Ceux qui acclamaient Pétain et ceux qui acclamaient De Gaulle

Ceux qui acclamaient Pétain et ceux qui acclamaient De Gaulle

Il existe dans toute communauté humaine de ces « vérités établies » que personne ne songe à discuter, ni même à examiner. Qui les conteste passe pour un hurluberlu, un provocateur, un trublion. Comme nos lecteurs le savent, c’est un rôle dans lequel je me sens très à l’aise.
Au cours des dernières commémorations de la libération de la France par les Alliés, avec le concours de l’Armée française renaissante et des Forces françaises de l’Intérieur, il a été répété pour la énième fois, et sans que se manifeste le moindre avis contraire, que les Parisiens qui acclamaient le Général de Gaulle et les libérateurs étaient les mêmes que ceux qui acclamaient encore le Maréchal Pétain quelques jours plus tôt. À croire que les Français (ou du moins ceux qui parlent en leur nom) ont eu accès à un recensement méthodique de nature scientifique ayant à l’époque établi ce fait avec une certitude absolue. Est-il besoin de préciser qu’un tel recensement n’a jamais eu lieu et que les sondages d’opinion n’existaient pas encore. (Un tel sondage eut été d’ailleurs sans valeur dans une période aussi troublée.)
Sur quelle source d’information peuvent donc bien s’appuyer ceux qui proclament depuis 60 ans avec une parfaite assurance : « Ceux qui applaudissaient De Gaulle et ceux qui applaudissaient Pétain, c’étaient les mêmes ! » ? Auraient-ils appris dans quelque officine de magie à sonder les reins et les cœurs ? D’où tiennent-ils cette extra-lucidité ? Eh bien je vais vous le dire : Ils ne tirent cela que de leur immense vanité, qui les porte à juger de haut le petit peuple de France, et ils trouvent un plaisir pervers à présenter leurs concitoyens comme des girouettes sans convictions.
Qu’une partie de toute population soit composée d’influençables, d’hésitants et d’opportunistes prêts à se mettre dans le sens du vent, je me garderai de le contester. Mais elle ne représente à mon avis qu’une minorité : ce « marais » d’esprits mous qui n’ont pas d’opinion véritable et pour qui le dernier qui a parlé a raison. Ou tout simplement ceux qui suivent le vainqueur ou qui suivent le chef, parce que c’est leur tempérament ou leur paresse d’esprit. Mais quant à moi je demeure convaincu que dans la foule qui acclamait De Gaulle le 25 août 1944, il n’y avait guère plus que 10 % de ceux qui avaient acclamé Pétain auparavant. Certes, je n’ai pas, moi non plus, de « méthode scientifique » pour mesurer cela. Mais j’étais à l’époque un garçonnet qui n’avait ni ses yeux ni ses oreilles dans sa poche et qui, dans le voisinage, savait fort bien qui penchait vers qui.
Dans ma propre famille, réduite à ma mère et à ma tante (mon père étant prisonnier de guerre en Prusse orientale), nous n’avons jamais acclamé Pétain – même si nous ne le jugions pas complètement négatif. Nous écoutions régulièrement la radio de Londres et nous ne fûmes pas les derniers à acclamer De Gaulle, Leclerc et Chaban lorsque le jour de gloire fut arrivé.
Il est vrai que rien ne ressemble plus à une foule qu’une autre foule, mais on ne doit pas en conclure que toutes les foules sont pareilles. Quand une foule applaudissait Pétain, ceux qui ne l’aimaient pas restaient chez eux. Quand une autre foule acclama De Gaulle à la Libération, ceux qui avaient acclamé Pétain, croyez-moi, ne se montraient guère. Alors ceux qui prétendent, avec une suffisance teintée de mépris : « C’étaient les mêmes ! », sans en avoir, et pour cause, le plus petit commencement de preuve, feraient mieux de se taire.
Après l’armistice de 1940, un certain nombre de français accordèrent leur foi au prestigieux Maréchal Philippe Pétain, auquel d’ailleurs la majorité des députés de la iiie république avait voté les pleins pouvoirs. On peut très bien les comprendre, et lorsque ces gens n’ont dénoncé ni trahi personne, ni servi l’occupant nazi, nul ne peut leur tenir rigueur d’un choix qui pouvait avoir ses raisons au moment où ils le firent. Personne n’est informé de tout ce qu’il faudrait savoir, chacun peut se tromper et tout le monde peut un jour changer d’avis. Certes, il vaut mieux ne pas attendre pour changer d’avis que la victoire ait changé de camp, ou bien on a l’air de retourner sa veste. Mais la plupart des Français sont moins versatiles que d’aucuns le prétendent. J’en ai connu d’assez nombreux qui ont préféré assumer leur mauvais choix jusqu’au bout, voire même longtemps après, et, à défaut de lucidité, cela ne manquait pas de panache.

