7 Mai 1954 : La chute de Diên Biên Phu

7 Mai 1954 : La chute de Diên Biên Phu

« Le Soldat n’est pas un homme de violence. Il porte les armes et risque sa vie pour des fautes qui ne sont pas les siennes. Son mérite est d’aller sans faillir au bout de sa parole tout en sachant qu’il est voué à l’oubli »  (Antoine de Saint-Exupéry)

Diên Biên Phu, le « grand chef lieu d’administration frontalière », est habité par les Méos, rudes montagnards qui cultivent le pavot et font commerce de l’opium, et par les Thaïs, qui travaillent les rizières de la vallée et font du petit élevage. Cette localité, à la frontière du Laos, est reliée au reste du pays par la route provinciale 41 qui va jusqu’à Hanoï, située à 250 km, et vers la Chine. C’est une cuvette de 16 km sur 9, entourée de collines de 400 à 550 mètres de hauteur et traversée par la rivière Nam Youm.

Au début de l’été 1953, l’Indochine entre dans sa huitième année de guerre. Le Vietminh, très mobile, se meut avec facilité sur un terrain qu’il connaît parfaitement. Son corps de bataille est, de surcroît, numériquement très supérieur à celui du corps expéditionnaire français et bénéficie, en outre, de l’aide sans réserve de la Chine, libérée de son action en Corée depuis la signature de l’armistice, le 27 juillet 1953. C’est dans ce contexte que, le 7 mai 1953, le général Navarre se voit confier le commandement en chef en Indochine en remplacement du général Salan.

Navarre avait un grand principe : « On ne peut vaincre qu’en attaquant » et il décidera de créer à Diên Biên Phu une base aéroterrestre pour couper au vietminh la route du Laos et protéger ainsi ce pays devenu indépendant.

L’opération Castor

Quand les responsables français décident d’investir la cuvette de Diên Biên Phu, ils savent pourtant que des forces régulières vietminh importantes de la division 316, du régiment 148 et du bataillon 910 occupent solidement la région depuis octobre 1952. Qu’à cela ne tienne ! L’endroit paraît idéal au commandant en chef. Il est un point de passage obligé pour le vietminh, qui ne pourra que très difficilement le contourner… De plus, il bénéficie d’un aérodrome aménagé durant la deuxième guerre mondiale par les Japonais, tandis que le fond de la cuvette est une véritable plaine de plus de 100 km qui permettra l’emploi des blindés.

Par ailleurs, le commandement français considère, en cet automne 1953, que le vietminh, vu l’éloignement de ses bases, à 500 km de Diên Biên Phu, ne pourra entretenir dans le secteur que deux divisions maximum… Il en conclut donc qu’il ne pourra mener que de brefs combats, en ne disposant, en outre, que d’une artillerie limitée qu’il sera aisé de détruire par les canons du colonel Piroth, qui s’en porte garant.

L’occupation de la cuvette est fixée au 20 novembre 1953 et baptisée « opération Castor ». Ce sera le plus important largage de parachutistes de toute l’histoire de la guerre d’Indochine.

Vers 11 h du matin, les deux premiers bataillons sont largués : le 6ème Bataillon de Parachutistes Coloniaux du commandant Bigeard et le 2ème Bataillon du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes du commandant Brechignac. Puis arrivent le 1er Bataillon de Parachutistes Coloniaux, deux batteries de 75 sans recul du 35ème RALP (régiment d’artillerie légère parachutiste), une compagnie de mortiers de 120 et une antenne chirurgicale. Le lendemain sautent les légionnaires du 1er Bataillon Etranger de Parachutistes, ainsi que le 8ème Bataillon de Parachutistes Coloniaux, des éléments du génie et le PC de l’opération (général Gilles, lieutenant-colonel Langlais avec 25 hommes). Le 22 novembre, le 5ème Bataillon de Parachutistes Vietnamiens est largué à son tour. Au soir du 22 novembre 1953, il y a 4 195 hommes dans la cuvette.

Durant près de quatre mois, les soldats français vont aménager celle-ci en camp retranché. Les petites collines entourant le camp prennent le nom de Gabrielle, Béatrice, Dominique, Eliane, Anne-Marie, Huguette, Claudine, Françoise, Eliane, Junon, Epervier et Isabelle

Le tigre et l’éléphant

L’offensive vietminh débute dans la soirée du 13 mars 1954 par une intense préparation d’artillerie (près de 9 000 coups) visant particulièrement Béatrice et Gabrielle. Le combat du tigre contre l’éléphant commence : Le tigre, tapi dans la jungle, va harceler l’éléphant figé qui, peu à peu, se videra de son sang et mourra d’épuisement.

