Tocqueville, l’Occident et l’islamisation démocratique

Tocqueville, l’Occident et l’islamisation démocratique

En Espagne, le bilan du parti socialiste est lamentable : la droite va donc revenir au pouvoir. En France, le bilan de la droite est lamentable ou considéré comme tel : les socialistes vont donc revenir au pouvoir. En Amérique, le bilan d’Obama est lamentable : il a déjà perdu la majorité aux chambres et perdra la présidentielle l’an prochain. Hollande, Rajoy ou le prochain Mister President auront à leur tour des bilans lamentables, et il faudra s’en féliciter ; impavide et infatigable, abreuvé de commentaires, l’électeur bougonnera et votera pour le candidat suivant. Je n’ai pris que ces trois exemples, je peux en prendre dix ou vingt autres, en Italie, en Angleterre, dans tous les pays où ça va mal, c’est-à-dire dans tout l’occident. Ailleurs, cela se passe un peu mieux. Car il est vrai qu’on y est moins démocrate.

Car il n’est plus question, sauf par jeu rétribué, de s’en prendre à la droite ou à la gauche : les personnels politiques sont un peu partout pitoyables, ils proposent tous l’euro, la misère et le reste, et l’on n’y peut mais. Un Cassandre qui refuse de mentir à l’électeur est mal vécu ; et un esprit compétent a raison de filer dans le privé où ses compétences seront vraiment reconnues et estimées, surtout s’il les fait valoir ailleurs, à Dubaï ou Shanghai.

Mais il y a tout de même une fatalité démocratique, non ? Pourquoi tout est-il si nul, sauf son respect (à la démocratie), et pourquoi n’y peut-on élire de personnel capable de changer la donne ?

C’est Tocqueville une fois de plus qui enfonce le clou : Tocqueville que j’adore relire puisque personne ne le lit, et qui annonce la catastrophe occidentale au début des années 1830 (comme Poe, Balzac et pas mal d’autres en vérité). Voici ce qu’il écrit sur cette nullité démocratique des temps à venir (De la démocratie, libre II, ch. 20) :

On dirait, en parcourant les histoires écrites de notre temps, que l’homme ne peut rien, ni sur lui, ni autour de lui. Les historiens de l’Antiquité enseignaient à commander, ceux de nos jours n’apprennent guère qu’à obéir. Dans leurs écrits, l’auteur paraît souvent grand, mais l’humanité est toujours petite.

La démocratie, et ce n’est pas un hasard, progresse avec le fanatisme révolutionnaire, mais aussi avec le machinisme et la révolution industrielle, mais aussi avec la technoscience et le darwinisme qui réduisent à néant la grandeur de l’homme, et même sa plus élémentaire dignité (le citoyen est un bonobo avec des droits et une carte de crédit…). Le grand historien et penseur observe ainsi que l’histoire comme connaissance va décliner, puisque les historiens ne croient plus à l’homme. Tocqueville les voit arriver de loin, nos historiens des « structures et dynamiques » :

Les historiens qui vivent dans les siècles démocratiques n’attribuent presque aucune influence à l’individu sur la destinée de l’espèce, ni aux citoyens sur le sort du peuple. Assez génialement (qui l’eût cru ?), Tocqueville prévoit l’avènement du conspirationnisme. Le conspirationnisme est ce besoin de donner une explication même sotte à un événement incompréhensible : il est ce besoin très humain de chercher des hommes là où tout le monde expert ne voit que des machines et des dynamiques, des processus et des réseaux. Il est lié à une frustration, ce fils naturel de l’histoire assassinée.

Lorsque la trace de l’action des individus sur les nations se perd, il arrive souvent qu’on voit le monde se remuer sans que le moteur se découvre. Comme il devient très difficile d’apercevoir et d’analyser les raisons qui, agissant séparément sur la volonté de chaque citoyen, finissent par produire le mouvement du peuple, on est tenté de croire que ce mouvement n’est pas volontaire et que les sociétés obéissent sans le savoir à une force supérieure qui les domine.

Le refus du libre arbitre et du facteur humain dans la démocratie moderne nous entraîne bien sûr à la catastrophe finale. Tocqueville dénonce l’aveuglement de ces temps de la fin :

Les historiens qui vivent dans les temps démocratiques ne refusent donc pas seulement à quelques citoyens la puissance d’agir sur la destinée du peuple, ils ôtent encore aux peuples eux-mêmes la faculté de modifier leur propre sort, et ils les soumettent soit à une providence inflexible, soit à une sorte de fatalité aveugle.

On dénonce l’islamisation de nos sociétés qui ont choisi avec enthousiasme de se condamner à maure… Mais Tocqueville voit poindre une islamisation des esprits, liée à sa fameuse dictature de la majorité, et plus subtilement que nos islamophobes diplômés :

Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les temps démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles et réduirait les chrétiens que nous sommes en Turcs.

