Jean Madiran et l’héritage de la civilisation

Jean Madiran et l’héritage de la civilisation

Le chroniqueur Jean Madiran est mort le 31 juillet dernier, à l’âge de 93 ans.

Plusieurs personnes mieux qualifiées que moi lui ont rendu hommage. Je tiens cependant à me joindre à cet hommage, pour au moins deux raisons. La première est que Madiran est mort dans l’indifférence du microcosme politico-médiatique, pour qui il demeurait un paria. Or, quand les puissants du jour sont des fossoyeurs de la patrie et même de toute forme de civilisation et d’humanité, c’est un honneur dont je ne veux pas me priver que d’être aux côtés du paria. La seconde raison est que je dois beaucoup à ce paria particulier.

J’ai découvert Madiran vers l’âge de 20 ans, par hasard, en farfouillant dans une bibliothèque universitaire. Un numéro de la revue « Itinéraires », qu’il avait fondée en 1956 (avant de co-fonder le quotidien « Présent » en 1982), avait été oublié là. La lecture de ce numéro des années 1960 fut un coup de foudre. Depuis, je n’ai jamais cessé de lire Madiran, toujours avec profit, et souvent avec jubilation.

Car ce chroniqueur écrivait fort bien, un français qu’hélas, les Français n’apprennent plus à l’école. Il n’employait pas un mot pour un autre. L’homme était aussi – ce qui ne gâte rien – un redoutable polémiste, auquel ses adversaires préféraient le plus souvent opposer un épais silence, sachant trop bien qu’en matière de controverse, ils n’étaient pas de taille.

De Madiran, je retiens d’abord le continuateur de la grande tradition contre-révolutionnaire française. Se­crétaire de Charles Maurras, Jean Madiran a hérité de ce dernier une tradition qui venait de bien plus loin – et notamment des catholiques sociaux du XIXe siècle comme Le Play ou La Tour du Pin. Et il a eu le courage de maintenir cette tradition en un temps où le communisme triomphait partout. « Itinéraires » fut d’abord un refus du communisme, un anti-communisme méthodique comme disait le premier numéro de la revue.

S’opposer au communisme, c’était essentiellement refuser le prétendu « sens de l’histoire » et reconnaître que nous sommes tous, profondément, des héritiers.

Défendant cette notion d’héritage, Jean Madiran fut, en nos temps obscurs, l’un des très rares défenseurs de cette vertu méconnue qu’est la piété filiale – cette vertu qui reconnaît ce que nous devons à nos prédécesseurs. Nous, Français, devrions y être plus sensibles que quiconque, nous qui n’avons qu’à ouvrir les yeux, pour voir les splendeurs que nos aïeux nous ont léguées – et que des politiciens et des « cultureux » indignes prétendent raser pour y bâtir des centres commerciaux ou – ce qui est à peine moins grave – mettre sur le même plan que des baudruches en forme de homard !

Reconnaître que nous sommes des nains juchés sur des épaules de géant est le plus sûr moyen d’être exclu du système médiatique… mais c’est aussi le plus sûr moyen de commencer à apprendre et à comprendre le monde qui nous entoure !

Je retiens aussi de Jean Madiran sa remarquable analyse des « deux démocraties ».

Avant de lire ce petit essai qui fut un maître livre, je trouvais incompréhensible que la démocratie, ce soit l’Athènes de Socrate et donc la naissance de la civilisation et aussi, contradictoirement, la « dissociété » contemporaine et la fin de toute civilisation. Madiran explique cela lumineusement. Il y a deux démocraties : la classique (la grecque), régime politique parmi d’autres, plus ou moins adapté à telle situation ; et la nôtre. Mais la nôtre n’est pas un régime politique ; elle est une religion qui exige que toute légitimité sorte de la prétendue « volonté générale », censément incarnée par les majorités parlementaires de hasard.

Ce qui implique que cette démocratie « religieuse » puisse dire non seulement le légal et l’illégal, mais aussi le bien et le mal et même le vrai et le faux. La loi Gayssot, par exemple, nous a dotés d’une vérité historique d’État, subvertissant ainsi radicalement la notion même de vérité historique. S’il existe aujourd’hui des opinions criminalisées, c’est la conséquence inéluctable de cette « démocratie » religieuse qui n’est rien d’autre qu’un totalitarisme.

La place me manque pour dire tout ce que j’ai appris dans cette œuvre. Un mot résume tout : Jean Madiran nous apprenait à résister contre ce « politiquement correct » étouffant, hostile à toute liberté et à toute recherche de la vérité. Après une longue vie de combats, il est juste qu’il se repose enfin. Espérons que se lèvent derrière lui des héritiers dignes de lui et qu’enfin, nous puissions reconstruire notre France, sans la couper artificiellement de ses racines comme le veulent ceux qui prétendent nous diriger et qui haïssent tout ce que nous aimons !

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Comments (4)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    le Colonel Hélie de Saint-Marc est mort … Honneur et Fidélité à sa Mémoire

    Ce fut … un grand Soldat, un grand Chrétien, un grand Résistant …. à de Gaulle , un grand Philosophe de l’Action et de l’Esprit

    26 août 2013 à 18 h 39 min
  • Fucius Répondre

    “La loi Gayssot, par exemple, nous a dotés d’une vérité historique d’État, subvertissant ainsi radicalement la notion même de vérité historique. ”

    Sujet développé par Philippe Nemo dans “La régression intellectuelle de la France”. À lire.

    “cette démocratie « religieuse » puisse dire non seulement le légal et l’illégal, mais aussi le bien et le mal et même le vrai et le faux. ”

    Le socialisme se veut magistère moral ET légitime pour exercer le pouvoir – par la démocratie mais aussi par l’Appropriation des administrations.
    Il est donc antilaïc.

    La laïcité, cela revient à généraliser la distinction chrétienne entre Dieu et César, en disant: Qui revendique le magistère moral ne peut pas exercer le pouvoir.

    C’est le contraire du totalitarisme: En distinguant deux autorités, morale et régalienne, on le rend impossible. Et opn dégage la notion de société civile, rattachée à aucune des deux autorités.

    Le socialisme pervertit la laïcité en un instrument d’éviction de ses concurrents au titre de magistère moral.
    Il fusionne autorités morale et régalienne, donc supprime la société civile – il la prend en étau entre l’assèchement de ses ressources par l’impôt et la subvention aux organisations qu’i contrôle (à commencer par l’école publique).
    Le socialisme est donc totalitaire.

    23 août 2013 à 19 h 58 min
  • Philippe Lemaire Répondre

    Charles Maurras ?! Triste référence…

    22 août 2013 à 9 h 57 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      avez vous lu Maurras ou bien avez vous lu SUR Maurras ?

      26 août 2013 à 18 h 41 min

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