Le point d’appui Béatrice est écrasé par les obus de canons et de mortiers lourds. Pendant plusieurs heures, il reçoit des milliers d’obus. Les abris, n’étant pas conçus pour résister à des projectiles de gros calibre, sont pulvérisés. La surprise est totale dans le camp français. Malgré un combat acharné et sanglant, au prix de lourdes pertes de part et d’autre, Béatrice, tenu par la 3/13ème Demi-Brigade de la Légion Etrangère, commandée par le commandant Pégot, est enlevée par les Viets en quelques heures. Un malheureux concours de circonstances favorise cette rapide victoire vietminh : les quatre officiers responsables de la défense de Béatrice, dont le lieutenant-colonel Gaucher, sont tués dès la première heure par deux obus qui explosent dans leur abri.

En une nuit, cette unité d’élite de la Légion est supprimée. Nul n’a imaginé un tel déluge d’artillerie. La contre batterie française se révèle inefficace. Le Vietminh a creusé des tunnels dans les collines, hissé ses obusiers et installé plusieurs emplacements de tir sur la garnison sans être vu. Des terrasses sont aménagées et les canons regagnent leurs abris dès qu’ils ont fini de tirer. De ce fait, jamais l’artillerie française ne sera en mesure de faire taire les canons vietminh, pas plus que les chasseurs-bombardier de l’aéronavale.

Dans la soirée du 14 mars, Gabrielle, défendue par le 5/7 Régiment de Tirailleurs Algériens, subit un intense et meurtrier pilonnage d’artillerie. A 5h, le 15 mars, le vietminh submerge la position, dont les défenseurs ont été tués ou blessés. L’artillerie ennemie – que l’on disait inefficace – fait des ravages parmi eux, sans que l’on puisse espérer la réduire au silence. Conscient de cet échec et de sa responsabilité, le Colonel Piroth, responsable de l’artillerie française, se suicide dans la nuit du 15 au 16 mars.

Le sacrifice des « volontaires du ciel »

Cependant, la piste d’aviation, bien que pilonnée quotidiennement – mais aussitôt remise en état – permet l’arrivée régulière de renforts. Le pilonnage s’intensifiant, les atterrissages de jour deviennent impossibles et les appareils doivent se poser de nuit dans les pires conditions. Bientôt il faut renoncer complètement et les assiégés se retrouvent, dès lors, isolés du reste du monde. (Le 28 mars, l’avion devant évacuer les blessés de la cuvette, endommagé au sol, ne peut décoller. L’infirmière convoyeuse de l’équipage, Geneviève de Galard, restera jusqu’à la fin parmi les combattants.)

Le général vietminh Giap, afin de s’infiltrer plus facilement dans les défenses françaises, fait alors intervenir des milliers de coolies pour creuser un réseau de tranchées, véritable gruyère menant aux divers points d’appui. Le 30 mars, après une préparation d’artillerie très intense et l’infiltration des Viets par ces tranchées, Dominique 2 et Eliane1 sont prises.

Cependant, les parachutages français continuent dans la plus grande confusion. La superficie de la base aéroterrestre ayant été réduite et les liaisons avec les points d’appui encore tenus par les soldats français devenant impossibles, ces « volontaires du ciel » exposés aux feux directs de l’ennemi, connaissent des fortunes diverses. Certains atterrissent chez l’ennemi, d’autres sont déjà morts en touchant le sol, d’autres se perdent… tandis que le ravitaillement parachuté fait la joie du vietminh en améliorant son quotidien.

Du 9 au 11 avril, une nouvelle unité de légion, le 2ème Bataillon Etranger de Parachutistes, est largué dans des conditions déplorables et engage aussitôt une contre-attaque sur la face est. Il est en partie décimé. Les rescapés fusionnent avec les restes du 1er BEP, reformant une unité sous les ordres du commandant Guiraud. Le 4 mai, ont lieu les derniers parachutages d’hommes provenant du 1er Bataillon de Parachutistes Coloniaux, tandis que les Viets intensifient encore leurs bombardements, faisant intervenir les fameuses orgues de Staline qui provoquent d’énormes dégâts dans les abris minés par les pluies quotidiennes d’avril. La cuvette disparaît dans les nuages de boue soulevés par les obus.

