Marie-Antoinette par Sofia Coppola

Marie-Antoinette par Sofia Coppola

Après avoir été sifflé au festival de Cannes par la gauche caviar et des snobs qui ne le trouvaient sans doute pas assez « militant », le beau film de Sofia Coppola, consacré à Marie-Antoinette, a trouvé son public en France. Il a trouvé, aussi, des critiques qui ont rendu hommage à ses audaces, à son inventivité visuelle, à ce qui fait du film le portrait d’une adolescente trop vite projetée vers la vie d’adulte.
Les hommages sont justifiés. Le film est porteur de tout cela et de bien davantage. Il est une de ses dimensions qu’on a, cela dit, trop peu souligné. C’est la description du fonctionnement de la Cour à Versailles. Tout est imprégné de fatuité, de morgue, d’arrogance. Il n’y a place ni pour la spontanéité ni pour les sentiments. Les jalousies et les perfidies abondent et côtoient le cynisme absolu. Marie-Antoinette apparaît comme une jeune fille qu’on veut broyer, priver de toute spontanéité, réduire à une gravure rigide.

Ce portrait de la Cour ne fait que confirmer ce qu’on en sait par les écrits des mémorialistes de l’époque. Mais il est effectué par une Américaine. Et rarement la dimension pathologique de tout cela s’est trouvée montrée, avec autant d’acuité.
On comprend en ce contexte quasiment tout le reste : le côté « coincé » du pauvre Louis XVI, sans cesse scruté, jusqu’à son lit, la nuit de ses noces, la débauche ostentatoire de Louis XV, son père, la fuite par Marie-Antoinette de ces pesanteurs étouffantes dans la boulimie alimentaire et vestimentaire, puis dans le plaisir simple d’un univers moins vain, plus simple, au Petit Trianon. On comprend la coupure entre cette monarchie et la population qu’elle ne connaît pas, les erreurs de gestion, les décisions politiques dictées par des motifs qui ont peu à voir avec l’amélioration des conditions de vie dans le pays.
On comprend même la haine vociférante de la foule : la xénophobie envers « l’Autrichienne » a commencé à la Cour avant de se répandre dans les faubourgs, l’intolérance violente des insurgés prêts à tuer femmes et enfants est l’envers symétrique de l’intolérance violente de la Cour envers la simplicité.

Sofia Coppola, c’est clair, déteste la Cour, et je ne puis que lui donner raison. Elle n’a guère plus de sympathie pour la foule qui crie et cogne, et je ne puis que lui donner raison là aussi. Elle se situe du côté des êtres humains broyés par la machine infernale : un homme qui n’a pas choisi d’être roi, et surtout pas dans ces conditions, mais qui assumera, jusqu’au bout. Une femme qui n’a pas choisi d’être reine et absolument pas dans ces conditions, mais qui assumera, elle aussi, jusqu’au bout. Des enfants innocents qui finiront dans des conditions abjectes. Le film ne montre pas la révolution, mais il montre tous ses engrenages.
Deux siècles plus tard, nous sommes toujours dans les engrenages. Depuis 1789, la France n’a jamais retrouvé une stabilité institutionnelle et n’a cessé d’être, sporadiquement, soumise à la tyrannie éphémère de l’émeute. Depuis 1789, l’idée que les difficultés économiques pouvaient être réglées par les gouvernants ou leurs remplaçants n’a cessé d’être de mise. Depuis 1789, l’idée, complémentaire, que des idées ressentimentales pouvaient s’imposer à la réalité n’ont cessé de flotter dans l’air ambiant. Surtout, malgré la Révolution ou peut-être à cause d’elle, le pays semble toujours gouverné par une noblesse d’ancien régime empesée, méprisante, menteuse, manipulatrice, indifférente à la condition réelle des gens du peuple, prête à gloser et à régler ses comptes dans des cercles très restreints.

C’est l’évidente absence d’évolution qui constitue, je pense, le vrai message du film. Il y a des sociétés où l’on vit, où l’on avance, où l’on crée, et puis, il y a les sociétés stérilisées et stérilisantes où l’on oublie l’être humain, où on le tue de multiples façons. La France du dix-huitième siècle était une société stérilisée et stérilisante. Parce qu’elle n’a pas tiré les leçons de son passé, elle est restée une société stérilisée et stérilisante.

