Accord de Bruxelles : une bombe à retardement

Accord de Bruxelles : une bombe à retardement

Après des nuits et des jours d’affrontements, un accord entre les 27 membres de l’Union européenne est arrivé au forceps le 21 juillet.

Soulagé à l’évidence, Emmanuel Macron crie victoire et essaie de présenter cet accord comme une étape historique de l’évolution fédérale de l’Union européenne.

Les caractéristiques de ce fameux accord sont simples. 750 milliards d’euros doivent être injectés dans l’économie des États membres : 390 milliards de subventions et 360 milliards de prêts remboursables.

À ce titre, les 750 milliards seront empruntés par l’Union européenne sur les marchés. Cet emprunt serait la première marche d’une mutualisation de la dette par l’Europe.

Cela mérite une analyse point par point.

1) L’UE a-t-elle le droit d’emprunter sur les marchés ? Rien n’est moins certain.

L’UE a des ressources propres définies et les emprunts n’y figurent pas ; la Commission l’a elle-même rappelé lors de la présentation de son projet de budget 2020.

Il n’est pas impossible que des actions judiciaires soient introduites devant des juridictions nationales constitutionnelles comme la Cour de Karlsruhe. À suivre.

2) Il existe un silence singulier sur la garantie des États apportée à cet emprunt.

Or elle existe, ce qui signifie que les États membres seront appelés en garantie dans le cas où un État membre est défaillant.

3) Il est prévu que la France reçoive 40 milliards d’euros de subventions. Mais quand ? Mystère. De plus, si la France reçoit dans plusieurs mois 40 milliards d’euros, une fois qu’elle aura expliqué à la Commission ses réformes, elle continuera à abonder le budget de l’UE à hauteur de 17 %, soit 66,3 milliards pour financer les subventions. Belle opération !

4) Selon Thierry Breton, les subventions seront ancrées dans les semestres européens. Cela signifie qu’à chaque versement, l’État qui peut bénéficier de ces subventions devra s’expliquer sur ses réformes. Bonjour les tensions !

5) Toujours selon Thierry Breton, les États n’auront pas à rembourser cet emprunt de 750 milliards qui le sera par de nouvelles ressources propres : une taxe carbone aux frontières de l’UE et une taxe numérique.

C’est à mourir de rire. M. Breton tire des plans sur la comète. Personne ne peut prédire que ces taxes existeront un jour, elles sont plus qu’hypothétiques et suscitent des oppositions rédhibitoires des États, notamment de l’Irlande qui préside l’Eurogroupe et de l’Allemagne qui redoute de mettre en péril ses exportations de voitures.

6) Le ministre Bruno Le Maire a émis la proposition que l’UE devait désormais prendre ses décisions à la majorité. Bravo pour l’amateurisme, la boîte de Pandore est ouverte !

C’est sans nul doute la meilleure proposition pour défendre les intérêts de la France et notamment la Politique Agricole Commune (PAC) qui suscite l’euphorie de nos chers partenaires qui ne rêvent que de la dézinguer ! 7) Les pays dits « frugaux », pour avaliser cet accord « historique », ont obtenu, ainsi que l’Allemagne (!), l’augmentation de leurs rabais budgétaires qui passent de 47 à 54 milliards d’euros. C’est un comble !

8) Cet accord est le produit de l’idéologie fédérale d’Emmanuel Macron. Il a tout lâché pour l’obtenir. C’est une fuite en avant ! Il est en effet illusoire de croire qu’il constitue le commencement d’un budget fédéral pour l’euro, ce n’est pas sérieux.

Il ne constitue pas un outil crédible, pire il va diviser les États européens dans des discussions sans fin sur les conditions de remboursement des prêts et les modalités d’utilisation des subventions.

9) Oui à la solidarité, mais un accord entre États pour lever un emprunt et aider les pays en difficulté aurait été plus rapide et efficace qu’une mutualisation de la dette.

