À y perdre son malien

À y perdre son malien

M. Philippe Hartemann nous communique ce texte réjouissant, adressé au ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Driant par Christophe Labarde, journaliste :

 Objet : bidouillage africain… futur cafouillage français? Du style : « Mon père est maire de Mamers et mon frère est masseur ».

 « Monsieur le Ministre,

 En ces temps troublés de guerre sur le front extérieur (contre le djihad au Mali) mais aussi sur le front intérieur (contre le mariage en France), alors que notre pays se prépare, d’un côté, à former une armée malienne forcément exemplaire et, de l’autre, à renoncer aux concepts de « père » et de « mère » forcément rétrogrades, je me permets d’attirer votre attention sur un carambolage imprévu entre ces deux événements et sur ses conséquences potentielles.

Bien avant qu’il ne circule largement sur internet, figurez-vous que je tiens le texte suivant d’un jeune… Malien !

Ce jeune garçon, rencontré au début des années 90 à l’occasion d’un reportage dans la brousse sénégalaise sur les à-côtés peu glorieux du Paris-Dakar, était venu un matin frapper à ma tente (si j’ose dire…) pour me demander conseil.

Il voulait échapper à l‘armée de son pays et avait donc recopié une lettre à l’attention de votre homologue malien.

Ce texte savoureux était visiblement déjà connu en Afrique et ce jeune illettré, un peu timide, un peu perdu, en possédait une mauvaise photocopie ! Je me souviens de l’avoir recopié à mon tour et de l’avoir conservé précieusement dans mes archives personnelles, loin de me douter, à l’époque, que la situation de mon propre pays ajouterait, un jour, au comique de ces lignes, non seulement un peu d’actualité mais aussi beaucoup de pertinence.

C’est donc bien volontiers que je le livre aujourd’hui à votre réflexion, ne doutant pas qu’il alimentera de nombreux débats d’experts au sein de vos services, juridiques notamment, sur le thème : « Des conséquences imprévues de la recomposition (ou de la décomposition, c’est comme on voudra…) des familles modernes sur la prospective militaire ».

La notion de filiation, au cœur des polémiques actuelles, y est en effet largement développée, y compris sous ses angles les plus inattendus.

Voici ce fameux texte :

 

« Monsieur le ministre de la Défense nationale,

permettez-moi de prendre la respectueuse liberté de vous exposer ce qui suit, et de solliciter de votre bienveillance l’appui nécessaire pour obtenir une démobilisation rapide.

Je suis sursitaire, âgé de 24 ans, et je suis marié à une veuve de 44 ans, laquelle a une fille qui en a 25.

Mon père a épousé cette fille. À cette heure, mon père est donc devenu mon gendre, puisqu’il a épousé ma belle-fille. De ce fait, ma belle-fille est devenue ma belle-mère, puisqu’elle est la femme de mon père.

Ma femme et moi avons eu la joie de donner naissance à un fils en janvier dernier.

Cet enfant est donc devenu le frère de la femme de mon père, donc le beau-frère de mon père et, en conséquence, mon oncle, puisqu’il est le frère de ma belle-mère. Mon fils est donc mon oncle.

Autre bonne nouvelle : la femme de mon père a eu, à Noël dernier, un garçon qui est donc à la fois mon frère (puisqu’il est le fils de mon père) et mon petit-fils (puisqu’il est le fils de la fille de ma femme).

Je suis ainsi le frère de mon petit-fils. Et comme le mari de la mère d’une personne est le père de celle-ci, il s’avère que je suis à la fois le père de ma femme, et le frère de mon fils. Je suis donc mon propre grand-père.

De ce fait, Monsieur le Ministre, ayez l’obligeance de bien vouloir me renvoyer dans mes foyers : la loi interdit en effet que le père, le fils et le petit-fils soient mobilisés en même temps. »

 À la lumière de l’actualité récente, je reste pour ma part curieux des commentaires que vous inspirera ce texte formidable recopié en plein désert, dans un campement de fortune, un beau jour de 1992…

Dans la tente (!), je vous prie de croire, Monsieur le ministre, à l’expression de mes meilleurs sentiments. »

Christophe Labarde, le 29 janvier 2013

 

Christophe Labarde est journaliste, réalisateur et consultant. Son parcours se partage entre journalisme, communication, politique et formation. Diplômé d’HEC, il poursuit avec passion un tour du monde « multimédia » qui l’a amené à visiter plus de 50 pays à ce jour.

