Vers un front commun des preneurs de risques

Vers un front commun des preneurs de risques

Les récentes grèves à la SNCF ou dans l’Éducation nationale ont mis en évidence un phénomène que l’on sentait sourdre depuis des années, mais dont la « grande presse » se fait enfin l’écho. Ce phénomène est simple : plus personne dans la population française ne se sent solidaire des grévistes. Le mythe savamment entretenu des fonctionnaires « faisant grève pour nous », pauvres agents du secteur privé, ne tient plus.

Au passage, je signale que, durant tout le temps où ce mythe a dominé le débat public, nous n’avons jamais pu savoir avec précision si ces braves gens « faisaient grève pour nous », parce qu’empêtrés dans des « rapports de production » iniques, nous n’avions pas les moyens de le faire. Ou, si nous n’avions simplement pas l’intelligence de « savoir » que nous aurions dû faire grève avec eux. Compte tenu de l’idéologie marxiste-léniniste largement hégémonique dans le monde syndical français, ce qui est certain, c’est ceci : les syndicats de la fonction publique, avant-garde éclairée du prolétariat, savaient naturellement mieux que nous ce qui était bon pour nous !

En tout cas, le mythe ne tient plus. Plus personne ne croit que les fonctionnaires ou les agents de la SNCF font grève « pour nous ». Tout le monde critique, au contraire, les grévistes pour les problèmes qu’ils rajoutent à notre vie quotidienne.

Plusieurs supports de la « grande presse » se sont fait l’écho de cette réalité, ces derniers jours. On lisait, ou on entendait, des grévistes s’étonner que la France entière ne les soutienne pas. Et même déplorer que les Français ne se préoccupent que de l’organisation de leur vie quotidienne et non du « vrai sujet » : le motif de la grève.

Tiens, au fait, c’est vrai, ça ! Pourquoi faisaient-ils grève ? Bonne question, dont la réponse n’est pas simple à donner, puisque, selon les grévistes interrogés, on passait d’un sujet à l’autre avec une facilité déconcertante. Ce qui laisse un petit doute s’installer : et s’il n’y avait pas d’autre motif à ces grèves que de montrer au gouvernement la puissance de feu des syndicats révolutionnaires ?

Toujours est-il que le principe de réalité s’impose : nul dans la population ne se sent plus de « solidarité de classe » avec les syndiqués de Sud-Rail. Je puis bien avouer que cela ne me fait pas de peine : je ne me suis jamais senti solidaire avec eux. Et quand, par impossible, j’avais l’impression qu’ils disaient une chose de bon sens, il m’a toujours suffi d’aller creuser un peu pour découvrir que soit les journalistes avaient mal retranscrit leurs propos, soit leur slogan était un pur mensonge tactique.

Il reste que la situation est nouvelle. Ce ne sont plus seulement les anticommunistes primaires comme votre serviteur qui ne se sentent pas solidaires de Sud-Rail et de leurs petits camarades de jeu, c’est la quasi totalité des Français.

Mieux encore : à la place de cette prétendue « solidarité de classe » qui n’a jamais existé que dans l’imagination des personnes intoxiquées de marxisme, commence à transparaître une autre forme de solidarité, autrement plus « subversive ». La solidarité de ceux qui risquent quelque chose : leur emploi, leur capital…

Les PDG du CAC 40, selon l’indépassable modèle Messier, ne risquent pas leur propre argent quand ils font des acquisitions aventureuses. Les agents de Sud-Rail ne risquent pas de perdre leur emploi quand ils immobilisent le reste de la population. Face à ces catégories de « sans-risques », la plupart d’entre nous sommes soumis aux aléas de la vie : nous pouvons perdre nos emplois, notre argent ou nos entreprises par suite d’une crise financière dans laquelle nous n’avons été strictement pour rien. Sinon que beaucoup d’entre nous n’ont cessé de crier « casse-cou » dans les mois qui ont précédé l’éclatement de la bulle. Sans mérite particulier d’ailleurs : il n’est pas besoin d’être spécialement génial pour savoir qu’une hausse du SMIC sans hausse de la production entraîne une hausse de l’inflation, ou que prêter de l’argent que l’on n’a pas à des débiteurs insolvables n’est pas une opération avisée !

Si la convergence des intérêts de ceux qui prennent des risques et créent de la richesse devait se concrétiser, nous tiendrions là un axe politique majeur. Tout le contraire d’une lutte des classes, mais une véritable lutte entre une économie de propriétaires et une économie accaparée, entre nantis et preneurs de risques.

La droite politique aurait intérêt à suivre cette affaire et à soutenir fortement l’économie de propriété et de preneurs de risques, au lieu de paraître, comme elle le fait trop souvent, s’allier à des spéculateurs qui jouent avec l’argent des autres !

