 15 min

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