Volontaire pour la directive Bolkenstein !

Volontaire pour la directive Bolkenstein !

Quand Michel Édouard Leclerc lança, au début de l’année, sa campagne publicitaire sur le thème du pouvoir d’achat, affirmant que le pouvoir d’achat réel des ménages avait baissé en 2003 et stagné en 2004, il s’attira les moqueries hautaines des politiciens. Il fut même convoqué dans les services du ministère des Finances puis à l’Insee, saint des saints de la statistique publique en France et siège du monopole des études économiques. Toute honte bue, après plusieurs réunions de travail, les super-technocrates ont dû reconnaître qu’ils mentaient, et depuis de longues années : compte tenu de l’augmentation constante des dépenses publiques, des charges sociales et des prélèvements obligatoires, tandis que les augmentations de salaires se font rares, le pouvoir d’achat diminue. En tout cas, au début de ce mois, deux économistes de la maison Insee ont publié une note indiquant que, « en 2003, dans les entreprises publiques et semi-publiques, compte tenu de la hausse des prix à la consommation de 2,1 % en moyenne, le salaire net moyen, en euros constants, a diminué de 0,3 % par rapport à l’année précédente ». (Le salaire brut moyen mensuel pour un temps complet s’élevait à 2 317 euros, 1 811 euros net de tous les prélèvements à la source, soit 24 % à la charge des salariés).

Dans le même temps, le pouvoir d’achat des fonctionnaires et autres salariés du secteur public n’a jamais cessé d’augmenter. Sans doute de l’ordre de 2 à 3 % annuellement depuis dix ans. Si l’on ajoute à cela que le nombre des salariés du privé diminue, tandis que le nombre des salariés du secteur public augmente sans cesse (dans sa dernière étude sur les effectifs de la fonction publique en France, Contribuables Associés dénombre 6,2 millions d’actifs auxquels s’ajoutent 2,4 millions de retraités et plus de 400 000 « invalides »…) ; si l’on tient compte du fait que le chômage ne touche pratiquement que les salariés du secteur privé, on est obligé de conclure non seulement qu’il y a une France exposée et une France protégée, mais encore que celle-ci continue à accroître ses privilèges car elle est en prise directe sur la classe dirigeante qui finalement lui obéit…

On vient de le constater une nouvelle fois avec les manifestations du 17 mars : les employés du secteur public obtiennent immédiatement, sans contrepartie, la promesse d’une augmentation de salaire, tandis que les salariés du secteur privé, dont les rémunérations ne sont pas de l’ordre des décisions publiques, se voient promettre un simple rendez-vous en juin, où se retrouveront politiciens hauts fonctionnaires et syndicalistes, tous également déconnectés de la vie économique réelle.

Je sais bien que le référendum du 29 mai, et la victoire du « non » qui se profile à l’horizon, explique désormais la quasi-totalité des décisions prises par ce gouvernement. C’est cette perspective à très court terme qui a suscité la feinte colère de Jacques Chirac à l’encontre de la Commission de Bruxelles et sa directive dite Bolkenstein sur la libéralisation du marché des services. En effet, le principe de cette libéralisation a été adopté en 2000 à Lisbonne à une conférence où la France était représentée à la fois par son Président de la République et par son Premier ministre nommé Lionel Jospin. Et, pendant quatre ans, aucune voix ne s’est élevée contre cette ouverture tout simplement parce qu’elle est dans la nature de la construction européenne. Comment nos banques et nos hypermarchés ont envahi les villes de Prague, de Budapest et de Varsovie, et les plombiers de ces pays ne pourraient pas venir concurrencer les nôtres, chez nous ?