Mieux encore, le rétablissement des avances des banques centrales aux États pour investir serait immédiat. Il est certes contraire au traité de Maastricht, mais il a fait ses preuves économiques !

10) La leçon de ce marathon bruxellois est très simple : Macron l’idéologue voulait donner l’illusion de créer une dette mutualisée, fédérale. En réalité, il a obtenu la mise en place d’une bombe à retardement, cet accord réserve de nombreuses surprises, et va créer de nombreuses tensions entre les pays membres de l’UE.

Prétendre que c’est la matrice d’une Europe nouvelle révèle naïveté ou plutôt volonté de manipulation !

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Comments (6)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    voilà la seule Réalité du Monde : …

    le Monde est surpeuplé de … bouches … inutiles et, chaque jour, les financiers créent de nouveaux ” besoins ” pour leur seul ” profit “

    22 août 2020 à 12 h 25 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    que vous disais je !

    Pénalisée par la politique des taux bas de la B.C.E. la Banque d’ Irlande ( banque privée ) estimant qu’ il n’ est plus viable de détenir des fonds aussi importants sans frais ponctionnera dès septembre prochain les dépôts d’ épargne retraite

    ” les prudents qui se sont donnés la peine de pourvoir à leur retraite se trouvent [ donc ] punis ” écrit ” the independant ” ( tendance libérale )

    15 août 2020 à 8 h 48 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    l’ analyse de Monsieur Myard est excellent et complète

    que pense t on chez les Républicains de ce coup de génie politique et financier qui sera suivi inéluctablement d’ une nouvelle pression fiscale soit par l’ U.E. soit par les Etats ?

    à ce sujet on aimerait entendre Eric Woerth , plutôt que les plates déclarations politico-politicienne d’ un Christian Jacob ; je pense que cela doit le démanger mais que ce n’ est surtout pas une priorité nationale pour un … Media chantre du fédéralisme, cette ” noble ” idée , cette noble cause européenne

    ” Le Figaro ” ” Valeurs Actuelles ” ” Le Point ” et ” L.C.I. ” devraient eux aussi ouvrir le dossier pour informer le … citoyen – contribuable français

    avec les nuls de LaRem du MoDem et de beaucoup encore de socialistes, notre seul espoir ne réside plus maintenant que dans la Cour Constitutionnelle Allemande

    11 août 2020 à 15 h 33 min
  • ELEVENTH Répondre

    Dans cette partie de poker menteur, les Hollandais, en très bons commerçants qu’ils ont toujours été, se sont arrangés pour donner l’impression de participer à la solidarité européenne….. tout en combinant pour qu’au final leur contribution globale au budget de l’E.U. reste la même.
    Nous, ou plutot les pignoufs archi-titrés qui nous représentent, avons réalisé une belle performance : nous passons à la caisse pour trois fois plus que ce que nous pouvons espérer recevoir. Et en prime, nous serons garants des emprunts des autres.
    La France est devenue un guichet pour le monde entier : cela pour complaire à jupiter.
    On dirait la p…n respectueuse qui va remettre la comptée à ses macs et qui ne s’en lasse jamais.
    LA SEULE CHOSE QUI ARRIVE A LA CHEVILLE DE MACRON C’EST SA CHAUSSETTE (plagiat assumé)

    11 août 2020 à 0 h 25 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      ” ils ” ne mentent pas, c’ est seulement que ce sont toujours les mêmes gogos, les Français, dirigeants comme électeurs, qui croient aux miracles qui vous sauvent sans que vous ayez à faire le moindre effort ( le R.N. ne se distingue pas des autres avec son populisme )

      12 août 2020 à 9 h 33 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    le pire à venir c’ est que comme à leur habitude les gouvernements français ” investiront ” la … manne ” européenne ” dans des frais de fonctionnements administratifs, dans le poudrage pour une ” paix ” sociale et inter-ethnique et le crémage esthétique des canards boiteux

    la politique financière et économique des gouvernements français ?

    un tonneau des Danaïdes

    8 août 2020 à 8 h 29 min

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