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Comments (15)

  • L'élève Répondre

    Je vous remercie Mr Lance pour votre article. Pendant ces vacances de noël mon professeur d’histoire me donna a faire une dissertation portant sur le thème de: “les francais pendant la seconde guerre mondiale” et bien que du haut de mes 14ans je ne puisse me faire une opinion a ce sujet sachez que cet article m’aide beucoup pour la suite de mes recherches.

    21 décembre 2005 à 16 h 37 min
  • Nour Répondre

    Ceux qui savent doivent corriger les fautes de ceux qui ne savent pas. C’est ainsi qu’on lève les emb(û)ches. Merci. Signé, un Normand.

    12 septembre 2004 à 0 h 06 min
  • R. Ed. Répondre

    Reprendre possession de la langue française, quelle bonne inititiative, mais le chemin à parcourir sera très long et parsemé d’embuches. Conna(î)tre, destin()et …, la (l)angue()afin …, l’issu(e), “nécessaire(?)répondre” ???, pr(é)carité, pérennité, ét(é), (a)nciens, rencontr(é). Signé, un Flamand

    10 septembre 2004 à 23 h 37 min
  • Nour Répondre

    Le malade doit connaitre sa maladie pour pouvoir en guérir. Nous devons nous réconcilier avec notre destin, et accepter la mort comme l’issus providentielle à notre faiblesse et nécessaire répondre à la precarité de notre condition. Il est essentiel que nous reprenions possession de notre Langue, afin de restituer à notre réflexion le sens des mots. La reconquête de la famille comme cellule de base de notre société, en réinstallant en son centre nos épouses, est la seule garantie de pérénnité. Détrôner la raison, la remettre à sa place, la subordonner à l’autorité de l’esprit, et renvoyer la philosophie à ce qu’ elle a toujours éte pour les Anciens, non pas une fin en soi, mais une noble disposition de l’homme doué d’intelligence, à savoir l’amour de la sagesse. Non! je ne suis pas pessimiste, simplement je plains celui qui n’a jamais rencontrer ce pourquoi il faut tout perdre.

    10 septembre 2004 à 9 h 31 min
  • Hugo DesMaisons Répondre

    A Mr Nour Si je suis d’accord avec vous sur beaucoup de vos observations vous me paraissez gagné par un pessimisme facile encore plus destructeur que les épreuves que nous allons bientot rencontrer. Bref puisque vous vous dites non chrétien que préconisez vous comme solution ? Amicalement

    8 septembre 2004 à 22 h 03 min
  • chevalier de la Liberté Répondre

    ” Que faire contre la sottise? Comment peut-on préférer ruminer la haine, plutôt que de réfléchir? ” Questions intéressantes, qui seraient à leur bonne place dans les banlieues pourries HLM rap ghettos ZEP et tout le gratin.

    8 septembre 2004 à 15 h 44 min
  • Nour Répondre

    Que faire contre la sottise? Comment peut-on préférer ruminer la haine, plutôt que de réfléchir? Bon courage, et peut-être à bientôt. Amicalement.

    8 septembre 2004 à 0 h 25 min
  • T.Larger Répondre

    la c…..rie aussi voile le discernement

    7 septembre 2004 à 19 h 57 min
  • Nour Répondre

    Coupez les racines de l’arbre et il ne donnera plus de fruit. Ne confondez l’Histoire avec ce qui est vieux. L’invasion n’est pas musulmane, le mal est en notre sein. Le danger extérieur est révélateur de notre mal, il n’en est pas la cause. Nous sommes vidés de notre existence, nous sommes faibles de ne pouvoir ordonner notre pensée, plus rien dans notre société apporte à notre coeur la nourriture dont il a besoin pour irriguer notre être. La qualité intellectuelle de ceux dont vous craignez l’invasion n’est pas suffisante pour remettre en cause notre intégrité. Nous sommes les artisans de notre destruction, et comme tous les faibles nous nous consolons en attribuant à d’autres la responsablité de nos malheurs. La haine est la pire des issus, elle voile le discernement, elle étale son manteau de ténébres et abrite dans son obscurité les nuisances qui nous rongent. La

