Regards sur l’anthropologie voltairienne

Regards sur l’anthropologie voltairienne

Lu dans la presse (2)
Regards sur l’anthropologie voltairienne

Marcelo Wesfreid le regrette dans L’Express du 28 juillet : malgré toutes les qualités qu’il lui prête, Voltaire n’était pas un bon démocrate. Il concevait même un mépris assez profond du peuple, qu’il disait être « entre l’homme et la bête ». Wesfreid cite une de ses lettres à Etienne Damilaville : « Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants, écrit l’humaniste. Ce n’est pas le manœuvre qu’il faut instruire, c’est le bon bourgeois, c’est l’habitant des villes. » Le journaliste aurait pu y ajouter cette déclaration très « sociale » : « Il est à propos que le peuple soit guidé, et non pas qu’il soit instruit, il n’est pas digne de l’être ».

Car tous les hommes, aux yeux de l’homme de Ferney, sont loin de se valoir. A ce sujet, ses modernes admirateurs sont un peu gênés aux entournures par certains de ses écrits, pas très « politiquement corrects » aujourd’hui. « Depuis quelques années, trois procès sont faits à Voltaire », constate L’Express qui tente de « nuancer fortement » ces accusations.

Premièrement, Voltaire était-il antisémite ?

« Certains passages de Voltaire sont aujourd’hui insoutenables, notamment quand il qualifie les Juifs de "peuple le plus abominable de la terre" », écrit Marcelo Wesfreid, qui tente d’atténuer ces propos : « ces accents antijudaïques ne doivent pas être interprétés comme de l’antisémitisme, écrit le journaliste. A travers ces charges outrancières, il vise en fait la religion catholique, dont le judaïsme est la source historique. » C’est évidemment beaucoup plus acceptable…

On avait cependant connu L’Express plus sourcilleux à l’égard de l’antisémitisme, d’autant que d’autres jugements sur les Juifs, que ne cite pas Wesfreid, sont plus embarrassants encore : « Vous ne trouverez en eux qu’un peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition et à la plus invincible haine pour les peuples qui les tolèrent et les enrichissent. » Ce genre de propos faisait dire au cardinal Lustiger (double fanatique d’origine juive et de religion chrétienne) : « Voltaire n’était pas chrétien et je crois que l’antisémitisme de Hitler relève de l’antisémitisme des Lumières et non d’un antisémitisme chrétien. » Aïe !

Deuxièmement, Voltaire était-il islamophobe ?

Dans une lettre à Frédéric II, par exemple, il décrit Mahomet comme un « Tartuffe les armes à la main » et le Coran comme « un livre inintelligible, qui fait frémir le sens commun à chaque page ». Il ne faut pas trop s’en émouvoir, rassure Wesfreid en citant le « spécialiste » François Bessire : « L’islam n’intéressait personne à l’époque, c’était juste une façon de critiquer la religion catholique par des voies détournées ». Or, contre le catholicisme, aujourd’hui comme hier, tout n’est-il pas permis ?

Troisièmement, Voltaire a-t-il amassé son immense fortune grâce à la traite négrière ?

« En réalité, aucun document ne permet de l’affirmer », argumente Wesfreid embarrassé, en citant Pierre Milza : « Il a fait des affaires avec des négociants, lesquels, de leur côté, ont pu faire du commerce lié à l’esclavage. Mais il n’a jamais été impliqué directement dans la traite négrière. » Certes, il n’a jamais couru le risque de naviguer sur un navire négrier ; il s’est contenté d’investir…

Et pour cause ! Réfutant la Genèse, qui prête à tous les humains une origine commune, il professe que certains sont plus proches de l’animal que d’autres : ainsi, « la race des nègres est une espèce d’hommes différente de la nôtre », écrit-il dans l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations.Cet autre couplet intéressant aura également échappé à Marcelo Wesfreid : « Les albinos sont au-dessous des nègres pour la force du corps et de l’entendement, et la nature les a peut-être placés après les nègres et les Hottentots au-dessus des singes, comme un des degrés qui descendent de l’homme à l’animal. »

Décidément, l’Express a de bien curieuses admirations.


Pierre Menou

(1) Xavier Martin, Voltaire méconnu ; Aspects cachés de l’humanisme des Lumières, ed. DMM, Bouère, 2006

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Voir aussi le dossier de Monde et Vie consacré aux Lumières, n° 828, juin 2010.

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Comments (1)

  • SAS Répondre

    lES NOUVEAUX MAÏTRE DE LA PENSEE EUX MEME AUTO- ERIGES PAR LES LUMIERES ET AUTRES HUMANISTES SONT UN PEU CHAGRINs et contraries……

    …….lorsque ce sont des leurs qui  prononcent des vérités biens senties ou autres evidence……..

    ……VOLTAIRE…..ROUSSEAU…….FERRY

    ca fait desordre et confirme si il est besoin que ce ne sont jamais les mots qui sont sanctionnés en france…MAIS LEUR AUTEURS A L ENDROIT ET AU MOMENT OU IL LES PRONONCENT….exemple jean marie lepen…et peu importe si c’est la vérité ou si il a raison….

    …ca en dit long sur la nature profonde de notre système, sa pertinence son intérêt….et sa fin prématurée

    vive gayssot, vive fabius,lelouche et devedjian……en 1 ou 2 ans de gamelle politique il auront contribués a réecrire l histoire de l homo sapiens gaulois libre et indépendant pour le transformer en un untermenshen asservie et servile qui confond recommandation et prescription…sans honneur et sans avenir.

    sas

    4 août 2010 à 0 h 48 min

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