Réformer le financement de la protection sociale

Réformer le financement de la protection sociale

Devant l’ampleur des mesures à mettre en œuvre pour apurer les comptes publics et maîtriser les dépenses sociales, on propose parfois d’ouvrir à la concurrence la branche maladie de la Sécurité sociale.

Pour prévenir les réticences on ajoute : « Il n’y aura pas de sélection à l’entrée. »

Or, en matière de santé, il suffit de demander la carte d’identité du candidat et de regarder sa date de naissance. En effet, le critère le plus discriminant est l’âge. Les dépenses de santé augmentent tout au long de la vie, avec une accélération vers 60 ans, et les personnes âgées de plus de 80 ans dépensent pour leur santé environ 8 à 10 fois plus que les jeunes adultes. D’ailleurs, mutuelles et assurances ont mis en place, depuis longtemps, des cotisations par tranches d’âge.

Dans un système concurrentiel, les cotisations reflètent le niveau du risque à couvrir. Les actifs verront leurs cotisations baisser quelque peu, mais les retraités se verront confrontés à des cotisations qu’ils ne pourront pas supporter.

Pire, on aboutira à une situation où les assurances « feront du gras » sur les actifs et rejetteront les retraités vers la « solidarité nationale ». Au total, on aura créé une énorme cassure sociologique et, financièrement, on n’aura rien gagné – sauf les sociétés d’assurance.

En revanche, les dépenses de santé varient peu avec le revenu. Une véritable solidarité devrait conduire à financer l’assurance-maladie par une capitation, c’est-à-dire une cotisation individuelle égale pour tous et acquittée de la naissance au décès.

Pour une population de 66 mil­lions d’habitants, les dépenses annuelles de santé en France s’élèvent à 176 milliards d’euros, dont 132 milliards sont pris en charge par la Sécurité sociale. Le montant de la capitation serait donc de 2 000 euros par an, soit 167 euros par mois et par personne. Bien entendu, il faudrait relever d’autant les allocations familiales et les divers minima sociaux.

Outre la simplicité, ce système aurait l’immense avantage de faire prendre conscience à chacun du coût réel de la santé, alors qu’aujourd’hui, personne ne sait combien il paie, ni pour quoi, ce qui favorise tous les comportements irresponsables.

Il faudrait en profiter pour supprimer la fiction des « charges patronales ». Le salaire devrait être le cumul salaire + charges, et l’intéressé serait tenu d’acquitter ses cotisations. Ce système aurait l’avantage de traiter également toutes les formes d’activité (salarié, artisan, pa­tron, profession libérale).

Les tarifs de la Sécurité sociale devraient être des bases de remboursements, et non des tarifs opposables. Il n’est pas normal que le tarif de consultation d’un médecin soit, à peu de chose près, le même que le prix d’une coupe de cheveux – et, de plus, le coiffeur reçoit souvent un pourboire !

Quant aux mutuelles, rares sont celles restées dans la pure tradition des sociétés de secours mutuel du XIXe siècle. Les plus puissantes sont les mutuelles de fonctionnaires (Éducation nationale, Poste, Impôts…), ou encore les émanations de sociétés d’assurance à forme mutuelle (MAAF, MACIF, MATMUT…), plus soucieuses de profits que de solidarité.

Quant à leur démocratie interne, elle se résume souvent à voter pour une liste unique. Beaucoup de grandes mutuelles « penchent à gauche » et hébergent dans leur personnel des permanents politiques ou syndicaux.

Pour réussir dans la Mutualité française en tant qu’élu, il faut posséder au moins une des trois caractéristiques suivantes : fonctionnaire, socialiste, franc-maçon.

Les présidents de la Mutualité française René Teulade (1979-1992) et Jean-Pierre Davant (1992-2010) cumulaient les trois onctions…

Il faut exiger des mutuelles la publication de leur ratio frais de gestion sur cotisations, ainsi que de leur ratio prestations sur cotisations. Une mutuelle bien gérée doit reverser à ses adhérents plus de 80 % de leurs cotisations sous forme de prestations directes. Par exemple, la mutuelle de l’Industrie du pétrole, sous l’œil vigilant des sociétés pétrolières, a toujours contenu ses frais de gestion dans la fourchette de 8 % à 11 % du montant des cotisations.

Certaines mutuelles projettent de créer des réseaux de soins avec des médecins et établissements agréés. Ce serait la fin du libre choix du praticien par le patient – et une nouvelle étape vers la fin de l’exercice libéral de la médecine.

Raymond Croella

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Comments (2)

  • Mr-XX121 Répondre

    On peut taxer les dépassement d’honoraires abusif du type venez chaque mois me voir et j’encaisse à chaque visites 200$ , là on peut taxer à fond

    3 avril 2015 à 17 h 19 min
  • De Soyer Répondre

    Avec les retraites, l’assurance maladie est le sujet politique et économique le plus difficile à traiter, car il est une manifestation de la nécessaire concrétisation des idées d’efficacité et de justice.
    Tel Ulysse avec Charybde et Scylla, l’homme politique doit éviter l’inefficacité du socialisme et l’éventuelle prédation de l’ultra-libéralisme.
    Un début de solution est esquissée dans mon livre “Economie ou socialisme: il faut choisir” aux éditions Godefroy de Bouillon.

    1 avril 2015 à 11 h 46 min

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