Honoré de Balzac, prophète de Steve Jobs ?

Honoré de Balzac, prophète de Steve Jobs ?

Il n’est pas question de s’en prendre à un archange, un prophète, un mage, un rebelle, un novateur, un humanitaire, un sorcier, un génie, un messie, etc.

Je laisserai un certain Balzac, très honoré de son prénom, décrire scientifiquement et donc littérairement Steve Jobs, le phénomène de la ludique cyberculture. Il suffit de remplacer dans les lignes qui suivent le nom de Paris par celui de matrice, et l’on comprendra presque tout.

Sur la mauvaise santé de Steve Jobs, problème somme toute important, puisqu’en dépit de toute l’initiation et de tout l’argent du monde il n’a pas su gérer son stress :

Un des spectacles où se rencontre le plus d’épouvantement est certes l’aspect général de la population parisienne, peuple horrible à voir, hâve, jaune, tanné.

Engels avait son passant morne de Manchester, Balzac son agité de la matrice, pardon de la ville de Paris : et les Steve Jobs en herbe portent pour lui…

non pas des visages, mais bien des masques : masques de faiblesse, masques de force, masques de misère, masques de joie, masques d’hypocrisie ; tous exténués, tous empreints des signes ineffaçables d’une haletante avidité.

On le voyait s’agiter sur les tréteaux pour vendre sa dernière invention. Et tous de vanter son look, que prudemment Balzac, comme s’il s’était rendu à ses conférences, ou avait rencontré Dorian Gray, ainsi décrivait :

Cette jeunesse blafarde et sans couleur, caducité fardée qui veut paraître jeune.

Jobs, le bien nommé, l’homme aux mille facettes, voulait toujours se dépasser. Car, comme le note Balzac,

Cette nature sociale toujours en fusion semble se dire après chaque œuvre finie :

– À une autre ! comme se le dit la nature.

Mais Jobs est avant tout le cerveau planétaire et l’inventeur de tout, l’enfant rebelle. Pour Balzac il est déjà… un grand gamin !

À force de s’intéresser à tout, le Parisien finit par ne s’intéresser à rien… En effet, indifférent la veille à ce dont il s’enivrera le lendemain, le Parisien vit en enfant quel que soit son âge. Il murmure de tout, se console de tout, se moque de tout, oublie tout, veut tout, goûte à tout, prend tout avec passion, quitte tout avec insouciance…

Jobs est encore l’homme de la société de flux, de la rapidité, et bien sûr de l’argent vite gagné en bourse. C’est que dans la matrice, pardon, à Paris…

Aucun sentiment ne résiste au jet des choses, et leur courant oblige à une lutte qui détend les passions : l’amour y est un désir, et la haine une velléité ; il n’y a là de vrai parent que le billet de mille francs.

Génie encyclopédique, modèle normatif de tout, sportif consommé, Steve Jobs enchante décidément son prophète Balzac :

N’est-ce pas le mouvement fait homme, l’espace incarné, le protée de la civilisation ? Cet homme résume tout : histoire, littérature, politique, gouvernement, religion, art militaire. N’est-ce pas une encyclopédie vivante, un atlas grotesque, sans cesse en marche comme Paris et qui jamais ne repose ? En lui tout est jambes !

Vendeur de tout, producteur de distractions pour tous, de cinéma d’animation, transformateur de l’adulte en enfant… mais rien du grand Steve Jobs n’échappe au bon Balzac :

Il se couche pour attendre la vente, aspire après le bénéfice, escompte les effets, roule et encaisse toutes les valeurs ; emballe en détail Paris tout entier, le voiture, guette les fantaisies de l’enfance, épie les caprices et les vices de l’âge mûr…

Un peu bougon soudain, Balzac voit aussi en Steve Jobs l’homme bavard des temps absents, mi-Sarkozy, mi-Obama, celui qui n’arrête jamais d’argumenter du soir au matin, même en dormant :

Obligés de parler sans cesse, tous remplacent l’idée par la parole, le sentiment par la phrase, et leur âme devient un larynx. Ils s’usent et se démoralisent.

Jobs défiait la pomme de l’Eden, ainsi que le 666, premier prix en beaux dollars d’une de ses machines. Mais Balzac l’avait à l’œil, notre descendant syrien de marchand des écrans et tapis enchantés :

Arabe, prisonnier, sauvage, paysan, ombre, pate de chameau, lion, diable, génie, esclave eunuque noir ou blanc, toujours expert à produire de la joie, de la douleur, mais toujours in petto, mercier.

Car il faut être le meilleur vendeur du monde, et il l’était !

