Illusions et naïvetés des européistes français

Illusions et naïvetés des européistes français

« Sarkozy vole au secours de l’euro ». Ce titre en pleine page du Parisien du 1er janvier est par lui-même révélateur du bouleversement que nous vivons et des inquiétudes de nos dirigeants. Combien de Français n’auraient-ils pas haussé les épaules, voilà trois ans, voire deux ans seulement, si un plaisantin était venu leur dire que le président de la République consacrerait son discours de vœux à affirmer avec force à ses concitoyens que non, la France ne sortirait pas de l’euro ? Cette seule hypothèse, pour tous les gens sérieux qui dissertent ordinairement de la politique et de l’économie, était une vue de l’esprit.

« "Protéger", "protection", ces mots ont été employés à huit reprises tout au long de l’intervention présidentielle qui a duré une petite dizaine de minutes », écrit le journaliste du Parisien, Frédéric Gerschel. « (…) Mais c’est sur la monnaie unique, particulièrement attaquée en ce moment – à cause de la crise économique -, que le chef de l’Etat s’est montré le plus ferme : "Ne croyez pas, mes chers compatriotes, ceux qui proposent que nous sortions de l’euro. L’isolement de la France serait une folie. La fin de l’euro serait la fin de l’Europe. (…) Je le dis avec d’autant plus de fermeté que j’ai toujours milité pour la préférence communautaire, et que je me suis toujours battu pour la protection de notre industrie, la réciprocité et la fin de la naïveté dans les discussions commerciales avec nos principaux partenaires. " »

Sarkozy arrime la France à l’Allemagne

Bla-bla. On ne sait ce que défend le président, l’Europe ou la France. Qui défend l’Europe défend la France, et vice-versa, répondra-t-on ? Mais Nicolas Sarkozy lui-même convient du contraire, puisqu’il évoque la « naïveté » des Français dans les discussions commerciales avec leurs partenaires, la nécessité de « militer » pour la préférence communautaire (qui ne va donc pas de soi) et de se « battre » pour la protection de l’industrie française – sans résultats probants lorsqu’on voit ce qu’il en reste.

Au reste, Nicolas Sarkozy pose mal la question : le problème n’est pas de savoir si les Français souhaitent quitter l’euro, mais jusqu’à quand les Allemands voudront bien soutenir la monnaie unique en l’état. Qu’ils la quittent, ou qu’il décident d’inventer un euro à deux vitesses – d’un côté les pays économiquement encore bien portant, essentiellement ceux du nord, de l’autre les Etats en difficulté – et l’on voit mal ce qu’y pourra faire Nicolas Sarkozy.

C’est d’ailleurs la question que pose Hilaire de Crémiers dans le numéro de janvier de Politique Magazine, en soulignant le risque majeur auquel est confrontée notre économie : la dette et son financement.

« Nicolas Sarkozy, au dernier sommet de Bruxelles, a cru bon de tenir un langage ferme, écrit Hilaire de Crémiers. En réalité et fort concrètement, pour tenter de s’en sortir, il arrime la France à l’Allemagne, du moins l’Allemagne d’Angela Merkel, pour donner l’impression de la stabilité et en espérant ainsi bénéficier de la confiance qu’inspire encore l’Allemagne. Il a été convenu que le traité de Lisbonne serait révisé pour autoriser les fonds de soutien européens… Il n’est pas dit que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe qui ne connaît de souveraineté qu’allemande, avalise cette décision. De toutes façons, les Allemands refuseront toujours les euro-obligations, ce qui est dire qu’il n’y a pas d’Etat européen et qu’il n’est pas question de leur "fourguer" les dettes des autres. »

A quoi les idéologues de l’européisme rétorquent que nous ne sommes pas encore allés assez loin : « L’Union européenne a voulu se constituer par la monnaie. Il faut aller jusqu’au bout et ériger la zone euro en union politique. Sinon, c’est l’euro lui-même qui entraînera l’Europe dans sa crise », affirme François Hollande dans Le Nouvel-Observateur du 23 décembre.

Chacun ne voit que son intérêt

Moyennant quoi, l’ancien patron du PS propose trois remèdes :

  • Définir « une stratégie de redressement des finances publiques de la zone euro », en évitant « de fixer des objectifs irréalistes financièrement, insupportables socialement et intenables économiquement » et en faisant en sorte « d’étaler dans le temps le retour à l’équilibre ».

  • Autoriser l’Union européenne à lever des emprunts, notamment pour « mutualiser une partie des dettes souveraines des Etats membres ».

  • Augmenter les ressources de l’Europe, en levant un impôt européen « pour préparer les dépenses d’avenir et porter des projets communs.