Je ne puis qu’inciter ceux qui me lisent à aller voir le film de Sofia Coppola (si ce n’est déjà fait) et à le regarder sous cet angle.
Je les invite ensuite à lire ou relire Edmund Burke, « Réflexions sur la révolution de France » (Version anglaise à lire en ligne), puis à regarder autour d’eux…
La France ne fait plus rêver, mais, heureusement, elle peut encore inspirer de beaux films, pleins de mélancolie.

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Comments (15)

  • Partisan Blanc Répondre

    Autre erreur de filiation, c’est dans le film. On attribut une paternité au comte de Provence (futur Louis XVIII), alors que c’est le comte d’Artois (futur Charles X) qui a eu une descendance, dont deux descendant seront "rois de droit", c’est à dire son fils, "Louis XIX" et "Henri V".

     

    La société française au XVIIIème siècle ne connait pas en générale une fermeture. C’est un siècle de prosperité économique due à la politique belliqueuse louisquartozienne qui a protégé nos frontières, ouverture intellectuelle avec des academies de sciences et d’art. La France rayonne sur l’Europe, le français est parlé jusqu’en Russie, et Voltaire devient conseiller de la tzarine.

    il me semble que les droits individuels étaient beaucoup plus respecté qu’actuellement. Je crois que c’est le professeur Hugues Petit qui a dit que la monarchie était avare de déclaration de droit, mais plus resepctieuse que sous la Terreur.

    "les Droits de l’homme" date de Louis VII^^

     

    23 novembre 2007 à 11 h 09 min
  • siniq Répondre

    Pour l’Ane Qui Veut Vite Devenir Bardot Vos intermittents sont des tricheurs,l’Assedic enquête sur un des plus gros detournement de fonds. Vous feriez un parfait diable boiteux

    13 juillet 2006 à 12 h 35 min
  • un_ami_qui_vous_veut_du_bien Répondre

    Salut à tous, Une fois de plus, je trouve que votre journal fait très fort, puisqu’il trouve le moyen de faire une critique là où il n’y a pas lieu d’en faire. D’un côté, nous avons un film, qui, à mon avis, est “un gros navet à la sauce hollywoodienne” (pour citer un précédent post) ..Et de l’autre, nous avons un public déjà conquis de royalistes et de gens qui auront une rancoeur éternelle envers tous les “pouilleux”, et en particulier ces “pouilleux de révolutionnaires”. Le résultat de cette situation me paraît évident (ce n’est même pas conscient de leur part Guy Milliere) : il est persuadé de juger le film sur ses vertus artistiques, alors qu’en réalité il se fait rêver devant le faste versaillais, et la Révolution lui vole son Happy end ! Je disais que vu la situation il n’y a pas lieu de faire une critique : j’entendais par là qu’une critique cinéma ne doit pas être un prétexte à cracher sur la “gauche caviar”, qui passait par là et n’a rien demandé à personne :-) Prenez-vous en à vous-même, nostalgiques de la Grande France! Vous n’avez qu’à créer, ou aider à la création artistique (en supportant les intermittents) au lieu de livrer notre culture pieds et poings liés à Hollywood. Si vous n’avez toujours pas le recul pour voir en quoi vous êtes ridicules, voici ce qu’on a pensé du même dérapage, 20 ans plus tôt, commis par les Japonais : http://www.nanarland.com/Chroniques/Main.php?id_film=ladyoscar

    11 juillet 2006 à 15 h 42 min
  • Ado Répondre

    “l’Irak et l’Afghanistan continuent à s’embraser de plus belle, que la tension monte entre Israël et la Palestine,que les cours du pétrole et des différents minerais montent dangereusement, etc.” La routine. Faut pas s’en faire.

    11 juillet 2006 à 8 h 02 min
  • Jean-Claude Lahitte senior Répondre

    “De minimis, non curat praetor”, ce que je j’ose traduire librement par “Un distingué professeur a autre chose à faire que de s’occuper des petites affaires”. Je suis en effet surpris, alors que l’Irak et l’Afghanistan continuent à s’embraser de plus belle, que la tension monte entre Israël et la Palestine,que les cours du pétrole et des différents minerais montent dangereusement, etc. que Guy Millière ait trouvé de s’occuper d’un film qui n’a, selon moi, que le mérite (appréciable) de refaire vivre (même caricaturalement) les fastes de la Cour, et, surtout, ou de refaire découvrir les splendeurs du Château et du Parc de Versailles. Un cadre qui, certes, doit beaucoup à de généreux mécènes américains… Il est vrai que cela permet à notre distingué fonctionnaire, une fois de plus, de donner un coup de patte à certaines de ses victimes habituelles. Ce qui, parfois, ne manque pas de sel ou de piment ! Sans doute les vacances ont-elles déjà commencé pour notre professeur. Alors, à toutes et à tous, à lui tout particulièrement, bonnes et agréables vacances. Pourquoi pas en allant admirer le gandiose spectacle des “eaux” à Versailles. Ou encore le Petit-Trianon dont les travaux de restauration sont terminés. Bonne vacances, Jean-Claude Lahitte senior

