Oui irlandais : une démocratie à géométrie variable

Oui irlandais : une démocratie à géométrie variable

L’Irlande a donc finalement voté oui au Traité de Lisbonne. Mais l’observateur ne peut qu’éprouver un certain malaise devant le concert d’éloges et d’autosatisfaction que nous ont offert les « officiels » européens.

Ce malaise est aggravé par l’impression persistance que ce vote ne veut rien dire. On annonçait jusqu’à la veille du scrutin un vote serré, et même une possible victoire du non. En réalité, le oui l’emporte par 67,1 % des voix. Ce qui peut vouloir dire deux choses : soit les médias ont délibérément menti pour faire voter oui ; soit les résultats finaux ont été truqués. Pour un scrutin serré, on peut comprendre que les sondeurs se trompent ; pour un score aussi écrasant, l’erreur n’était pas possible.

Une troisième cause de ce sentiment de malaise tient aux chiffres de la participation. En 2008, une participation de 53,1 % « justifiait » que l’on fasse revoter les Irlandais. En octobre 2009, une participation de 59 % serait devenue une victoire de la démocratie !
Mais le pire tient au sentiment tenace que ce vote a été obtenu en violant de façon flagrante le « dogme » central de la démocratie (la souveraineté du peuple) et en achetant littéralement les suffrages.

L’achat des suffrages saute aux yeux. Les menaces de tarissement de crédits et l’injection par la BCE de 120 milliards d’euros dans les banques irlandaises (la carotte et le bâton) suffisent largement à expliquer le succès du oui.

Violation de la souveraineté populaire, ensuite. Comme lors de l’adoption du traité de Nice, on a traité les Irlandais comme des enfants attardés ne connaissant pas bien les enjeux de leur vote. Le problème, c’est que si le peuple de 2008 était infantile, on voit mal pourquoi celui de 2009 serait beaucoup plus fiable. Sauf à considérer bien sûr qu’être ainsi passé de 53,4 % de non à 67,1 % de oui en un an est la preuve de la rapide accession des Irlandais à la sagesse et à la maturité (il faudrait alors qu’on nous explique comment la même maturation accélérée avec les deux consultations sur le traité de Nice en 2001 et 2002 avait fait suite à une crise de retour en enfance en 2008 !…).

Soit on considère que le peuple sait ce qu’il fait et on suit ses injonctions. Soit on considère que les enjeux sont trop techniques et on ne lui pose pas de questions. Mais il est dangereux et cynique de tenir un discours de respect de la volonté populaire et, simultanément, une pratique de violation pratique de cette souveraineté.

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Comments (8)

  • ozone Répondre

    Avec ça on a des arguments pour installer la démocratie en Afghanistan,sur que la bas cela fera fureur parmi les plus corrompus

    9 octobre 2009 à 19 h 31 min
  • Jaures Répondre

    Ce qui a fait voter "oui" les Irlandais, ce sont les déficits, la dette, le taux de chômage, les retraites non payées, les salaires amputés, les entreprises délocalisées. Ils se tournent vers l’Europe comme un joueur ruiné demande supplie d’ être renfloué pour échapper au suicide. Que sont devenus les milliards accordés par l’Europe et dilapidés pendant les quinze années où les Irlandais ont joué les riches avec arrogance ?

    Et les éditorialistes 4V qui ont crû durant ces années au "tigre celtique" doivent s’en étrangler en mangeant leur chapeau.

    8 octobre 2009 à 19 h 05 min
  • ozone Répondre

    Sarkozy demande une entrée en vigueur avant la fin de l’année,en passant par dessus les tchéques.

    Question,est ce que le Parlement Anglais a signé?

    J’ai pas tout suivi.

    7 octobre 2009 à 20 h 38 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    <<Le seul espoir qui nous reste c’est David Cameron, qui a promis un référendum chez lui, si jamais il gagnait les législatives l’année prochaine. God save the Queen … et les tories biensûr.
    >>
    Les Britanniques (UK) ne sont pas des Irlandais, ils sont le peuple le plus résilient d’Europe sinon du monde et ils l’ont déjà prouvé maintes fois. D’ailleurs leur moto actuel, repris de celui du Blitz, n’est-il pas "stay calm and carry on!". Si referendum il y aura et que le "non" *) l’emporte then that’s it! N’en déplaise à tous les autres.
    *) les chances sont d’ailleurs loin d’être négligeables!

    7 octobre 2009 à 17 h 16 min
  • Marcel Répondre

    Bravo pour ces 4 vérités…

    L’empressement et la ténacité à vouloir faire enter en vigueur ce traité a une raison précise:
    l’Europe Militaire (qui viendra épuler l’OTAN)…
    Les belles idées et les voix aux scrutins ne servent que de "faire valoir"…
    Ne sommes nous pas dans l’époque (transitoire) de l’hypocrisie? Celle qui siuvra sera celle de… l’humilité!

    7 octobre 2009 à 13 h 11 min
  • françois Répondre

      Au delà de l’habitude très contestable de l’Europe de faire systématiquement revoter jusqu’à obtenir la réponse souhaitée, l’Irlande a tout de même eu le bon goût ( même s’ils y étaient obligés) de refaire un référendum plutôt qu’un vote du congrès comme nous.

     Maintenant, les gens ont ils lu et compris ce texte indigeste, long, compliqué écris par des spécialistes pour des spécialistes, on peut en douter. ( Je n’ai pas lu le traité de Lisbonne mais j’avais lu plusieurs fois le projet de constitution et j’avoue humblement avoir "pataugé" lamentablement). Monsieur Rouxel a raison: Quand on pose une question aux gens, il est de la plus élémentaire honnêteté intellectuelle de faire en sorte qu’ils entendent et comprennent la question. 

       

    7 octobre 2009 à 9 h 59 min
  • Florin Répondre

    Le commun des mortels, en Irlande, en France ou ailleurs, est assez versatile,n’en doutons pas. Les électeurs du FN qui ont voté Sarko dès le premier tour, le voulaient-ils vraiment à l’Elysée ? j’en doute. Mais face au risque de voir l’"autre" passer devant … on avale sa salive, point.

    Quand ça va bien, on n’a besoin de personne; quand le vent tourne, on se cherche des appuis …

    La croissance, s’il y en a, c’est pour nous, et l’on fait les fiers, n’est ce pas Messieurs les Irlandais ?
    Et, quand la croissance s’en va (et, à vue de nez, pour très longtemps !!!) alors on se rappelle soudain des chèques que Bruxelles avait le bon goût d’envoyer dans les années ’90 …

    Ne jetons pas la pierre aux Irlandais, ni même à leurs politiques : celui qui se noie s’accroche même à une paille, vous le savez bien. Et la paille bruxelloise est de taille, soyons-en certains.

    Le seul espoir qui nous reste c’est David Cameron, qui a promis un référendum chez lui, si jamais il gagnait les législatives l’année prochaine. God save the Queen … et les tories biensûr.

    7 octobre 2009 à 1 h 26 min
  • SAS Répondre

    A quand le 3 eme referendum….?????? dans le sud ,ils doivent se taper sur les cuisses en voyant nos "démocrassies."…berlusconi,chirac,clinton,megvedev et poutine et tous les autres….

    arf,arf,arf

    sas

    7 octobre 2009 à 1 h 02 min

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