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Comments (7)

  • SAS Répondre

    a monneuil….

    …..si tu avais été franc maçon, suceur de queu dans une chambre de commerce ou à la région…..soit sur que tu aurais eu des marchés pas possibles, des passes droit, tu te serais assis sur les charges, tu aurais touché les sacro saintes subventions et en pleine tourmente…..on t’aurait effacé et dettes fiscales et sociales…..

    …….et si aux très bonnes loges tel notre nanard nationnal, tu aurait pu acheter a tour de bras des affaires en liquidation avec enveloppes épaises aux liquidateur et autres administrateurs, au franc ou euro symbolique s entend,puis tu aurais revendu les actifs, avec paiement sécurisé dans un paradis fiscal idoine.

    …….pour le personnel ,pas de lezard, en bon fm , les licenciements et les soldes de tous comptes payés sur les fonds de garantie, auront été fait au paravent par nos afficionados patentés…..kiwanisiens  voir rotariens….

    que c’est beau l économie à la française……la prise de rique et le triomphalisme modeste….

    sas qui tord….

    1 décembre 2008 à 12 h 49 min
  • Monneuil Répondre

    comment voulez vous trouver encore des inconscient de se niveau en France ????

    Exact !

    Pour ma part, j’ai créé par 4 fois mon entreprise (en France), et je touche moins de retraite qu’une femme de ménage !…
    Bon, j’assume, en fait, je n’étais pas très doué….

    30 novembre 2008 à 17 h 28 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Bravo sas pour votre analyse claire sur la situation des entrepreneurs.

    J’ai bien peur qu’il n’en restera plus beaucoup d’ici la fin de l’année prochaine. Ceux qui sont sur le point de le devenir ferait bien d’y réfléchir encore un peu plus. Il vaut mieux faire dans sa culotte, au mieux cela se lave…

    28 novembre 2008 à 12 h 33 min
  • sas Répondre

    La création d entreprises en France ?????

    L’entrepreneur siffisament tarer pour créer et animer une sociétée en france devra trimer pour trois…3

    1° tiers pour l’etat avec ses taxes et ses impôts abyssaux

    2°pour son personnel,  le droit du travail marxisant ayant le soin de récupérer le 2 eme tiers

    3° pour lui etant en permanence emmerdé par lesopérateurs des 2 premiers tiers…

    …..ensuite sur les quelques richesses dégagées péniblement de sa petit activitée lucrative si ,il ne se trouve pas dans le potager d’un frère ou d’un baron détenteur de passe droits et de monopoles….l’etat vient encore ponctionner par l impôt….

    comment voulez vous trouver encore des inconscient de se niveau en France ????

    y a pu…..fini

    sas

    27 novembre 2008 à 19 h 56 min
  • Magny Répondre

    Excellent article .

    Une vraie évolution ( et pas révolution , qui elle ramène au point de départ en changeant l’emballage ) doit être initialisée par les preneurs de risque , c’est-à-dire par les citoyens responsables qui demandent enfin des comptes aux conseilleurs jamais payeurs bien à l’abri dans leurs corporations savament verrouillées .

    26 novembre 2008 à 15 h 42 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Très bon article Mr. de Thieulloy, vous avez touché le clou en plein sur la tête.  En France il y a confusion de genre entre parti politique et syndicats du monde ouvrier. J’ai exprès laissé "parti politique" au singulier pour bien montrer qu’il s’agit d’un parti bien particulier qui fait tourner la courroie de transmission.

    Enlevez le contexte politique aux syndicats et leurs revendications deviendraient un peu plus pragmatiques et trouveraient une plus grande compréhension dans la population. Le ministre de l’éducationale nationale n’a-t’il pas annoncé dernièrement que le personnel géré par son ministère était déjà en grève 32 fois depuis l’avènenement du nouveau millénaire.

    Voilà des gens auxquels on confie l’éducation des futurs adultes de ce pays et étonnez-vous ensuite si une enquête sur ces mêmes élèves révèle que majoritairement ils veulent devenir fonctionnaires.

    Tant va la cruche des grèves à l’eau…

    26 novembre 2008 à 13 h 47 min
  • christophe Répondre

    Je partage complètement vos réflexions monsieur de Thieulloy.

    Ayant travaillé pendant 14 ans et 4 mois dans une grande entreprise du secteur public,dans le domaine du nucléaire militaire,je puis vous dire que je ne me suis pratiquement jamais déplacé pour élire des délégués du personnel.

    Il ne faut oublier que, prochainement,les organisations syndicales seront contraintes de rendre public leurs comptes comme toutes associations et aussi comme les entreprises.Ce type de mesure aura des effets bénéfiques et qui sait?  modifier leurs comportements et leurs vision du monde qui les entourent.

    26 novembre 2008 à 10 h 46 min

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