Un fléau social : la fausse automation

Un fléau social : la fausse automation

Certes, c’est le coût trop élevé des « cotisations sociales » (en fait ce sont des impôts affectés) qui, frappant exclusivement les coûts salariaux dans le budget d’une entreprise, est la cause essentielle d’un chômage persistant, délétère et véritable cancer de la société.

Pourtant, il existe un autre facteur, moins important mais plus pervers : la fausse automation, c’est-à-dire la chasse à l’emploi, au détriment du client notamment, qui est parfois rudement traité. Les exemples abondent, n’en citons que quelques-uns :

1) Suppression des pompistes dans les stations services qui rendaient d’innombrables petits services aux automobilistes et qui s’occupaient de la pression des pneus. Si cet entretien est fait par le seul conducteur, cela peut être cause de graves accidents.

2) La classification des hôtels, matérialisée par des étoiles, ne tient presqu’aucun compte de l’importance du personnel de service (et obéit à des critères extravagants). Résultat, même dans des établissements assez luxueux, on peut être obligé de se coltiner de lourds bagages et il peut être assez difficile de demander certains autres services.

3) Il existait naguère des porteurs dans les gares qui ne coûtaient rien à la SNCF, étant organisés en une remarquable coopérative étudiée par Hyacinthe Dubreuil, aujourd’hui bien oublié. Ceci a été supprimé et des petits chariots sont mis à disposition des voyageurs, d’où difficulté de les trouver, bousculades…

4) Dans les supermarchés, il est fréquent que les clients soient obligés de peser des légumes ou des fruits, et les bouchers ont pratiquement disparu, remplacés par de simples rayons où les morceaux de viande découpés sont présentés préemballées, dans des meubles réfrigérés et, du coup, souvent, les produits présentés sont « durs », ce qui pour une viande « tendre », est un peu embêtant…

5) Extravagance pure et simple. Dans de nombreuses sociétés de transport en commun, notamment à la RATP, on remplace lentement mais implacablement les ventes manuelles de titres de transports par des automates souvent très compliqués et d’usage peu compréhensible. Le résultat est que certaines stations, à certaines heures, semblent totalement vides donc, à juste titre, inquiétantes car toutes les agressions ou vols y sont possibles et celui qui n’est pas sûr de son trajet trouve difficilement sa voie. Le comble est que la RATP est fière d’avoir remplacé ses « usagers » traités convenablement par des « clients » malmenés et rudoyés ! Mais clients de quoi ?
On pourrait encore citer d’autres exemples, par exemple la vente des chaussures…

Tous ont un point commun : ce sont des refus de service qui suivent la prescription Do it yourself (faites ça vous-même) et qui voudraient se justifier en se réclamant d’une fausse modernité. Or, tout changement n’est pas, par définition, moderne ou bon (à la limite, la mort est notre avenir, mais n’est pas moderne !…).

Tout se passe comme si le but choisi était un idéal pervers : la multiplication du chômage comme fin ultime. À ce point de vue le thème publicitaire : « Écrasez les prix »… cher aux supermarchés est dangereux, car ce ne sont pas les seuls prix qui sont écrasés et combien coûterait la présence d’un peseur de légumes à chaque client ? Quelles justifications peut-on trouver à toutes ces pratiques ?
Dans certains cas, il n’y en d’autre qu’une idéologie dévoyée. Ainsi la RATP n’a pas et ne peut avoir aucun concurrent, de part sa nature même ! Pourquoi entre-t-elle dans cette chasse à l’emploi ?

Dans d’autre, la concurrence peut sembler rendre inévitable le recours à la fausse automation, et encore : les « self-services » n’ont pas fait disparaître les restaurants et le succès des « Mc Do » n’est pas dû qu’à une cause unique : le prix.

Mais aucune entreprise ne peut être, même dans une société libérale telle les USA, entièrement libre : des obligations relatives à la santé, aux conditions de travail, à la fraude, aux impôts… sont inévitables. L’interdiction totale de la fausse automation, du do it yourself, dans les « stations services », les supermarchés (notamment d’un projet scandaleux de caisses automatiques)… est « une ardente obligation » pour combattre un cancer social.

En quelque sorte, le self-service : voilà l’ennemi !

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Comments (4)

  • Gérard Pierre Répondre

       Monsieur Pierre Barrucand, vous touchez du doigt un point sensible et effectivement trop négligé par nos décideurs. Ceux-ci, trop accoutumés à suivre les recommandations des cabinets d’audit qui ne prennent en compte qu’une vision comptable des problèmes et raisonnent dans un segment économique aux limites strictes, commettent des erreurs dont ils refusent souvent de prendre la mesure réelle de l’impact économique final.

