Jean-Paul II, pape antimoderne

Jean-Paul II, pape antimoderne

Lu dans la presse 2

Le rôle de Jean-Paul II dans la chute du communisme à l’Est valut évidemment au pape de dangereuses inimitiés : le 13 mai 1981, le Turc Ali Agca tira sur le Saint-Père. Grièvement blessé, Jean-Paul II échappa à l’attentat miraculeusement : « Une main a tiré la balle, une autre l’a déviée », dit-il.

Mais ses adversaires avaient d’autres armes, rappelle Michel De Jaeghere en éditorial du hors série du Figaro : « Benoît XVI est bien placé pour savoir que l’unanimité dont bénéficie, aujourd’hui, la figure du défunt pontife repose largement sur le fait que les peuples ont la mémoire courte, la capacité d’amnésie volontaire des acteurs du système médiatique. Jean-Paul II avait été en réalité contesté, de son avènement à la veille de sa mort, avec une violence sans pareille. Sa défense intrépide de la vie depuis sa conception jusqu’à la mort naturelle, sa prédication morale, son rejet des revendications en faveur de l’ordination des femmes ou du mariage des prêtres lui avaient valu de soulever, dès l’origine, de violentes oppositions parmi les hommes d’Eglise , les théologiens, les féministes, les libertaires. »

Pas sans motifs : par bien des côtés, Jean-Paul II était un pape « antimoderne », rappelle Joël-Benoît D’Onorio dans le même numéro hors série du Figaro : il mit au point « une doctrine catholique des droits de l’homme annoncée aux nations », selon laquelle « la liberté n’est pas une course vers nulle part ; parce qu’elle participe de la dignité de la personne humaine, elle a nécessairement un sens. Pour Jean-Paul II, le sens de la liberté, c’est la recherche de la vérité, dont il a fait un leitmotiv de la plupart de ses discours. »

De là le rejet du relativisme, du scepticisme et du subjectivisme, exprimé notamment dans l’encyclique Veritatis Splendor, qui fit scandale lors de sa publication en 1993.

« Autre point d’achoppement avec la modernité : à l’origine de la créature, il y a le Créateur », écrit Joël-Benoît D’Onorio. « Cette vérité première conditionnait, pour Jean-Paul II, la vérité de l’homme dans la revendication de sa liberté et de ses droits. Or, la conception dominante des système idéologiques contemporains en a fait un homme sans Dieu. »

Le pape polonais en dénonce les conséquences dramatiques, non seulement en condamnant le communisme et le nazisme, mais en appliquant cette condamnation « à nombre de régimes libéraux qui ont conduit, eux aussi, à une marginalisation croissante de la religion ». Et sans hésiter à mettre explicitement en cause, en 1989 à Saint-Louis des Français à Rome, l’héritage des « philosophies des Lumières qui ont jeté le soupçon sur Dieu, sur son Christ, sur son Eglise ».

Démocratie ou totalitarisme ?

« Entre les droits de l’homme de la Révolution et les droits de l’homme de l’Eglise, ce n’est manifestement pas du même homme dont il est question », conclut Joël-Benoît D’Onorio. Les droits de l’homme ne se conçoivent qu’en corrélation avec les droits de Dieu. De là une critique des dérives de la démocratie et de l’assentiment majoritaire, qui ne représente pas l’absolu que les modernistes nous présentent volontiers. « La conscience universelle réagit à juste titre devant des crimes contre l’humanité dont notre siècle a fait la triste expérience. Ces crimes cesseraient-ils d’être des crimes si, au lieu d’être commis par des tyrans sans scrupule, ils étaient légitimés par l’assentiment populaire ? », demande-t-il dans l’encyclique Evangelium Vitae.

« Sans principes moraux stables, indiscutables et donc intouchables », résume Joël-Benoît D’Onorio, la démocratie est réduite, comme c’est souvent le cas de nos jours, à un simple calcul mathématique par l’absolutisation de la loi de la majorité. Elle cesse dès lors d’être un simple mode de gouvernement : elle se mue en idéologie. »

« Pas de démocratie sans assujettissement de tous à la loi, et pas de loi qui ne soit fondée sur une norme transcendante du vrai et du juste ! », affirme le pape.

Joël-Benoît D’Onorio commente : « A travers les conformismes idéologiques et législatifs sur l’avortement ou l’euthanasie, ose affirmer Jean-Paul II, on est fondé à soutenir que, du fait du relativisme éthique qui s’est emparé d’elle, "la démocratie, en dépit de ses principes, s’achemine vers un totalitarisme caractérisé" (Evangelium Vitae) ».

