Reconstruire après le non

Reconstruire après le non

Les candidats au baccalauréat ont passé l’épreuve de philosophie. Si l’on apprenait la philosophie au lycée, cela se saurait. En fait, on y apprend les philosophes et c’est toujours ça. La philosophie, c’est autre chose. C’est d’abord une démarche personnelle pour la conduite de sa vie et chacun doit se forger la sienne. C’est ensuite une analyse du monde et de la société dans lesquels on vit, et des principes qui les régissent.
À partir de là, chacun s’efforce d’établir un compromis adaptatif entre sa philosophie personnelle et celle qui régit le monde, ce qui est loin d’être facile. Les grands auteurs peuvent alors nous être utiles, car leurs œuvres sont émaillées de maximes, de réflexions et de sentences qui peuvent être des points de lumière dans l’épais brouillard de nos destinées. Ce n’est pas en vain que chaque première page de notre journal vous en propose une.
Je voudrais aujourd’hui, au moment où s’assagissent peu à peu les passions soulevées par le récent référendum, vous faire part d’une petite recette de sérénité que je m’efforce d’appliquer depuis moult années. Il s’agit d’adopter, avant toute confrontation binaire ou alternative problématique, une attitude mentale positive nous préparant à tirer le meilleur de ce qui résultera, que ce soit ce que nous souhaitions ou ce que nous redoutions. Un peu comme l’histoire de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, qu’il faut toujours voir à moitié pleine si l’on veut être constructif. Il ne s’agit pas de se dire que tout est égal. Si nous avions une préférence, une forte conviction, nous l’avons défendue bec et ongles. Mais il convient d’être beau joueur et de ne jamais pleurnicher parce que le sort nous a été contraire. Il faut regarder la situation nouvelle en face et en tirer pour l’avenir le meilleur parti possible.
Je prendrai pour exemple une situation dans un domaine tout différent de la politique, le domaine sentimental. Supposons: Une femme que j’aimais s’éloigne de moi. Vais-je m’effondrer en suppliant avec Jacques Brel : “Ne me quitte pas!” ? Non, je vais plutôt me remémorer ce proverbe soufi : “Quand le cœur pleure sur ce qu’il a perdu, l’esprit rit sur ce qu’il a trouvé.” Ou, mieux encore, ce superbe cri de Montherlant : “Vive qui m’abandonne ! Il me rend à moi-même.” Ainsi, quoi qu’il arrive, je resterai droit dans mes bottes, attentif à saisir les nouvelles opportunités qu’engendre inévitablement l’évènement non souhaité qui cependant s’impose.
Ainsi en est-il du résultat, à mes yeux calamiteux, du référendum français sur la Constitution européenne, aggravé par la réponse encore plus négative du peuple hollandais, le tout entraînant une prise de distance de Tony Blair au nom de la Grande-Bretagne. Chirac et Schröder s’efforcent de recoller les morceaux, mais ça ne va pas tout seul. De toute évidence, l’Europe a pris du plomb dans l’aile. Mais c’est ainsi : le suffrage universel a parlé; il convient d’en tirer la leçon. Efforçons-nous donc de dégager les éléments positifs de ce maëlstrom politique. D’abord, espérons-le, nos politiciens ont compris qu’il était stupide de présenter aux électeurs un texte aussi pesant et alambiqué, qui ne pouvait qu’exciter la méfiance des citoyens. Si l’on veut une Constitution européenne, il faudra un texte clair, sobre et court, dégageant les grands principes et nous épargnant le dédale des codicilles soporifiques bons à noyer le poisson.
De plus, ce texte devra être soumis au suffrage universel européen, toutes nations confondues. Il devra écarter explicitement les candidatures des États non européens, car l’Europe doit être européenne et rien d’autre. Comme je l’avais fait remarquer, deux articles de la Constitution proposée le disaient clairement, mais aucun politique partisan du “oui” n’a su les mettre en avant, ni expliquer aux électeurs que la signature du Premier ministre turc n’engageait que la Turquie et personne d’autre. Elle confirmait la candidature, mais n’impliquait en rien son acceptation. Plus d’un Français s’y est trompé, faute d’être éclairé sur l’aspect juridique de la question. En outre, il faudra que le Conseil européen entreprenne une démocratisation effective des structures confédérales et les rapproche des citoyens, dont beaucoup ont dit “non” parce qu’ils craignaient un pouvoir bruxellois trop technocratique et trop éloigné d’eux. Il faudra enfin que l’Europe ait un vrai Président élu au suffrage universel pour cinq ou sept ans, seul moyen qu’elle existe au niveau planétaire. Si toutes ces mesures sont prises, alors le coup d’arrêt marqué par le référendum français se révèlera finalement bénéfique. Mais il n’y a pas un jour à perdre.