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Comments (12)

  • Richa83 Répondre

    Lettre qui circule depuis de nombreuses années….chez nous.

    25 février 2013 à 0 h 26 min
  • paripassus Répondre

    Drôle, en effet, mais vieille comme le monde… Mon grand-père, né en 1895, l’avait déjà dans “sa manche” tout comme l’histoire du fiancé allant acheter des mouchoirs pour l’élue de son coeur, auxquels il joignait un courrier timide et ému, et la vendeuse se trompant faisait parvenir à la belle un paquet de culottes, avec la lettre bien sûr…
    Bien que ce texte soit adapté au contexte de la France d’aujourd’hui, néanmoins, il n’est rien d’autre qu’une plaisanterie circulant sans doute à l’époque de la Grande Guerre.
    C’est donc une supercherie de circonstance.

    24 février 2013 à 14 h 23 min
  • SYBARITE HECTOR Répondre

    Ce texte résume toutes les difficultés que rencontre l’Afrique à se constituer en pays développé.
    Sans Etat Civil précis, aucune possibilité de constituer un patimoine et donc une semence de développement.

    22 février 2013 à 11 h 06 min
  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Trois personnes en une seule c’est trop fort, c’est donc la trinité. Combien de cartes de séjour faudra-t’il délivrer à ce Malien quand il viendra en France.

    22 février 2013 à 11 h 05 min
  • LABEYRIE Répondre

    Non, les conséquences du “mariage pour tous” seront bien pire car si dans cette lettre jubilatoire – il faut le reconnaître – la filiation, bien que tirée par les cheveux reste “traçable”, il n’y aura que l’Inconnu pour les futurs pauvres gosses fabriqués comme des jouets. Pas de “traçabilité” , juste le néant.

    22 février 2013 à 10 h 48 min
  • Diet Répondre

    J’avoue ne pas comprendre pourquoi il est le père de sa femme.

    22 février 2013 à 10 h 47 min
  • obachiwa Répondre

    Tragi-comique. Mais j’ai bien peur qu’on fasse encore pire avec le “mariage pour tous” parce que dans cette histoire, on a une logique qui decoule de filiations connues, ce qui ne sera probablement plus le cas avec la GPA et la PMA.

    22 février 2013 à 1 h 47 min
    • IOSA Répondre

      Ben c’est facile pourtant…
      GPA c’est pour les papas
      PMA c’est pour les mamans
      Suffit de regarder les deux dernières lettres pour savoir de quel sexe est le couple.

      J’espère que comme pour les anciens couples hétéros non mariés avec des enfants, qui disposaient d’un livret familial différent de ceux qui sont mariés ( je parle toujours des hétéros), les couples homos , ceux qui arrivent sous la couverture du mou 1er, ils auront aussi cette mention sur le livret familial……GPA a PMA.

      Parce que a vouloir les mêmes droits que les autres, il faut aussi prendre les inconvenients.

      IOSA

      23 février 2013 à 0 h 34 min
  • zittvogel Répondre

    formidable……et aussi et enfin la démonstration informelle mais combien formelle quand à tous ces petits enfants qui viendront trrreeess prrrochainement prrrofitter en frrrrance de notre système éducatif!! nos largesses n’ont d’égales que la petitesse de ns richesses futurrree!!! micieu le drrrriannn veuillez parrr la meme recevoir mes petits enfants dans vottrrree beau pays ,la dit donc!!isl viendront la meme freiner,par leur savoir,le savoir de vos enfants…bien a vous micieu drrrian

    21 février 2013 à 20 h 00 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    trop drôle

    21 février 2013 à 19 h 27 min
  • de prevoisin Répondre

    très réjouissant.
    On se prépare en France à ce type d’imbroglio avec le mariage pour tous.
    Et cela ne me fait pas rire

    21 février 2013 à 18 h 10 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      cela fera la joie ( et du travail ) pour les avocats de la famille !

      23 février 2013 à 14 h 58 min

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