Une autre originalité de Jean-Paul II, poursuit le journaliste, est d’avoir « plaidé pour [le] respect des nations par les grands ensembles sociopolitiques modernes qui font facilement fi de ces réalités naturelles qui sont à la mesure des citoyens, des familles et des autres communautés humaines. »

Dès les premiers mois de son pontificat, le pape notait déjà devant l’Assemblée des communautés européennes que les institutions communautaires « à elles seules, ne feront jamais l’Europe, ce sont les hommes qui la feront (…). Mais ici les hommes qui se rapprochent appartiennent déjà à des peuples qui ont leur histoire, leurs traditions, leurs droits et en particulier leur droit à leur identité souveraine. » Ce thème du droit des nations est encore développé avec force dans le livre-testament du pape, Mémoire et identité.

« A elles seules, les propositions de Jean-Paul II ont ainsi tourné le dos à deux siècles de cet humanisme anthropocentrique, fondateur d’un nouveau type de société qui, depuis l’Europe, s’est offert en modèle d’organisation sociale à toute la terre », constate Joël-Benoît D’Onorio. Aujourd’hui béatifié, Jean-Paul II n’hésitait pas à parler à temps et à contre-temps.

Pierre Menou

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Comments (8)

  • Anonyme Répondre

    Jaurès ne vous débarrassez pas sur moi des questions de Siniq dont vous n’avez pas la réponse.

    Bien sûr, j’en sais 100 fois plus (non… disons plus réalistement 10 000 fois plus) que vous sur à peu près tout,  mais au fond, tout autre intervenant ici pourra légitimement dire la même chose de lui-même, en lisant vos posts.

    Comme « commun des mortels » ayant selon vous bénéficié d’un miracle, vous ne trouvez rien de mieux qu’Adolf Hitler en personne : le jury appréciera.

    Sachez aussi que la grosse majorité des miracles rapportés par l’Eglise advient justement au commun des mortels. Comme Dieu n’est pas économe de ses prodiges, il ne s’interdit pas à l’occasion d’en faire profiter un Pape, si un terroriste se présente opportunément.

    Faire tomber une balle de pistolet au sol, sans énergie cinétique notable après avoir été déviée par le doigt du Pape (si j’ai bien compris) est assez peu commun. Vous pouvez essayer de faire la même chose en convoquant les meilleurs armuriers, experts en balistique et spécialistes de la police scientifique, pour reproduire l’expérience à tête reposée en servant de cobaye vous-même.

    Récitez une prière à Jean-Paul II juste avant que les coups de feu ne claquent et si vous vous en tirez aussi bien que lui, vous serez le 2ième miraculé nécessaire à sa canonisation. Le bénéfice marketing ne peut plus l’aider lui, mais vous si.  Comme sœur Marie Simon-Pierre, vous deviendrez de facto universellement connu, ceci finalement sans grand effort. Si les coups de pistolet ne vous ratent pas, vous, vous ratez votre coup et du même coup la célébrité, et finissez au cimetière. Ne me demandez pas de faire l’expérience moi-même : je crois trop aux miracles pour ne pas avoir peur d’être indigne d’en bénéficier, car il en faut un pour échapper ici à la mort.

    Je suis certain qu’un miracle plus « hard » encore, comme celui que vous réclamez : repousse d’un membre, ne vous convaincrait en aucune façon de quoi que ce soit. Réfléchissez avant de nier.

    Vous n’avez pas remarqué non plus que moins de 12 heures après la béatification de Jean-Paul II, Ben Laden mourait de mort ultra-violente. Pas de miracle pour lui. Il est vrai que personne ne prétend y voir un miracle.

    Sœur Marie Simon-Pierre

    « Un grand mystère ». Sœur Marie Simon-Pierre, 50 ans, a toujours du mal à mettre des mots sur le miracle qui l’a semble-t-il extirpée des abysses de la maladie. « Pourquoi moi ? Cela reste un grand mystère. Il y a sans doute des gens, des enfants, plus malades autour de moi. Je ne peux pas vous répondre », confiait-elle ainsi en janvier dernier, lors de l’unique interview qu’elle aura accordée, à l’archevêché d’Aix-en-Provence, devant une nuée de caméras et de micros de journalistes du monde entier.

     

    C’est à 12 ans qu’est née la vocation de Marie-Pierre Normand, aînée d’une pieuse et discrète famille de cinq enfants implantée à Rumilly-en-Cambrésis. Elle se rendait chaque année à Lourdes comme brancardière pour les malades, et c’est « en 1982, au cours d’une nuit d’adoration du jeudi au Vendredi Saint » qu’elle a eu la révélation. Au terme de ses études, accomplies au lycée La Sagesse de Cambrai, elle entre dans les ordres et prononce ses vœux pour devenir sœur Marie Simon-Pierre à 21 ans. Elle intègre la congrégation des Petites sœurs des Maternités catholiques, où elle est infirmière, « au service de la vie et de la famille ».