    7 septembre 2004 à 10 h 24 min
  • arturo Répondre

    c’est vieux tout ça,bien trop vieux,ça ne nous concerne plus je pense. La seule guerre civile qui pointe son nez en france opposera le camp nationaliste aux camps de ceux qui ont vendu leur pays à l’invasion musulmane,et celle là sera totale jusqu’à extinction d’un des deux camps. courage.

    7 septembre 2004 à 1 h 57 min
  • R. Ed. Répondre

    A la fin de la guerre, en ’44, les Allemands croyaient que les Français étaient 80 millions :40 millions de collabos et 40 millions de résistants ! Il est encore heureux que dans leur débacle ils aient pris le temps de détruire de nombreux documents par eux collectés durant l’occupation. Après la guerre allait venir le temps de la paix et tous les Allemands n’étaient quand-même pas des imbéciles, loin de là!

    6 septembre 2004 à 2 h 30 min
  • RESTONLA Répondre

    Je n’arrive pas à être d’accord avec vous cher Mr Lance. Je vous renvoie si vous le voulez bien à la lecture du très gros ouvrage de Mr Amouroux, Historien, sur le “Peuple du Désastre”. J’ajouterai qu’étant “pied noir”, depuis mon arrivée en France en 1962, je n’ai pas encore trouvé dans mes relations un seul français de Métropole ayant voté OUI au référendum de 1961 de De Gaulle sur l’indépendance de l’Algérie. Et cela c’est mon expérience personnelle.

    5 septembre 2004 à 21 h 11 min
  • Hugo DesMaisons Répondre

    Je me permettrai d’ajouter que la notion de collaboration francaise dépasse l’aspect spatio-temporel. En effet ceux qui collaboraient avec les Naz(i) ne devaient pas avoir une personnalité très éloignée de ceux qui collaborent dorénavant avec l’Islam…Aujourd’hui l’effet est encore plus pervers, car la collaboration nous est imposée jusque dans nos foyer via les différents média…et les résistants risquent la mort sociale. Heureusement qu’il nous reste l’Espérance :-).

    5 septembre 2004 à 10 h 43 min
  • Nour Répondre

    J’ai passé le mois de Juillet dans le Calvados à Lion sur Mer. J’ai rencontré une femme qui avait vingt ans à l’époque du débarquement allié. Elle m’a dit une chose étonnante : ” Les alliés ont débarqué en 44 pour sauver la France des Français .” Cette femme est une patriote lucide, son récit m’a laissé une drôle d’impression, je ne puis vous écrire tous ses dires, mais sa sincérité ne fait aucun doute. Amicalement.

    5 septembre 2004 à 2 h 54 min
  • chevalier de la Liberté Répondre

    De Gaulle, ce collabo qui a vendu toute l’Algérie à une poignée de terroristes ??? http://www.algérie-francaise.org Ce site vaut le coup d’oeil. Aussi corporatiste, aussi chauvin, aussi anti-américain et anti-anglais, aussi anti-capitaliste, aussi étatiste que feu le maréchal Pétain ? Quelle preuve apportez-vous, quant à vous, pour prétendre avoir votre mot à dire ( c’est à la mode, la rue veut avoir son mot à dire de nos jours sur tous les sujets et prend les historiens, les philosophes et les scientifiques pour des cons ; tout le contraire de la boutade digne d’un Besancenot ou d’un Bové – oops j’oubliais que vous nous aviez fait part un jour de votre puissante admiration à Son égard – que vous avancez concernant le ” petit ” pôôple jugé ” de haut ” ) ? Quant à la pensée unique à la française, Pierre Lance, elle vous sourit tous les jours, un sourire avec des dents bien blanche qui ne s’est pas miraculeusement éteint le 6 juin dernier. Lisez plutôt ça, c’est du Millière et c’est plus instructif: http://www.les4verites.com/les4verites/lesnumeros/4verites229.htm#5

    4 septembre 2004 à 22 h 00 min

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