« On fait tout sauter. Adieu ! »

Dans la soirée du 6 mai, c’est le déchaînement de l’artillerie viet et de toutes les armes dont elle dispose. Dans le camp agonisant, c’est l’apocalypse. Tout ce qui est inflammable prend feu ; les abris s’effondrent, les tranchées s’écroulent, la terre se soulève. La mort frappe sans interruption. A 23h, les taupes vietminh, après avoir creusé un tunnel de 47 mètres de long, déposent sous Eliane 2 une charge d’une tonne de TNT puis se ruent à l’assaut. La résistance des défenseurs est héroïque ; ils refusent de se rendre et luttent jusqu’à la mort. Une poignée de survivants arriveront à se replier sur Eliane4 afin de poursuivre le combat.

A l’aube du 7 mai, Dominique et Eliane sont tombées. Les tranchées sont jonchées de cadavres et de blessés des deux camps. Alors que le colonel de Castries, qui commande le camp retranché et vient d’être promu général, à 10h du matin, les Viets finissent d’investir les Eliane. Du côté français, il n’y a plus ni munitions, ni réserve d’hommes, mais les sacrifices continuent

Le général Cogny adresse un dernier message au général de Castries, souhaitant qu’il n’y ait ni drapeau blanc, ni capitulation. « Il faut laisser le feu mourir de lui-même pour ne pas abîmer ce qui a été fait » précise-t-il. L’ordre de cessez-le-feu tombe à 17h. Après destruction de tout le matériel et de tout le ravitaillement, le PC de Diên Biên Phu adresse son ultime message à Hanoi à 17h 50 : « On fait tout sauter. Adieu ! »Quelques minutes plus tard, les Viets font irruption dans le PC du général de Castries. Un drapeau rouge à étoile d’or est planté sur le PC français. Diên Biên Phu est tombé, mais n’a pas capitulé.

Durant cette bataille, le corps expéditionnaire français comptera 3 000 tués et un nombre très important de blessés. 10 300 seront faits prisonniers mais les effroyables conditions de détention des camps vietminh sont telles que seulement 3 300 d’entre eux reviendront de captivité. Le 21 juillet 1954, les accords de Genève mettront fin à cette guerre.

« Le Courage est un embrasement de l’être qui trempe les Armées. Il est la première des vertus, quelle que soit la beauté des noms dont elles se parent. Un soldat sans Courage est un Chrétien sans foi. Le Courage est ce qu’il y a de plus sacré dans une Armée. Nul n’a le droit de troubler ses sources limpides et fécondes. »

José Castano

« Jésus se courbe à genoux, le front contre la terre ;

Puis regarde le ciel en appelant " Mon Père ! "

Mais le ciel reste noir et Dieu ne répond pas »(Alfred de VignyLe Mont des oliviers)

« Nous sommes ces soldats qui grognaient par le monde

Mais qui marchaient toujours et n’ont jamais plié…

Nous sommes cette église et ce faisceau lié

Nous sommes cette race internelle et profonde »(Charles Péguy – La Tapisserie de Notre-Dame)

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Comments (4)

  • alf007 Répondre

    Honneur aux morts de DBP, mort pour que le communisme ne puisse creer des  Phol Pot, et autres khmers rouge.

    Honneur aux paras , a leur combat héroique, qui s’en souvient aujourd’hui, dans cette nation a la dérive:

    11 mai 2011 à 5 h 44 min
  • HOMERE Répondre

    Tel le Golem dans sa tanière,les excréments pestilentiels du peuple français n’auront jamais existés que dans la mémoire des monuments aux morts rongés par l’oubli et la lâcheté de ce peuple devenu l’hydre accouplée au monstre mondial…

    10 mai 2011 à 18 h 53 min
  • Dubucque Répondre

    Les français d’aujourd’hui se laissent envahir sans combattre !
    Il n’y a plus assez de soldats pour défiler le 14 juillet !
    L’histoire de France va disparaître des bibliothèques !
    Dien Bien Phu sera éffacé et ses héros avec !
    L’Union Européenne va tout avaler !

    9 mai 2011 à 17 h 51 min
  • IOSA Répondre

    Lorsque le chef est en recherche de la gloire celà donne Diên Biên Phu et nous avons encore de nos jours un triste exemple en la personne du Président Sarkosy.

    Se retrancher dans une cuvette est tellement stupide que celà met en évidence la vision de ce général et de ses surbonnés, sur le peuple viêtnamien.

    Et encore, il aurait suffit aux viêts de dresser un barrage sur la rivière Nam Yum pour noyer nos soldats et ce d’autant plus que la cuvette était fréquemment inondée.

    Triste souvenir et tant de morts pour…. l’orgueil idiot des chefs.

    IOSA

     

    9 mai 2011 à 14 h 03 min

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