Nos politiciens s’aperçoivent, un peu tard, qu’il y a une parfaite contradiction entre la défense d’un soi-disant modèle social européen, et un marché unique, soumis en premier lieu aux lois élémentaires de la concurrence. L’Europe est loin d’être l’ensemble ultra-libéral que décrivent ses adversaires de droite ou de gauche. Elle comporte, c’est vrai, beaucoup trop de réglementations et de restrictions aux échanges. Mais, en matière de concurrence, entre les entreprises et les systèmes publics, elle a à son actif beaucoup plus de résultats positifs que nos États dinosauriens.

Pour moi, qui ne suis pas un admirateur du pseudo système social français mais au contraire un de ses contempteurs, l’agitation de l’épouvantail de la directive Bolkenstein serait plutôt un argument pour le « oui » au référendum car elle illustre le meilleur côté de la construction européenne. Cet argument est-il déterminant ? C’est ce que nous examinerons à l’occasion de nos prochaines chroniques …

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Comments (4)

  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    Après avoir lu les commentaires qui précèdent, et, surtout, relu l’article du “libéral” Alain DUMAIT, je ne suis pas certain que son raisonnement aux apparences spécieuses soit en définitive faux. Ne serait-ce que parce que, souvent, d’un mal naît un bienfait. Il est urgent, il est indispensable, que s’écroulent les privilèges des droits acquis qui plombent l’économie française et que les “travailleurs” chers à Arlette connaissent à leur tour les gaîtés de la concurrence à laquelle sont confrontées leurs entreprises et que leurs revendications (celles-ci se résument à “des sous !”) ignorent superbement. Reste que les fonctionnaires et les salariés des entreprises étatiques ou semi-étatiques qui se moquent de l’état désastreux des finances de la France et qui ne seront pas concernés par la “directive” Bolkenstein (au point de refuser tout avancement ou toute prime “au mérite”) continueront à réclamer des augmentations, toujours jugées insuffisantes, comme vient de le faire Gérard Aschieri (orthographe non garantie!) sur RTL qui, lui, va jusqu’à demander 5%…après que son ministre de tutelle ait annoncé que les caisses étaient vides (ce qui ne l’avait pas empêché de “lâcher” quelques jours plus tard 1% et d’accepter une négociation pour voir si davantage…!). Mais, pour en revenir à la “directive” Bolkenstein, que ceux qui croient à son retrait ne se fassent pas trop d’illusions. Outre qu’elle est dans la logique du Traité de Nice et même de ceux qui l’ont précédé (il est vrai que le Traité de Rome n’avait pas prévu une Europe “élargie” intégrant la “misère” communiste et ses salaires … e misère!), elle (re)trouvera ses bases dans l’Article III-144 de la Constitution Giscardienne voulue fortement par CHIRAC II(ce qui dénote encore un manque de cohérence chez l’intéressé !). Celui-ci stipule en effet :”Les restrictions à la libre prestation à l’intérieur de l’Union seront interdites”. Et quand j’aurais ajouté que l’Article I-3 relatif aux objectifs de l’Union nous dit que “l’Europe offre à ses citoyens un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée”, les lecteurs qui savent lire comprendront qu’une fois la CONSTITUTION adoptée, le tandem BARROSSO/BOLKENSTEIN retrouvera sa liberté de manoeuvre. Et CHIRAC II, Jean-Pierre RAFFARIN, Thierry BRETON, etc. invoqueront en vain la fameuse “EXCEPTION FRANCAISE. D’autant que le “PEUPLE SOUVERAIN” aura donné la majorité (même si on sait ce que, dans notre “démocratie”, “majorité” veut dire) au OUI, après avoir été incité fortement à le faire tant par les politiciens de droite et de gauche que par la PRESSE largement inféodée au OUI ? Et, comme ceux decmai 2002 auxquels on avait annoncé (déjà) le chaos, les cocus qui auront voté OUI par peur du chaos dont on les menace, pourront encore se compter. Ainsi, de chaos évité en chaos évité, le char français versera sûrement dans le précipice. Cordialement, Jean-Claude LAHITTE

