Un pompier pyromane pour éteindre la crise

Un pompier pyromane pour éteindre la crise

En mars se tiendra un « sommet pour sauver l’euro », titre Le Figaro. Mais on apprend dans Capital que les banques, secourues par les Etats et par l’Europe, n’ont pas abandonné les pratiques qui ont conduit à la crise. Où est la logique ?

L’annonce a fait la Une du Figaro du 5 février : « L’idée d’un gouvernement économique de l’Europe avance à grands pas. La France et l’Allemagne ont obtenu hier l’accord de leurs partenaires pour l’organisation d’un sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro en mars prochain. Objectif : finaliser un ensemble de mesures destinées à éviter une nouvelle crise. » Et « sauver l’euro ».

Autrement dit, pour sauver une monnaie unique dont les peuples s’accordent à penser qu’elle leur a déjà coûté très cher et les ligote face à la crise – au point qu’il serait sans doute risqué de vouloir sortir trop brutalement de sa logique –, le président français et la chancelière allemande s’apprêtent à abandonner une large partie des lambeaux de souveraineté qu’il reste à leurs pays.

C’est la tactique de la fuite en avant : nous nous sommes engagés sur une mauvaise voie, le demi-tour est difficile à négocier, donc accélérons. Périssent les peuples et les nations, pourvu que la monnaie unique soit sauve. L’idéologie eurocratique exige ce sacrifice ; mais plus seulement.

Dans le numéro de Capital du mois de février (1), plusieurs articles signés par Marie Charrel et Sandrine Trouvelot tirent la sonnette d’alarme : la crise pourrait bientôt rebondir, notamment parce que les banquiers « ont toujours recours à des pratiques dangereuses » (la spéculation continue à aller bon train), et qu’ils ont néanmoins « les reins fragiles ».

Les Etats européens ont en effet renfloué les banques sans leur imposer de réformer leurs pratiques : « Au contraire ! Entre 2008 et 2010, les Etats européens leur ont offert sur un plateau plus de 2 000 milliards d’euros d’aide, sans véritables contreparties. Dans le même temps, les Banques centrales américaine (Fed) et européenne (BCE) leur prêtaient à des taux ridiculement bas (1 %) plus de 2 500 milliards de dollars et près de 600 milliards d’euros pour pallier le manque de liquidités et relancer l’économie mondiale. Mais ces petits malins ont préféré utiliser cet argent pour charger leurs grenades spéculatives. Et ils ne se sont pas gênés pour les faire exploser. » Ainsi quelques grandes banques, à commencer par Goldman Sachs, ont-elles spéculé avec les fonds prêtés par les Etats contre la Grèce !

Vers un rebond de la crise systémique ?

Ces banquiers se sont ainsi « gavés de bons du Trésor grecs, irlandais, portugais ou espagnols. Or ces pays font face à de telles difficultés qu’il faudra sans doute procéder tôt ou tard à une " restructuration de leur dette" », ce qui pourrait entraîner une nouvelle crise bancaire.

Car certaines banques, ajoutent les journalistes de Capital, « demeurent très vulnérables » et sont notamment menacées par l’endettement des Etats, en particulier celui du Portugal, de l’Irlande, de la Grèce et de l’Espagne. Si ces Etats devaient se trouver en « défaut de paiement », la France serait elle-même touchée par ricochet, les banques françaises détenant 493 milliards d’euros de créance sur ces pays (et les banques allemandes 465 milliards).

Or les banques portugaises, « qui ont massivement acheté de la dette nationale », sont déjà menacées : « Affolés par leurs bilans calamiteux, les marchés n’acceptent plus de leur prêter de l’argent qu’à un coût exorbitant ; Si bien que la Banque centrale européenne a dû prendre le relais : en quelques mois, elle leur a triplé ses avances, pour les porter à plus de 50 milliards d’euros. (…) Si elles flanchent, la crise pourrait se propager très vite. »

« Et inutile de compter sur les autorités européennes pour éteindre l’incendie, comme elles l’ont fait en Grèce et en Irlande. Car leurs capacités d’intervention ne sont pas infinies. »

On conçoit que face au danger, les Etats puissent souhaiter coordonner leurs politiques. Une nouvelle autorité européenne de contrôle des marchés a vu le jour le 1er janvier dernier : « Une fois installée, elle aura le pouvoir de superviser les gendarmes nationaux et d’émettre des règles que les Etats devront appliquer », écrit Marie Charrel.

Mais la journaliste de Capital rappelle par ailleurs que la Commission de Bruxelles avait elle-même autorisé en 2007 la création des « dark pools », « ces Bourses obscures échappant à tout contrôle » – et que les experts bruxellois viennent d’entamer « après des mois d’hésitation » la révision de la directive qui avait permis cette création.

Ce qui conduit à poser cette question : peut-on s’en remettre, pour contrôler les marchés, à une commission européenne dont on connaît l’idéologie libre-échangiste ? Et dans ces conditions, une gouvernance européenne unique suffira-t-elle à éviter la crise aux Etats ? Il est à craindre qu’on en soit réduit à faire appel, pour éteindre l’incendie qui couve, à un pompier pyromane.

(1) Capital titre par ailleurs : « Fonctionnaires, les vraies réformes, c’est pour quand ? » et consacre à cette épineuse question un dossier très intéressant.

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Comments (2)

  • ozone Répondre

    Ou est la logique ?

    Trés simple,l’euro est conçue pour écraser les peuples,la création de "l’homme nouveau" en Europe sur le modéle Américain,un mélange de déracinés en provenance du large monde (comme les USA) avec le nomadisme comme obligation pour survivre.
    Sauf que le temps est passé depuis les trapeurs a la Daniel Boonne,alors qui est volontaire pour faire le peau rouge?
    Cette partie du "programme",elle,elle ne change pas,il y à toujours les sacrifiés.

    7 février 2011 à 19 h 49 min
  • lapatche Répondre

    En Europe, les banques ne respectent pas les ratios prudentiels d’endettement, et la banque centrale pratique une politique inflationniste, c’est cela qui peut amener la crise de l’Euro, laquelle est fatale.

    Le vote pour des partis souverainistes apparait inéluctable, quelles que soient les folies de nos technocrates.

    Aux USA, les banques se sont désendettées, les boites ont dégraissé et ont boosté leur productivité. Ici, on veut sauver la profession de maréchal-ferrant à l’ère du Cayenne hybride….

    7 février 2011 à 16 h 14 min

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