La fécondité de la bourgeoisie

La fécondité de la bourgeoisie

Fred Aftalion vient de publier une très utile « Histoire de la révolution bourgeoise aftalion ». Les premières lignes résument le livre : « Nous vivons dans un monde où l’on élève des statues à des idoles de pacotille et où ceux qui, par leur pensée, leur génie scientifique, leur esprit d’entreprise, sont les véritables bienfaiteurs de l’humanité n’ont que rarement droit à notre reconnaissance et restent le plus souvent ignorés du grand public ». Il s’agit, en fait, de rendre hommage à tous ceux que l’on appelle communément les « bourgeois », que l’on se plaît à vilipender, railler ou traîner dans la boue, alors que nous leur devons l’essentiel de la liberté, de la prospérité, de la créativité, de l’intelligence et de la qualité de vie dont nous jouissons dans le monde développé en ce début de XXIe siècle.

Comment la bourgeoisie a-t-elle mis en place tous ces accomplissements ? Par un « empirisme organisateur encadré par la raison », nous dit Aftalion. Par la société née de cet empirisme, fondée sur quelques principes simples, notamment « un droit de propriété individuel reconnu par les autres membres de la société », par le « concept de propriété intellectuelle dont le rôle fut déterminant lorsque vinrent à éclore les progrès techniques de la révolution industrielle », par la « valeur morale donnée au travail », par la famille, « élément essentiel d’une société construite pour durer et au sein de laquelle les droits des uns trouvaient leur contrepartie dans les devoirs des autres », par une « mobilité et une ouverture sur le monde ».

C’est en, et par, cette société qu’est née la pensée libérale, chez Locke, chez Edmund Burke, qui montre qu’il « existe une loi supérieure née de la tradition qui s’impose aux mortels que nous sommes », chez les pères de la Révolution américaine, chez les premiers économistes : Turgot, Adam Smith, David Ricardo, Richard Cobden.

La société bourgeoise est née aussi de l’industrie, de « quelques hommes d’origine souvent modeste établis sur la frange occidentale de l’Europe et en Amérique du Nord ». Leurs accomplissements « par leur portée universelle, profitent au genre humain pris dans son ensemble ». Aftalion, entre autres, cite James Watt, Antoine Lavoisier, Joseph Gay-Lussac, John Dalton et explique ce qu’ils ont découvert ou créé. Il insiste sur la découverte et la maîtrise de l’électricité, tellement omniprésente aujourd’hui que nous pourrions oublier qu’elle n’a pas toujours été là et qu’elle a révolutionné la planète.

Comme l’écrit Aftalion, l’ordre libéral apporte à ceux qui l’adoptent des « bienfaits qu’aucune autre forme de société n’avait permis d’obtenir jusque-là : les libertés personnelles, la démocratie représentative, la mobilité sociale, l’accès du plus grand nombre aux progrès de la technique et donc à un degré supérieur d’aisance matérielle ».

Malheureusement, existaient (et existent toujours) ceux qu’Aftalion appelle les « mauvais bergers », ceux qui disent aimer « l‘humanité », mais qui méprisent les hommes de chair et de sang : Rousseau, Robert Owen, Karl Marx, Herder, List. Les doctrines qu’ils feront naître, « nationalisme et socialisme », viendront faire leur travail de sape qui se manifestera dans la Première Guerre Mondiale, « première guerre civile européenne », dans le communisme, le nazisme, le « gâchis de l’entre deux guerres », le désastre que fut la Seconde Guerre mondiale, cet autre désastre que fut la dissémination du léninisme sur tous les continents, l’enlisement de l’Europe dans des systèmes d’État-providence, la dissémination de peurs et de phobies dont celle de la « pollution » est la dernière en date.

L’ordre libéral sort ébranlé de tout cela. Il est, dit Aftalion, à une croisée des chemins. Ou bien, grâce aux innovations des deux dernières décennies en matière d’informatique et de biotechnologies, il triomphera des obstacles et des ennemis. Ou bien obstacles et ennemis auront raison de lui, et se tournera ce qui a été sans aucun doute la page la plus féconde de l’histoire humaine. « Si nous apercevions les causes avant d’être avertis par les effets, nous prédirions les événements avec quelque certitude », c’est par cette phrase de Rivarol que s’ouvre le livre. C’est par elle que je conclurai cet article.