    10 juillet 2006 à 18 h 02 min
  • Sabreaxel Répondre

    Contrairement à ce que pensent beaucoup, la France n’était pas du tout considérée comme un pays en décadence en 1788, à l’opposé d’aujourd’hui. Son image à l’étranger n’était pas complètement ternie et ses problèmes économiques ne semblaient pas nécessairement insolubles puisque malgré les blocages, le pouvoir royal semblait en avoir pris au moins pleinement conscience. Quant au Versailles “snob” il n’en attirait pas moins l’Europe entière notamment en matière culturelle. Le lever de la reine est effectivement l’une des seules scènes historiquement intéressantes (avec quelques autres au début c’est vrai). Mais de là à la regarder uniquement avec nos yeux de 2006…

    10 juillet 2006 à 10 h 34 min
  • Ado Répondre

    Cela dit, les choses étaient plus complexe que cela, et l’idée que l’aristocratie était décadente économiquement par ce qu’interdite de “commerce” à été entiérement revu depuis 20 ans -depuis que, aux interprétations Marxistes des français, on a ajouté les études historique canadienne, anglaise et américaine de la question. En fait, cette aristocratie était trés active, de même que le parcour normal d’un bourgeois était d’être annobli. Y avait-il une lutte entre Bourgeoisie et Aristocratie ? Pas si certain du tout.. Louis XVI était-il coupé du peuple ? Pas si sur.. La Révolution -ce suicide de la France en tant que premier peuple d’Europe- à quelque chose de fou et d’irrationnel. Ses causes demeurent inconnues.

    10 juillet 2006 à 6 h 20 min
  • MINUX75 Répondre

    Bonjour Une fois de plus Guy MILLIERE a encore fappé juste. Le soir ou dans une conférence, il a parlé du film de copolla, j’ai été le voir. Et effectivement, je peux dire que la france de Louis XVI était très à cheval sur les étiquettes, le cérémonial du lever de la reine est à cet égard très significatif, la reine devait d’abord adresser la parole à tel ou tel personne du fait de son rang, ne pas le faire était considéré comme un manquement grave à l’étiquette. La france d’aujourd’hui est encore plus vissée à la hiérarchie que la france de louis XVI, nous adorons l’uniforme, nous vénérons religieusement les diplômes à ce point qu’un retrairé se dit encore ingénieur ou sorti de X, comme si la vie professionelle n’avait pas compté, cet état d’esprit est impensable à l’étranger. Nous voyons à la télévision des retraités qui passent leur bac, l’affaire est tellement grotesque que c’est même devenu le sujet d’un film. Nous sommes tellement snob et arroguants que même les étrangers disent que la france serait bien….. sans les francais. Cette volonté de faire la distinction au niveau de l’étiquete est telle que nous sommes devenu les champions du monde de la lutte contre la “contrefaçon”, la lutte est impitoyable, mais on peut parler dans le même temps de tolérence massive vis à vis des mensonges du pouvoir tant ce qui compte dans un discours en france est celui qui le dit et pas du tout ce qui y est dit “j’avais confiance, il avait la légion d’honneur”. snobimaé francium

    8 juillet 2006 à 22 h 13 min
  • doctorevil Répondre

    “Les lettres persanes” furent elles qu’ anachronisme et distansiation? L’histoire de France n’est pas la glorification du respect et de la reussite de l’individu responsable et surtout unique,qu’importe que Louis XVI fut le petit fils de Louis XV, il était Roi de droit divin et rien de plus et surtout en niant que chaque être humain vivant n’existe que par droit divin sans qu’aucun état n’ait aucun pouvoir sur lui. J F Revel avait raison, la republique française n’est que l’éléction d’une monarchie à temps réduit, pour simplifier, et non pas le respect des individus et de leurs droits que doit garantir la démocratie.