    Elle se lève d’un bond…

    En 2001, on lui diagnostique une forme de la maladie de Parkinson. Quatre ans plus tard, c’est « épuisée » que sœur Marie Simon-Pierre poursuit pourtant sa mission, à la maternité de Puyricard, dans les Bouches-du-Rhône. La douleur est de plus en plus palpable.

    Ses membres ne cessent de se raidir. Elle ne parvient plus à écrire… Le 2 avril décède le pape Jean Paul II, lui aussi atteint de la maladie de Parkinson, dont elle se sentait « proche depuis toujours ». Elle dit avoir eu « l’impression de perdre un ami ». L’état de santé de la religieuse Cambrésienne s’aggrave encore. À tel point que les sœurs entament alors une neuvaine de prières à Jean Paul II, pour demander la guérison de sœur Marie Simon-Pierre. Mais rien n’y fait… Jusqu’à cette nuit du 2 au 3 juin 2005. Alors qu’elle était sur le point de renoncer, sœur Marie Simon-Pierre ressent soudainement l’envie d’écrire. Et y parvient. La nuit parachève le miracle : réveillée à 4 h 30, celle qui ne se déplaçait pratiquement plus se lève d’un bond. « Ce matin-là, au cours de l’eucharistie, j’ai eu la certitude d’être guérie. C’est vraiment difficile à expliquer », s’excuse-t-elle. Et pas que pour elle. Son neurologue est lui-même ébahi : « Il m’a demandé si j’avais doublé ma dose de dopamine. Je lui ai dit : "Non, j’ai tout arrêté !" ».

    Selon le père Luc-Marie Lalanne, qui a mené pendant un an l’enquête diocésaine avant de soumettre son rapport à la Congrégation pour la cause des saints au Vatican, sœur Marie Simon-Pierre « a subi les examens les plus scrupuleux pour que sa guérison, inexpliquée en l’état actuel des connaissances médicales, soit reconnue comme miraculeuse ». Et c’est donc Jean Paul II, à qui sœur Marie Simon-Pierre avait serré la main à Rome en 1984 en grimpant sur une chaise, qui en arrive à jouer un rôle essentiel…

    5 mai 2011 à 0 h 07 min
  • Jaures Répondre

    Siniq, ce n’est pas à moi qu’il faut poser votre question. Le spécialiste du miracle se nomme Sembour.

    D’ailleurs, cher ami, pourquoi appeler "miracle" un enchaînement heureux de circonstances lorsqu’il arrive à un pape et non quand cela advient au commun des mortels ?

    Ainsi, des récits comme le vôtre, vous en aurez de semblables dans tous les services d’urgence du monde plusieurs fois par jour.
    Quant à la "miraculée" posthume de J.P II, les guérisons spontanées sont statistiquement évaluées (1 pour 100 000). Un vrai miracle eût été une guérison inédite, la repousse d’un membre par exemple, mais cela, même à Lourdes, cela n’a jamais eût lieu.

    Gageons que l’Eglise trouvera aisément le second "miracle" nécessaire à la canonisation marketing du défunt Saint Père.

    4 mai 2011 à 9 h 04 min
  • Anonyme Répondre

    Le miracle aurait été que Jaurès croie aux miracles et s’abstienne de proposer un événement qui n’a objectivement rien de miraculeux, pour nier ce que Jean-Paul II dit être un miracle.

    Jean-Paul II était bien placé pour avoir une opinion plus crédible que celle de Jaurès sur la question, puisqu’elle concernait un attentat où il était la victime visée, où il avait été gravement touché et puisqu’en théologien de haut niveau reconnu, il connaissait parfaitement la définition chrétienne du mot « miracle ».

    La  balle presque mortelle de l’attentat sera plus tard enchassée dans la couronne de la statue de la Vierge à Fatima.

     

    Une main a tiré, une autre a guidé la balle.

    Le 13 mai, le Saint-Père avait déjeuné avec le Pr Lejeune, son épouse et un autre invité, puis il se rendit place Saint Pierre pour l’audience générale, dans la plus grande tranquillité. Alors qu’il faisait le tour de la place et approchait de la porte de bronze, le Turc Mehmet Ali Agça a tiré sur lui, le blessant au ventre, au coude droit et à l’index de la main gauche.

    Une balle a touché l’index avant de traverser l’abdomen. J’étais assis comme d’habitude derrière le Saint-Père, et la balle, malgré sa force, est tombée entre nous, dans l’auto, à mes pieds. L’autre blessait le coude droit, brûlait la peau et allait blesser d’autres personnes. Qu’ai-je pensé? Personne ne croyait qu’une telle chose fût possible, et, bouleversé, je n’ai pas compris tout de suite.

