« Super Mario » a-t-il vraiment « sauvé l’euro » ?

« Super Mario » a-t-il vraiment « sauvé l’euro » ?

À l’issue de huit années passées à la tête de la BCE, Mario Draghi fait l’objet de louanges dithyrambiques : il aurait « sauvé l’euro », à en croire le titre de la pleine page que « Le Figaro » du 24 octobre lui consacre. Je n’en suis pas certain.

Dans les colonnes d’« Économie Matin », Simone Wapler avait déjà très bien analysé ce que la politique de « quantitative easing » (QE) signifie concrètement. Demandant « où sont passés les milliards de Mario Draghi », elle répondait très justement : « Ils comblent les déficits publics qui financent des dépenses stériles ».

À cette époque, le bilan de la BCE atteignait déjà 4 400 Md€. Depuis, il a augmenté de 300 Md€, atteignant 4 700 Md€, soit 41 % du PIB de la zone euro.

Le bilan de la Fed américaine représente 18 % du PIB américain, pourcentage inférieur de moitié à son homologue européen.

Voilà qui illustre la première partie du propos de Simone Wapler : la BCE sert à faciliter des comportements aboutissant à d’énormes déficits publics.

Quid du second point, à savoir que les dépenses correspondantes sont, du moins pour une part importante, « stériles » ?

S’il s’agissait de construire les infrastructures dont les pays ont besoin, on comprendrait que les États s’endettent, et que la BCE leur facilite la tâche. Mais a-t-on remplacé en temps voulu, à Gênes, le viaduc qui s’est effondré il y a quelques mois ? A-t-on modernisé le système des urgences hospitalières, en France ? A-t-on mené à bien le tunnel franco-italien ?

La BCE a facilité le gaspillage de l’argent public par des hommes politiques peu compétents

Plus prosaïquement, qu’a-t-on fait pour améliorer l’efficacité du travail effectué par les quelques dizaines de millions de fonctionnaires de la zone euro ?

En pratiquant le QE, la BCE a facilité le manque de professionnalisme des gestionnaires publics de nombreux pays membres, ainsi que la propension des hommes politiques à agir en « politiciens » au mauvais sens du terme, qui essayent de séduire les électeurs en distribuant largement un argent que les trésors publics ne possèdent pas.

Une entreprise qui produit des biens ou des services de qualité médiocre avec des prix de revient élevés est, grâce à la concurrence, remplacée par une autre qui fait mieux pour moins cher.

La gabegie existe dans le secteur privé, certes, mais elle mène en général à la faillite, si bien que la productivité moyenne progresse. Dans la fonction publique, l’aiguillon de la concurrence n’existe pas. Et il suffit de lire quelques chapitres des rapports de la Cour des comptes pour réaliser à quel point, dans notre pays, le ver du laxisme et de l’inefficacité prospère dans le fruit des services publics.

Quant au système de protection sociale, en France et dans d’autres pays de la zone Euro, les politiciens s’en servent pour distribuer de l’argent qui n’existe pas à des personnes parfaitement capables de le gagner en travaillant.

La Grèce, dont les facéties ont longuement défrayé la chronique, est un cas extrême, mais en même temps typique.

Le QE permet à des gabegies de s’instaurer sans que d’assourdissantes sonnettes d’alarme se déclenchent et hurlent jusqu’à ce qu’ait lieu une sérieuse remise en ordre.

Alors, oui, « Super Mario » a sauvé quelque chose, mais pas l’euro : cette unité monétaire aurait très probablement subsisté sans lui, et elle ne se serait pas portée plus mal si la Grèce, par exemple, était revenue à la drachme. Ce que la BCE et ses dirigeants ont sauvé, c’est la conduite amateuriste et laxiste des affaires publiques.

Disons seulement à sa décharge que, notre classe politique étant ce qu’elle est, et les institutions européennes étant ce qu’elles sont, Mario Draghi nous a probablement évité une ou deux tragicomédies du type de celles que vivent actuellement nos amis britanniques.