    8 juillet 2006 à 21 h 55 min
  • Sabreaxel Répondre

    Le film est appréciable (selon les goûts) si on lui ôte toute prétention historique. L’anachronisme y est constant et les mentalités de l’époque y sont ignorées au profit de celles d’aujourd’hui (cf Louis XV en propriétaire de ranch texan et Madame du Barry en prostituée de saloon selon le bon mot de Jean Chalon). Louis XVI y est toujours caricaturé et sa politique évacuée. Faire reposer sur cette oeuvre toute une démonstration comme le fait M.Millière semble donc aventureux.

    6 juillet 2006 à 17 h 33 min
  • siniq Répondre

    La marie antoinette réelle etait elle aussi bonne que celle du film,car dans ce cas là vive le roi!

    6 juillet 2006 à 14 h 03 min
  • Gassie Répondre

    Eh, oui, monsieur Guy Millière, Louis XVI était le petit-fils de Louis XV et non son fils. Comme ce dernier était également petit-fils de Louis XIV! Il faut arrêter de croire qu’ils sont père et fils à cause de leur noms et de leurs numérotations! Concernant le film: il est sans doute un prétexte pour écrire votre article. Le peu que j’en ai vu lors des bandes annonces m’a purgé et je pense qu’il n’est que l’expression des idées et des fantasmes personnels de Melle Coppola! Rien d’un vrai film historique.

    6 juillet 2006 à 9 h 48 min
  • Landeau Répondre

    Je n’irai ^pas voir ce film. J’ai préféré lire; j’ai donc beaucoup lu sur l’époque, la famille royale, maie-antoinette… Mais la Cour de France n’était pas la France. Oui, c’était un monde clos; oui,Louis XVI n’avait pas que des qualités. Mais l’appareil d’Etat français mis en place au fil des siècles, était le plus moderne du monde depuis Louis le Grand! Notre concurrent était l’Angleterre, surtout dans le domaine de la gouvernance économique et financière. Louis XVI a tenté des réformes, en douceur et avec prudence, à la manière de la dynastie capétienne (la royauté peut se permettre la durée). Certes, il ne fut pas entouré par les hommes de génie qui construisirent l’Etat sous Louis XIV, mais il eut le mérite d’être un roi conscient et consciencieux de son devoir d’accompagner son temps. Il ne fut pas un homme d’action: il ne voyagea pas à l’étranger et ne sortit de l’Ile de France qu’une fois, en 1786 pour inaugurer le nouveau port militaire de Cherbourg. Mais il avait bien d’autres qualités et dans tous les cas il dut se heurter à des obstacles redoutables. Les rois qui construisirent la France n’étaient pas des dictateurs: ils n’avaient pas le pouvoir que possèdent les présidents de la Vème République… Quant à Marie-Antoinette, elle ne mérite en rien l’apitoiement excessif ou l’admiration sans bornes: elle récolta plus qu’elle ne sema…Elle fut étrangère au même titre que la plupart des reines de France… La fin de la Monarchie française demeure une tragédie, au sens strictement grec du terme. Le régime républicain va bien aux Français modernes: ils ne méritent pas mieux et peuvent se regarder leur nombril sectionné depuis 1793 à travers le miroir dont se pare la Gueuse. Louis Landeau ( L’Ami du Roi)

    5 juillet 2006 à 22 h 41 min
  • Le Gnôme Répondre

    Si ce n’est que Louis XVI n’est que le petit-fils de Louis XV et non son fils.

    5 juillet 2006 à 13 h 30 min
  • Guillermo Répondre

    J’ai pas le temps de lire ton article. De toutes façons, je m’attends à ce que tu dises que le film est génial comme y a des Amerloques là-dessous. Ensuite, ayant vu un extrait de ce film, j’ai compris au premier coup d’oeil que c’est un navet absolu à la sauce Hollywodienne, qui travestit à sa guise la réalité, point barre. Marie-Antoinette y est représentée en petite fille romantique et facétieuse. Or tout au contraire, sur bien des points, on doit la comprendre comme une sosie de Mme Giscard d’Estaing, hautaine et totalement déphasée avec le “peuple de France”. La ressemblance s’arrête à leur mari, Marie-Antoinette étant mariée à un brave trouillard qui ne savait quoi faire, tandis qu’Anémone était mariée à un actif prétentieux qui lui passait tous ses caprices sur le dos des Français et qui a orienté le pays droit vers la chute.

    5 juillet 2006 à 9 h 59 min

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