Fred Aftalion, Histoire de la révolution bourgeoise, Éditions du Trident, 2007, 264 p., 25 euros.
http://www.editions-du-trident.fr

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Comments (9)

  • Anonyme Répondre

    Jaures

    Vous jouez les prudes: " Je n’ai parlé de génocide à aucun moment ".Certes mais vous le faisiez tellement sous entendre qu’ on pouvait lire dans vos pensées.

    "Que ce mot arrive pourtant si vite montre que le sujet est cependant sensible en certains esprits " , le vôtre certainemnt car vous ne l’ utilisez qu en sous entendu.

    Soyez plus franc!

    grandpas

    26 mai 2007 à 17 h 10 min
  • raoul Répondre

    Encore Jaurès!

    Sans se perdre dans des exégèses, regardons ce que disait le jeune Marx dès 1848, oui 1848, sur les réalisations de la bourgeoisie et les bienfaits par elle apportés : entre autres, elle a fait jaillir de terre des populations entières. En fait elle n’a rien fait jaillir en la matière mais elle les a empêché de mourrir en très bas âge.
    C’est l’éloge le plus vibrant, le plus sincère, le plus précoce aux réussites de la bourgeoisie.  (Manifeste Communiste chapitre 1 Bourgeois et prolétaires).
    Le reste a suivi.
    Ce ne sont pas les luttes ouvrières qui ont apporté les autres bienfaits. Les luttes ont été la marque de l’impatience et ont nui aux impatients en retardant les progrès. Encore plus aux impatients russes.
    Si tu suis ce qui se passe aujourd’hui en Chine tu pourras observer que la condition des travailleurs s’améliore vite non pas par les luttes mais par la concurrence entre les employeurs.

    Relisons nos classiques Jaurès et ouvrons les yeux.

    A+

    22 mai 2007 à 19 h 37 min
  • Jaures Répondre

    Je n’ai parlé de génocide à aucun moment. Que ce mot arrive pourtant si vite montre que le sujet est cependant sensible en certains esprits. Mon but était seulement de montrer que les théoriciens du libéralisme n’ont fait que légitimer un contexte, théoriser des faits déjà accomplis, n’appliquant leurs idéaux qu’à ceux qu’il jugeaient dignes d’en profiter. Cela n’est pas original. Aucun des prestigieux philosophesde la Grèce antique, pourtant si soucieux de justice, n’a remis en cause l’esclavage. Les intellectuels sont prisonniers de leur contexte beaucoup plus qu’ils n’ont de prise sur lui.

    22 mai 2007 à 11 h 44 min
  • D.J Répondre

    Je rappelle à Jaures que les incas et les mayas étaient aussi des envahisseurs qui ont guerroyés pour asservir des populations à l’esclavage et au sacrifice religieux.

    Quand les espagnols sont arrivés ils ont trouvés plus fort qu’eux. Je rappelle également que beaucoup de tribus se sont ralliées aux espagnols pour se délivrer du joug des mayas et des incas.

    Quant au prétendu génocide indien du Nord comme au Sud, ces populations ont été victimes surtout de maladies comme la variole, ce qui est des morts involontaires.

    D.J  

    21 mai 2007 à 19 h 53 min
  • Anonyme Répondre

    Jaures

    10 millions d’ amérindiens ,c’est pour toutes les Amériques ou simplement l’ Amérique du Nord.Pour qu’ il est génocide,il faut qu’ il y est  volonté d’ anéantir uen race (Shoah, Arménie, Darfour).Car pour votre information la grande majorité des amérindiens décedérent de maladie contre lesquelles ils n’ étaient pas imunisés naturellement .

    La vision de Raptor n’est nullement coloniale ,il suffit de regarder le film "Danse avec les loups" .Les Indiens d’ Amérique avaient une vie frugale ,je vous conseille aussi la serie de télévision "Into the West " formidable épopée sans partie pris.

    Puisque vous parlez du droit de proprieté des occupants d’ origine (De Souche),pourquoi le refusez vous aux Français de ce siécle face à une autre forme de colonisation .

    J’attends avec impatience vos explications et cette fois ci ne vous défilez en billevesées et autres calembredaines.

    Grandpas

    PS:Vos doux amis indiens pratiquaeint l’ esclavage et le scarifice humian à grande échelle , 60.000 victimes en une journée et le maintien des guerres fleuries pour disposer d’ un cheptel de condamnés.