Ne pas comprendre et obéir à l’aveuglement des fakirs qui nous gouvernent ; tel est l’aveuglement des temps de l’islamisation démocratique. Nous verrons l’an prochain si nous pouvons sortir de l’ornière…

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Comments (4)

  • Alain Cavaillé Répondre

    Je suis d’accord avec Alexandra, mais seulement sur le fond.
    Car entre vouloir et pouvoir, l’homme du peuple ne possède plus aucun choix, sinon effectivement celui de regarder en simple spectateur et non plus en acteur.
    L’homme subit le principal des effets pervers de la démocratie actuelle qui aboutit au stade de la non-conscience et de l’impuissance populaires contre la toute-puissance des lobbies et de la haute finance.
    Habitué peu à peu à cette situation, il n’a plus la possibilité, plus l’envie et encore moins le courage de "participer".
    Aujourd’hui l’homme du peuple, à savoir chacun d’entre nous, assiste hébété et impuissant à la désintégration de sa propre culture. Il est de plus en plus privé de ses repères, élaborés non sans mal depuis des siècles.
    La pensée créatrice et le goût de l’action sont laminées par la démocratie moderne capitaliste, tout autant que la démocratie socialiste du XIX°siècle sous d’autres formes, rendant l’homme isolé par une incapacité à se rassembler, voulue et maintenue par les dirigeants lobbyistes, pour ne pas dire maffieux, à adhérer à un projet, une philosophie, un mode de vie, une croyance quelconques.
    A l’inverse, notre démocratie capitaliste et bancaire A PEUR DU PEUPLE.
    Et elle met tout en œuvre pour que ce peuple n’ait plus aucun pouvoir.
    D’ici l’an prochain, les médias entretiendront l’illusion du débat tout en créant de toutes pièces un affrontement qui n’est que virtuel.
    Ainsi pourrons-nous niaisement croire un temps que nous nous préparons à "faire notre devoir de citoyen"

    18 octobre 2011 à 22 h 30 min
  • SMALL BARTHOLDI Répondre

    Oui, l’homme du XIXe siècle était bien plus futé que tous nos commentateurs grassement payés de l’ère télévisuelle.

    Flaubert avait très bien compris que sous les flonflons et les coups de menton du 2nd Empire, gisait Charles Bovary.

    Que Sarkozy accouche de M.Hollande, au fond c’est un scénario que l’auteur de L’Education sentimentale (qui avait déjà remplacé l’éducation des armes, mot résolument honni de nos jours) aurait trouvé savoureux et pas si illogique.

    Pour remonter encore plus loin, Homère, notre papy à tous, avait déjà annoncé le Pays des Lotophages dans lequel se complait l’homme qui a justement renoncé aux armes. Nous en sommes à la troisième, voir quatrième génération de Lotophages triomphants. Tire encore sur le joint, mon pote, ça va passer.

    18 octobre 2011 à 9 h 04 min
  • grepon Répondre

    On peut faire plus simple.  Quelque soit la marque de "gouvernement", dans tout les pays occidental ou presque, il y a trop de gouvernement.   L’ennemi de l’occident est l’etatisme, et sa corrolaire la planification centralisee.   Voila que ca c’est le resultat de formes de gouvernement ou, effectivement, les freins a la croissance du gouvernement ont ete lachee, laissant libre voie a des politiciens du type "free beer party" gagner a chaque fois, hypotequant l’avenir pour acheter un present sympa.  Plusieurs types de relachement sont en vue:  

    Celle des banques centraux "independentes" et leur gouvernements annexes liberee de la realite(pendant un temps) grace au monnaes fiat….    Regardez un peu la croissance de la dette de gouvernements occidental recemment.   Nous ne somme pas en temps de guerre et pourtant les gouvernements depensent comme si les pays sont dans un conflit existentiel de l’ordre de l’ere de WW II.   Solution:  Retour quelque chose ressemblant au "gold standard" (argent qui ne peut pas etre imprimee), et controle sur les capacites des banques et institutions a cree leverage a l’infini(source des boom et busts que les keynesiens etatistes jusqau dernier pretendent aplatir).

    Celle de l’effet "ratchet" de la masse salariale du secteur publique, qui devient plus puissant politiquement sur le temps grace a leur interet commune a voter en bloc pour des partis pro-gouvernement, pro-fonctionnaires-a-vie.    Leur pouvoir a perennisee l’election de leur candidats a eux est formidable.    Deux solutions s’impose.  Qu’on finissent avec la protection demesuree du boulot des fonctionnaires.  Qu’ils apprennent a bosser comme si ils faisaient parti du marche du travail comme tout le monde, avec les exigences et aleas qui vont avec.   En plus, il faut interdire les effets les plus nefastes de la syndicalisation dans le secteur public.

    Celle du type redistributioniste, qui permet par moyens democratiques de voler, par force d’armes et systeme de taules etc, quantites demesurees du produit du travail de certain citoyens pour ACHETER LES VOTES d’autres qui ne contribuent pas autant.   Les moyens de le faire sont plusieurs.   On pourrait par exemple Constitutionellement interdire de prendre plus que X% de n’importe qui, de limiter les depenses du gouvernement central a disons 20 ou 15% du PIB hors temps de guerre, et bien sur interdire impots negatifs de tous types, ou individus recoivent du gouvernement central au lieu de donner.    Eh oui.    C’est l’achat de votes, ca, par l’etat administrative.    Il faut absolumment forcer le citoyen d’etre responsable de lui meme et engage de facon responsable avec son vote.

    17 octobre 2011 à 13 h 36 min
  • Alexandra Répondre

    C’est tout simple : il suffit de se souvenir de la France de 1995 de bien ouvrir les yeux sur la France d’aujourd’hui et on peut imaginez sans le moindre effort la France de demain. “Substitution d’une culture par une autre culture” (livre bourré de vérités qui dérangent “les corps indécents”) Apprenons d’ores et déjà à renoncer à notre belle culture française amenée à disparaitre si rien ne change. Les français en ont-ils vraiment conscience ?

    17 octobre 2011 à 12 h 34 min

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