    29 mars 2005 à 14 h 54 min
  • Guillermo Répondre

    Pour une fois votre argumentation me déçoit beaucoup. Je trouve que votre article ressemble un peu à un article de Guy Millière. Deux points rapprochent votre article de ceux de Millière. Primo il ne tient pas debout sur la question fondamentale, tout en comportant des arguments secondaires tout à fait sérieux. Secundo, les articles de Millière gardent néanmoins un grand interêt par l’argumentation de certains détracteurs qui, eux par contre, argumentent très juste sur les questions de fond. C’est ce qui se passe ici avec l’excellent commentaire d’Observateur. Comme il le démontre, le projet Bolkenstein butte sur deux points essentiels : la quasi-impossibilité d’appliquer des droits multiples (un droit national étant déjà hyper-complexe) et l’interdiction de fait pour les Français d’aller bosser dans un autre pays de l’Union. Ces deux points suffisent à rendre ce projet à la fois ubuesque et scandaleux.

    28 mars 2005 à 20 h 09 min
  • Stéphane Répondre

    Oui il me semble que la directive incriminée soit l’un des seuls articles à défendre. En tout cas à reprendre même en cas de victoire du non, que je souhaite. A “Observateur”, cette directive est une bombe qui ne peut que faire éclater les dernières prétentions de l’Etat à contrôler l’économie : on n’aura pas besoin d’aller en Pologne ou en Angleterre pour travailler, il suffira de traverser la rue… Dans un premier temps, on sera moins payé et moins protégé socialement. Il y aura sans doute du chômage de la part des entreprises françaises qui mourront d’être saignées par l’Etat. Ce dernier ne pouvant se tourner vers les entreprises étrangères, mourra à son tour. Après ce coup de balai salutaire devant sa porte, l’économie pourra prospérer comme dans un pays neuf. Le chômage sera au plus bas et les seuils de pauvreté seront remontés au niveau du salaire d’un cadre moyen français, comme aux Etats-Unis…

    28 mars 2005 à 18 h 26 min
  • Observateur Répondre

    Monsieur Dumait, votre article est très intéressant. Cependant, vous semblez ne pas voir la raison réelle pour laquelle la directive Bolkestein a été acceptée et votée à l’unanimité par les commissaires européens et en particulier les commissaires socialistes français, Messieurs Lamy (PS) et Barnier (UMP). Cette directive n’est pas libérale. Si c’était le cas, croyez-vous qu’elle aurait été acceptée par la France socialiste et votée à l’unanimité ? Dans cette loi, il est clair qu’il y a la raison officielle (pour soit disant renforcer la concurrence en Europe) et la raison véritable et cachée. Nos politiciens professionnels au pouvoir sont très forts pour manier le double langage. Et la vraie raison non invoquée de cette loi, c’est d’empêcher les français qui fuient la France pour des raisons fiscales et qui vont travailler dans des pays européens moins spoliateurs, de quitter le système fiscal et social français (dont les charges et impôts sont les plus élevés du monde, d’après toutes les études internationales), les maintenant ainsi dans un état d’esclavage permanent. Si cette directive devait voir le jour, et en absence d’espoir à court terme d’alternance politique, il ne resterait plus aux français qui en ont marre de se faire plumer que d’aller travailler dans un pays en dehors de l’Europe, comme les USA ou le Canada, ou bien de changer de nationalité. “Esclave tu es, et esclave tu resteras !”. C’est ce que vous voulez, monsieur Dumait ? – Par ailleurs, vous semblez également ne pas avoir vu la pagaille qui s’ensuivrait au cas où plusieurs droits européens cohabiteraient dans un même pays. Par exemple, en de cas de problème avec une entreprise Lituanienne en France, il faudrait apprendre le droit Lituanien, pour faire un recours ? Alors, Monsieur Dumait, vous trouvez toujours que c’est un argument pour le OUI à cette consultation ?

    27 mars 2005 à 21 h 40 min

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