    20 mai 2007 à 23 h 04 min
  • Jaures Répondre

    A Raptor: Votre chiffre est évidemment fantaisiste. Les historiens serieux évaluent la population améridienne au XVI ème siècle entre 7 (R.Thornton) et 12 millions d’individus. En 1896, on en recensait…250 000. Mais là n’est pas le sujet. Le fait est que la propriété de la terre américaine par ses occupants d’origine (de "souche" dirait-on aujourd’hui) n’a jamais été prise en considération par les intellectuels anglais. Enfin, votre vision coloniale, digne de SAS (le vrai, pas l’intervenant de ce forum), des civilisations traditionelles ferait fureur au troquet d’à côté. Je ne saurais trop vous conseiller les livres de l’éminent Lévy-Strauss, afin de comprendre qu’un être humain n’est pas forcément un type qui passe 2h dans les embouteillages, 3 devant la télé et le reste à se plaindre de son voisin, ses enfants, sa femme et du gouvernement.

    19 mai 2007 à 10 h 43 min
  • Raptor Répondre

    Dix millions d’amérindiens avant l’arrivée de Christophe Colomb? Pauvre Jaures, manifestement, il n’est toujours pas sorti du XVIIIe (arrondissement, pas siècle). En réalité, ils étaient quelques centaines de milliers, ce qui est normal étant donné leur mode de vie traditionnel. Quand on sait qu’aujourd’hui ils sont plus de 2 millions, les accusations de génocide des anti-américains de service me font bien marrer.

    Mais dites-moi Jaures, vous m’avez l’air de bien aimer le mode de vie ancestral de vos chers indiens? Qu’attendez-vous donc pour les imiter? Vivre avec un pagne, dans un tipi, en chassant le bison et le grizzly, enfin le lièvre et le sanglier? J’avoue que je paierai cher pour voir ça!

    18 mai 2007 à 15 h 47 min
  • Matrix Répondre

    Vous devriez offrir ce livre a Arlette Laguiller !….  

    16 mai 2007 à 16 h 32 min
  • Jaures Répondre

    Il est navrant que trop d’auteurs se complaisent à s’approprier les écrits des anciens pour les caler arbitrairement sur la réalité d’aujourd’hui, sans rappeler le contexte de leur production.

    Quand Locke, dans son "Second Traité du gouvernement civil" définit, entre autre, la propriété, il ne fait que légitimer l’appropriation des terres par les colons américains: "Quiconque s’approprie les terres par son travail, écrit-il, ne diminue pas les ressources communes, mais les accroît". Jamais Locke ne fait allusion aux indiens dans ses écrits, alors qu’ils étaient environ 10 millions à cette époque (XVIIème siècle). Cependant, les "bourgeois" actuels font rarement références à ce qu’écrivait plus loin Locke (auquel,d’ailleurs Rousseau rendit hommage) . Ainsi, dans le même ouvrage, il explique:"  Sans aucun doute, le travail appartient à l’ouvrier, nul autre que l’ouvrier ne saurait avoir de droit sur ce à quoi le travail s’attache". Il dénonce également les gachis, l’accumulation excessive ("Tout ce qui va au delà excède sa part et appartient à d’autres") et ne conçoit la thésaurisation que si "elle ne nuit à personne". Il était nécessaire à l’époque de légitimer l’appropriation de terres vierges, c’est pourquoi Locke lia propriété et travail.

     Adam Smith est bien loin  de tout cela lorsqu’il écrit:" Dans les progrès que fait la division du travail, l’occupation de la majeur partie de ceux qui vivent de ce travail, c’est à dire la masse du peuple, se borne à un très petit nombre d’opérations simples". Dès lors:" Un homme qui passe toute sa vie à faire un petit nombre d’opérations simples n’a pas lieu de développer son intelligence (…) et devient aussi stupide et ignorant qu’il soit possible à une créature humaine". On comprend qu’A.Smith soit la référence philosophique des bourgeois!

    On voit donc que la "valeur travail" a bien vite évolué chez les intellectuels libéraux: de fondatrice de la propriété, de valeur liée à celui qui l’exerce, elle devient, pour les besoins des possédants, une tâche répétitive et abrutissant dont l’exécutant,aliéné, est dépossédé.

    Si les travailleurs ont pu se réapproprier une part de leur travail, c’est grace à la lutte qui coûta la vie à de nombreux ouvriers et militants. Peut-être pourrait-on également rendre hommage à ceux-ci, car c’est également à eux que nous devons notre niveau de vie, notre protection sociale, nos services publics, notre code du travail auquels vous me permettrez, j’en suis sur, de marquer mon attachement.

    16 mai 2007 à 15 h 36 min

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