       Dans les années soixante dix, le groupe industriel auquel j’appartenais comportait, entre autres, un service contrôle factures d’un peu plus de quarante personnes avec à sa tête quatre chefs de bureau supervisés par un cadre supérieur. Les employés de ce service traitaient manuellement, les unes aprés les autres, les milliers de factures de nos fournisseurs, les comparaient aux conditions commerciales de la commande, aux bons de réception, aux attachements et recoupaient tous les éléments avant de les ordonnancer pour paiement par la comptabilité. Sur le nombre, un certain nombre de factures litigieuses étaient traitées comme il convenait alors qu’elles le fussent. Pour l’essentiel, les fournisseurs du groupe étaient payés à l’échéance et nous jouissions d’une réputation de bon payeur qui n’était pas sans incidence positive sur mon travail de négociateur. J’ajoute que le montant des factures non payées parce que non due en l’état où elles nous étaient présentées suffisait à rémunérer l’ensemble des salaires et des charges de ce service contrôle factures.

       Vingt ans plus tard, l’informatisation de la fonction nous livrait ses premiers dégâts. Le nombre de contrôleurs de factures était divisé par 2,5. Les rescapés se mirent tant bien que mal au traitement informatique en avalant un système d’information conçu sans leur participation. Les quatre chefs de bureau furent maintenus et le cadre supérieur fut promu. Personne ne s’étonna pourtant qu’à périmètre d’achat constant le total de la facturation augmentait, année aprés année, alors que les prix étaient à la stabilité. Les fournisseurs commencèrent à me manifester leur insatisfaction: en dépit des délais de paiement négociés, le paiement réel de leurs factures n’intervenait souvent que trente à quarante jours aprés l’échéance contractuellement fixée. D’autres, en revanche, se virent régler deux fois le paiement qu’ils attendaient. Si certains furent discrets devant une telle aubaine, d’autres me firent part de leur surprise, trop content de me faire sentir nos imperfections.

       Lorsque j’ai pris ma retraite, le phénomène s’était encore aggravé. Mon groupe avait absorbé des unités de production concurrentes et emplifia la centralisation du contrôle de la facturation. Cinq personnes traitèrent à elles seules une quantité de factures trois à quatre fois supérieure à celle traitée trente ans auparavant. Nous nous entendions dire par des gens suffisants: " ils contrôlent quoi en définitive ? … tout est automatique ! … c’est la bécane qui rejète si ce n’est pas conforme ! ". Les abbérations s’accumulèrent pourtant. Les fournisseurs devinrent moins souples. Les meilleurs démarchèrent une autre clientèle que la nôtre. Les délais de livraison ne furent respectés que dans 13 % des cas. Comble de stupidité, on me fit valoir que, compte tenu du coût d’un contrôleur de facture mieux valait laisser passer les erreurs de prix insignifiantes que d’entamer une procédure de litige. Mais personne ne calcula jamais la somme totale des " insignifiances ".

       Le cas que j’évoque pour la fonction contrôle factures vaut également pour la gestion des pièces de rechange, pour la maintenance, pour les réparations, tout étant envisagé en terme de globalisation. La globalisation étant à l’entreprise ce que la mondialisation est aux échanges internationaux, il y a lieu de se reposer les bonnes questions.

       Globaliser revient trop souvent à recourir à moins de gens mieux formés, utilisant des techniques plus sophistiquées, pour faire moins bien qu’avant ! … où est le progrés ?

    5 avril 2007 à 19 h 03 min
  • MINUX75 Répondre

    Bonjour Il y a quelque chose d’incompréhensible. A la SNCF, il n’y a plus de vendeurs de billets passé une certaine heure, mais la ou l’affaire se complique, cette personne est remplacée par quelqu’un au guichet qui ne fait plus rien. Si cette personne vendait les billets, cela ne coûterait rien à la SNCF mais cette personne ne vends pas de billets. Je n’ai pas d’explication à ce phénomène ci ce n’est que dans les entreprises privées, on fait la chasse aux coûts inutiles alors que dans les entreprises publiques, on paye les gens à rien faire. à bientôt

    5 avril 2007 à 2 h 23 min
  • ozone Répondre

    Prenons les caisses automatiques,les grandes surfaces se gavent mème avec les charges sociales,leur taux et moindre sur les bas salaires et temps partiel,alors comment expliquer les dits projets d’automation sinon par la guerre economique que se livre les grands groupes de distribution a coups de menaces d’OPA,alors faut servir l’actinnaire en premier et tous les moyens sont bons,un sou est un sou.

    4 avril 2007 à 23 h 58 min
  • jacques Répondre

    "L’interdiction totale de la fausse automation, du do it yourself, dans les « stations services », les supermarchés (notamment d’un projet scandaleux de caisses automatiques)… est « une ardente obligation » pour combattre un cancer social"

    Je m’inquiète…
    Prenez votre température ! Serait-ce un début de méningite?

    Allons soyez sérieux.

    Dans un pays libre, si les clients trouvent que les prix plus bas entrainé par l’automation ne compensent pas la diminution du service "personalisé", alors ils iront chez l’entreprise concurrente non-automatisée avec son gonflage de pneu.

    C’est tout ce qu’il y a à dire!

    C’est aux client à choisir, et à EUX SEULS.

    4 avril 2007 à 0 h 43 min

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