    Le bruit avait été assourdissant. Tous les pigeons se sont envolés. Quelqu’un avait tiré. Mais qui ? Et j’ai vu que le Saint-Père était touché. Il vacillait mais on ne voyait sur lui ni sang ni blessure. Alors j’ai demandé: "Où?" Il m’a répondu: "Au ventre." J’ai encore demandé: "Est-ce douloureux?" Il a répondu: "Oui". Le Saint-Père était à demi assis, penché sur moi dans l’auto, et c’est ainsi que nous avons rejoint une ambulance. Le Saint-Père ne nous regardait pas. Les yeux fermés, il souffrait beaucoup et répétait de courtes prières. Si je me souviens bien, c’était surtout: "Marie, ma mère! Marie, ma mère!"

    Le Dr Buzzonetti, un infirmier, frère Camille, étaient avec moi dans l’ambulance. Elle roulait très vite, sans aucun accompagnement de police. Sa sirène s’était détraquée après quelques centaines de mètres. Le trajet qui en temps ordinaire demande au moins une demi-heure a pris huit minutes, et dans la circulation romaine ! Plus tard, le Saint-Père m’a dit qu’il état resté conscient jusqu’à l’hôpital, que là seulement, il avait perdu connaissance, et qu’il avait été tout le temps convaincu que ses blessures n’étaient pas mortelles.

    D’après le témoignage de Mgr Stanislas Dziwisz,
    rapporté par André Frossard "N’ayez pas peur. Dialogue avec Jean-Paul II"
    (Robert Laffont, Paris, 1982) – p.333 à 345.

    4 mai 2011 à 4 h 52 min
  • IOSA Répondre

    Et voilà comment on noit le poisson !

    A t’on oublier le baiser de Judas ?

    Jean Paul II est, demeure et restera le seul pape qui vendit la religion chrétienne à l’ Islam…en reconnaissant par son baiser au Coran, que ce dernier était oeuvre de Dieu.

    Alors que les siens qui s’accoquinent avec les musulmans, veulent le béatifier…passe encore, mais revendiquer qu’ils agissent selon les précepts de Dieu et en son nom, c’est vraiment se foutre de la gueule du monde.

    Par ailleurs, il est aussi important de souligner que Jean Paul II, qui était contre les moyens de contraception…détenait en propre des actions au sein de l’industrie des préservatifs ( voir l’émission sur arté, il y a moins de 15 jours).

    Et oui, la Foi n’est qu’une illusion !

    IOSA

    3 mai 2011 à 23 h 50 min
  • Anonyme Répondre

    @ Jaures Qui a détourné les balles du vrai-faux attentat dans la nuit du 15 au 16 octobre 1959, les balles destinées à votre icône socialiste ce cher Mitterrand, Bruce Lee?

    3 mai 2011 à 9 h 07 min
  • Anonyme Répondre

    **** La volonté de Dieu **** Jaurès réaliste. La morale du coup d’Etat chez saint Thomas d’Aquin. Pour que la Providence ne soit pas contrariée : 1) Il faut que le régime que l’on veut instaurer soit meilleur que celui que l’on veut abattre. 2) Il faut que les moyens utilisés ne soient pas immoraux. 3) Il faut avoir des chances raisonnables de réussite. Que l’échec n’entraine pas des effets pires que la situation antérieure. La prudence naturelle est liée à la prudence surnaturelle. Dieu est la cause première du bien que nous faisons et nous en sommes la cause seconde par notre docilité à sa grâce. L’homme est la cause première du mal qu’il fait par résistance à la grâce et Dieu en est la cause seconde en le maintenant dans l’être malgré sa rebellion. Si nous nous sauvons c’est grâce à Dieu, si nous nous damnons c’est de notre faute. L’obus tombe indifféremment sur le croyant ou l’athée, mais la mort est un mal provisoire et l’enfer un mal éternel. Cordialement. Troubadour Dieu est mort. Nietzsche Nietzsche est mort. Dieu

    3 mai 2011 à 8 h 02 min
  • Jaures Répondre

    « Une main a tiré la balle, une autre l’a déviée »

    Le 8 novembre 1939, Hitler a échappé "miraculeusement " à un attentat en partant 13 minutes plus tôt que prévu d’une réunion.

    Quelle "main" est-elle alors intervenue ?

    2 mai 2011 à 16 h 15 min
  • Xila Répondre

    Merci pour cette analyse pertinente qui souligne combien Bx JPII tout au long de sa vie n’a eu qu’un désir servir, protéger et aimer toute personne humaine … Toute sa vie manifeste l’oeuvre de l’Esprit Saint en lui grâce à ce don totale de lui même à Dieu qui se vivait dans sa prière quotidienne … Quel beau chemin de sainteté … à suivre … !

    2 mai 2011 à 14 h 03 min

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