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Comments (6)

  • sas Répondre

    la constitution européenne c’est plus fort … voilà le couplet publiciataire qui s’impose, puisque les votes des nation et particulièrement les “non” de la france et des autres…”ils” s’en temponent et continuent comme si de rien n’était… rien n’est à reconstruire , vu qu’ils continuent…le budget…la turquie…LES TAUX de la BCE..etc,etc sas

    24 juin 2005 à 14 h 55 min
  • Alborg Répondre

    F.MORLAN : Excellente synthèse et en très peu de mots sur cette saleté de ……”Conchtituchion”, tout est dit, et requiescat pour le restant !!

    23 juin 2005 à 2 h 50 min
  • Ferdinand Morlan Répondre

    Le texte de la constitution européiste ne pouvait qu’être alambiqué. En effet, il avait pour but de mettre d’accord des gens qui ne l’étaient pas en pratiquant le double langage. Chaque article avait son pendant libéral et son pendant social. S’il avait été accepté, cet infect salmigondis juridique qui n’énonce rien clairement en dehors des poncifs droits-de-l’hommards aurait rendu impossible le fonctionnement de l’union européenne.

    22 juin 2005 à 13 h 15 min
  • Alborg Répondre

    Monsieur LANCE, Comme tous les partisans acharnés du OUI, vous nous avez martelé qu’il n’y avait pas de “Plan B”, c-à-d. pas d’alternative au OUI qui ne soit catastrphique, n’est-ce pas? Referendum ensuite se passe avec la double giffle cinglante lancée à la face des arrogants technocrates. Que voit-on ensuite en vos colonnes ? Pierre LANCE prendre sa plus belle plume et nous inviter philosophiquement à adopter, sinon un Plan B, du moins quelques grands et magnifiques proincipes qu’il vient juste de sortir de de son chapeau de magicien ! Votre pirouette est malicieuse, Mr.LANCE, mais elle est surtout fort drôle, car vous faites la preuve par vous-même qu’il n’y avait pas lieu de dramatiser un NON possible, et encore moins de participer à ce qui fut un psychodrame parfaitement orchestré par la nomenclature politico-médiatique !! Les mesures que vous préconisez “maintenant que le mal est fait” sont tout simplement d’évidence et procèdent du bon sens qui a tant manqué à VOS partisans, et c’est justement grâce au fait que le NON a pu bloquer tout ce délire PSEUDO-EUROPEEN(j’ai bien dit:PSEUDO) que l’on va peut-être pouvoir construire quelque chose qui ressemble à une “EUROPE”(c-à-d. autre chose que cette monstruausité abstraite et virtuelle qui ne pouvait rien faire d’autre que s’auto-détruire !) “Chirac & Schroeder s’efforcent de recoller les morceaux mais ça n’ira pas tout seul…” Oh les pauvres petits canards !!! Faudrait de la commisération maintenant pour ces 2 autistes, qui continuent leurs vilains petits jeux de manipulateurs comme si le ciel ne leur était pas tombé sur la tête ??! Vous allez vous intéresser encore longtemps au sort de ces recolleurs-raccoleurs, Monsieur LANCE ? Cordialement vôtre.

    20 juin 2005 à 20 h 05 min
  • Bryan Travis Répondre

    M. Lance veut toujours une Constitution Europeenne, mais plus claire, plus simple, et tres strictement Europeene (afin d’ecarter la Turquie, le magrhebe et cie). Mais qui va l’ecrire et la championner? Parmi les politiciens et bureaucrates permanantes en fonction au niveau des nations d’Europe et au niveau de l’Europe bruxellois actuel, il serait impossible de trouver un groupement de personalites influents ayant aussi l’idee de faire une constitution simple et claire. Donc, M. Lance reve bien inutilement du retour d’un projet de constitution simple, et ne parlons meme pas de la probabilite de plus de referendums apres l’echec de ceux en France et au Pays-Bas. Comptons plutot du retour des methodes anti-democratiques lent qui ont fait de l’Europe ce qu’elle est devenu, un projet de planification centralisee qui a remplace petit a petit la tres bonne idee du depart, la creation d’un marche commun. Pour le reste de sa contribution de cette semaine, une sorte d’esquisse d’un guide pour les perlpexes sur le comment du fonctionnement psychologique de M. Lance en face de difficultes avec, erm…, la realite, que faire? Comme d’habitude je propose que les 4 verites jette Pierre Lance. Car non seulement il tient peu de positions de droite liberale, mais aussi parce que ses articles sont uniformement de mauvaise qualite, comme celle de cette semaine(encore..).

    19 juin 2005 à 2 h 10 min
  • Lexile Répondre

    Cher Pierre, Vous êtes vraiment un mauvais perdant (ou devrais-je dire un bon francais?). Si vous vouliez “positiver”, pourquoi vous lamenter une fois encore sur le résultat du référendum? Vous avez défendu un texte aussi pesant qu’alambiqué, ne nous épargnant pas le dédale des codicilles soporifiques bons à noyer le poisson (sic). Faites nous s’il vous plait grâce de vos jérémiades (oups, une référence biblique?) et concentrez vous sur un autre thème. Respectueusement, Lexile

    19 juin 2005 à 0 h 57 min

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