Dans un contexte d’irresponsabilité et d’incompétence d’une grande partie de la classe politique, l’administration d’un remède de cheval aurait peut-être été traumatisante ; la pommade anesthésiante dont le président de la BCE nous a enduits nous a évité de rudes efforts.

Personnellement, j’aurais choisi la voie de l’effort. Mais, honnêtement, cher Mario, je ne peux vous en vouloir si vous avez jugé que des Européens gavés de niaiseries à la sauce numérique seraient incapables de les accomplir. Charles de Gaulle disait « les Français sont des veaux » ; vous l’avez dit, à votre manière, en milliers de milliards d’euros, des Européens dans leur ensemble.


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Comments (8)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    excellent reportage ( certains propos gênaient considérablement le présentateur ) sur Goldman – Sachs ( et donc sur Draghi , Barroso et beaucoup d’ autres politiques ) sur L.C.P. hier en fin d’ après-midi

    à noter que la professeur d’ économie de Paris – Dauphine ( je crois me souvenir ) était avec, à un moindre degré de cynisme, le député MoDem, à défendre Goldman – Sachs sans doute une forme de solidarité familiale

    4 novembre 2019 à 9 h 06 min
  • KAVULOMKAVULOS Répondre

    J’adhère à 100% à l’article de Monsieur Jacques Bichot. Il manque seulement, à mon avis, une opinion sur les conséquences et la suite de cet énorme laxisme monétaire qu’est le QE européen. Mais ce serait peut être trop traumatisant de les évoquer.

    29 octobre 2019 à 17 h 57 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      et le Q.E. américain est ce plus sain ( ou plus saint ) ?

      et vive l’ économie ” virtuelle ” … un fard épais sur un visage vieilli

      30 octobre 2019 à 13 h 32 min
      • KAVULOMKAVULOS Répondre

        Vous êtes prié de suivre le cours, élève Ducobu , pardon : Quinctius. et ne pas sauter sur la moindre non-occasion pour tenter vainement de vous mettre en valeur. L’article concerne Draghi et le BCE, pas la FED et les US.
        Pour la déglingue anti-US, vous voudrez bien contribuer utilement aux 4V en nous pondant un ARTICLE documenté sérieusement et pas seulement des insultes envers son président. Merci de votre compréhension.

        30 octobre 2019 à 17 h 41 min
        • quinctius cincinnatus Répondre

          Cher Monsieur,

          il s’ agit de Q.E. une pratique d’ imprimerie largement répandue de par le Monde de la Phynance aussi bien à Weimar, qu’ au U.S.A. ou dans la zone euro

          apprenez donc à comprendre ce que les gens écrivent

          P.S. la semaine précédente j’ avais donné sur ce même blog le bilan sanitaire du budget américain

          une bonne ” observation ” vaut mieux que les plus longs articles ” anti-bourrage de crâne ” car …

          voyez vous ces deux ” journalistes ” ont la volonté de vous faire avaler des … anacondas

          et, puisque vous reprenez l’ argument massue de ce cher Brenus, je ne résiste pas au plaisir de citer son auteur préféré ( sic ) Céline

          ” l’ intelligence sans volonté n’ aboutit à rien n’ est ce pas ? … mais la volonté sans intelligence ? … catastrophe ! ”

          in ” Nord “

          30 octobre 2019 à 21 h 07 min
        • quinctius cincinnatus Répondre

          bilan dont vous pouvez prendre connaissance sur les commentaires de l’ article des ” 4 V² ”

          ” le coup d’ état permanent contre le peuple ”

          bonne réflexion

          31 octobre 2019 à 16 h 37 min
          • quinctius cincinnatus

            pas de commentaires ?

            3 novembre 2019 à 12 h 54 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    Super Mario a [seulement ] ” sauvé ” … temporairement une devise … fiduciaire ( comme la ” tulipe ” ) mais le capitalisme financier reste une menace pan- épidémique

    que pouvait il faire d’ autre ?

    29 octobre 2019 à 13 h 26 min

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