Alors Balzac décrit aussi les épigones et les admirateurs du gourou, et même la communauté des internautes, et les raisonneurs des réseaux :

Ils savent leur métier, mais ils ignorent tout ce qui n’en est pas. Alors, pour sauver leur amour-propre, ils mettent tout en question, critiquent à tort et à travers ; paraissent douteurs et sont gobe-mouches en réalité, noient leur esprit dans leurs interminables discussions.

Ce Balzac tout de même ! Il a un blog ?

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Comments (4)

  • Daniel Répondre

    Jaurès, votre intervention de ce mardi 10H05 ( seriez vous en longue maladie, cher ami des travailleurs? ) : 
    "C’est un signe d’époque: le génie est un VRP comme Jobs ou une star du show biz comme M.Jackson."
      En admettant que ce soit juste, n’y aurait-il de génie réel que chez les syndicalistes?

    "N’appelle t-on pas aujourd’hui philosophe un Onfray ou un B.H.L, alors que leurs écrits ne sont pour l’essentiel que des compilations plus ou moins sorties de leur contexte …" 
      Ces gens que vous
    décrivez ainsi ressemblent fortement à des socialistes!. Surtout si vous dites qu’ils n’ont pas compris les dogmes qu’ils régurgitent.  Ce qui n’est pas votre cas évidemment, vous qui êtes un original créateur qui travaille presqu’autant qu’un fonctonnaire!. La cupidité peut faire quelques détours pour ne pas être reconnue.

    11 octobre 2011 à 23 h 23 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Réponse à l’article rendu à 10:05 aujourd’hui. <<…et n’a jamais consacré un dollar à la moindre fondation caritative…>>

    Ne remplissant pas les conditions de la doctrine socialiste dictées sur ce site par le syndicaliste de service,  Steve Jobs est donc forcément nul. Point à la ligne!
    Steve Jobs n’a peut-être rien inventé lui-même mais il avait le génie de prédire les produits que les gens allaient aimer sans le savoir. Et il savait créer ces produits, la preuve Apple avait dépassé Exxon Mobil l’an dernier pour devenir la première compagnie mondiale.
    Jobs était conscient de sa maladie et de sa mortalité depuis des années, on ne peut donc pas l’accuser d’avoir voulu engranger des bénéfices comme certains le laissent entendre.

    Son motto: patiner non pas à l’endroit où se trouve le puck (hockey sur glace) mais là où il va être.

    NB: pour beaucoup d’entrepreneurs  l’argent n’est pas une fin en soi, mais plutôt la jauge qui permet de mesurer le succès de leurs idées. Steve Jobs étaient l’un de ceux là.

    11 octobre 2011 à 16 h 50 min
  • Jaures Répondre

    C’est un signe d’époque: le génie est un VRP comme Jobs ou une star du show biz comme M.Jackson.

    Car Jobs n’a strictement rien inventé, il s’est contenté de transformer en jeux scintillants des objets utilitaires, comme ces marteaux en plastique dont l’extrémité du manche clignotait et qu’on offrait autrefois aux enfants. Même son i phone avait été anticipé par Barjavel un demi siècle plus tôt. Cela a suffit pour qu’on parle de lui avec les noms énumérés par Bonnal, mots qui aujourd’hui n’ont plus guère de signification.
    N’appelle t-on pas aujourd’hui philosophe un Onfray ou un B.H.L, alors que leurs écrits ne sont pour l’essentiel que des compilations plus ou moins sorties de leur contexte (ce qui les amène, comme B.H.L à se faire piéger par des canulars tels le fictif Botul).

    Plus généralement, Jobs nous fait nous interroger sur la vanité de la richesse. A vendre sa poudre aux yeux, Jobs a accumulée une fortune dont il n’a su que faire. Lui même menait une vie terne et austère. Il faisait travailler son personnel sans ménagement (travail d’enfants, des semaines de 60 heures, salaires en dessous de la moyenne, sécurité aléatoire,…) et n’a jamais consacré un dollar à la moindre fondation caritative.

    Créateur d’inutile, cupide, triste, mesquin: voilà une icône que je laisse à ses adulateurs.

    11 octobre 2011 à 10 h 05 min
  • Anonyme Répondre

    Pour ce qui me concerne ( j’ignore à peu près tout de ce que fût la "vie" de Steve Jobs)  je reconnais là sans hésitation aucune la description vivante d’un personnage ( moins contemporain qu’il ne voudrait le paraitre ) : Nicolas Sarkozy en personne  !

    11 octobre 2011 à 8 h 22 min

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