En somme, prendre son temps pour assainir sa gestion et poursuivre à l’échelle européenne la politique qui nous a si bien réussi à l’échelon national…

Il n’y a pas que dans les discussions commerciales qu’il faut en finir avec la naïveté. En matière de réalisme, le journaliste Hilaire de Crémiers peut en remontrer à Nicolas Sarkozy et a fortiori à François Hollande, qui pourrait bien être déçu s’il s’imagine que les Allemands entreront dans ses vues et ses fadaises.

« La France, pleine d’illusion, écrit Hilaire de Crémiers, s’imagine encore être reine en Europe et qu’il lui suffira de proposer des convergences budgétaires, fiscales, économiques et sociales pour qu’enfin apparaisse cette Europe politique unie, vieux rêve des politiciens démocrates-chrétiens et socialo-capitalo-bourgeois, unique pensée politique, intellectuelle et morale de quasi toute la classe dirigeante en France depuis des décennies, Europe grâce à laquelle tous les problèmes – et surtout les problèmes français – seraient facilement résolus ! Il n’en sera pas ainsi. Les dernières rencontres européennes l’ont prouvé amplement. Chacun des partenaires, dans la crise actuelle, ne voit que son intérêt. »

Si demain, comme il n’est pas absurde de le redouter, la France se trouve dans une situation comparable à celle de la Grèce ou de l’Irlande, l’Allemagne sauvera ses meubles et la question de la sortie de l’euro ne se posera plus en terme de choix.

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Comments (2)

  • Moroco Répondre

    Au départ les partis politiques qui ont lancés l’EURO étaient, pour la grande majorité des pays européens concernés, des partis Démocrates Sociaux dont l’idéologie socialiste les orientait vers une Europe supra-Nationale, avec la disparition des Nations au profit, dans un premier temps, de la création d’une Europe Fédérale qui devrait déboucher inexorablement  sur une l’Europe, sans autre qualificatif.

    Tout devait être fait pour que tous les particularismes nationaux disparaissent progressivement.

    Rappelez- vous : Au même moment  Ils ont décidé de supprimer les monaies nationales, les Drapeaux Nationaux , les Hymnes nationaux. A Bruxelles, sur le parterre du bâtiment du Parlement, tous les drapeaux nationaux ont été remplacés par le drapeau européen et l’on nous a dit que dorénavant , lors des manifestations officielles dans tous les pays, il ne serait plus chanté que l’hymne européen.

    Il ont donc lancés la mise en place de l’Euro dont les résultats ne se sont pas fait attendre et qui nous a amené à la situation désastreuse actuelle.

    Afin de persévérer dans la poursuite du but préalablement défini, ils ont tenté de faire un pas de plus en tentant de nous faire adopter une Constitution Européennne. Mais catastrophe ils ont voulu demander aux peuples d’entériner cette magouille, ce qu’ils s’étaient bien gardés de faire pour l’Euro avec les résultats que l’on sait.

    Il est certain que si la Constitution Européenne avait été adoptée, aujourd’hui nous serions à la veille de voir la disparition de toutes les nations qui constituent l’Europe.

    Heureusement le Peuple Français ne s’est pas laissé faire et les majorités ayant changées le rêves des socialistes est tombé à l’eau mais malheureusement il reste l’avatar de la monaie qu’il faudra bien régler, le plus tôt sera le mieux.

    PRESQUE TOUJOURS, EN POLITIQUE, LE RESULTAT EST CONTRAIRE A LA PREVISION.

    (François-René de Chateaubriand)

    LA  POLITIQUE A SA SOURCE DANS LA PERVERSITE PLUS QUE DANS LA GRANDEUR DE L’ESPRIT HUMAIN.                 (Voltaire)

    4 janvier 2011 à 18 h 00 min
  • françois Répondre

      " La fin de l’Euro serait la fin de l’Europe"…

     Hélas! si seulement c’était vrai! Cela voudrait alors peut être le coup de subir les inconvénients de la fin de l’Euro pour avoir les bénéfices de la fin de l’Europe ( du moins telle que nous la connaissons).

     L’Euro n’existe que depuis le 1° janvier 2002. L’Europe existait bien avant! Je ne vois donc pas de relation existentielle de l’Euro sur l’Europe. D’autant qu’on peut aujourd’hui faire partie de l’Europe sans être dans l’Euro…

      M. Sarkozy fait une erreur de logique ( ou plutôt des effets de manche à bon compte). L’Euro ne peut pas exister sans l’Europe, mais l’inverse est tout à fait possible…

     La seule Europe qui serait (peut être) viable doit être limitée à l’ex empire de Charlemagne. Démontrons que l’on est déjà capable de faire quelque chose avec ces quelques pays avant de prétendre aller plus loin.

    3 janvier 2011 à 11 h 49 min

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