Au Pakistan, la guerre civile a commencé

Au Pakistan, la guerre civile a commencé

Samedi, le général-président pakistanais Pervez Musharraf a renversé la table à jeu en proclamant l’état d’urgence : Constitution suspendue, médias censurés, 500 opposants arrêtés. Toutefois, le gouvernement, le Parlement et les assemblées provinciales continueront de fonctionner.
Iftikhar Chaudhry, président de la Cour suprême et figure emblématique de l’opposition a été révoqué.

Pour justifier son action, Musharraf a évoqué la paralysie du gouvernement par les « ingérences du pouvoir judiciaire ». Ces jours-ci, la Cour suprême devait statuer sur la réélection, le 6 octobre, au suffrage indirect, de Musharraf à la présidentielle, à la suite d’un recours contestant sa double casquette de chef de l’État et des armées. Musharraf a pris les devants, dénouant le conflit qui l’opposait, depuis mars, au juge Chaudhry appuyé par les classes moyennes multipliant les manifestations de rue.

Étape importante vers la démocratie, les législatives, initialement prévues en janvier, sont reportées sine die. L’état d’urgence brise le rêve d’un Pakistan démocratique. Il annule les accords passés avec Washington et Londres : le général Musharraf deviendrait un président civil après avoir renoncé à son mandat de chef des armées, et il confierait la direction du gouvernement à l’ex-Premier ministre Benazir Bhutto. Celle-ci l’a accusé d’avoir imposé une « mini-loi martiale ».

Musharraf a également justifié l’état d’urgence par la montée de l’extrémisme islamiste. Celle-ci s’est accélérée depuis l’assaut meurtrier, en juillet, des forces de sécurité contre la Mosquée Rouge d’Islamabad devenue un repaire de fanatiques. Cet évènement a lancé la guerre civile. Depuis, une vague sans précédent de violences s’est abattue sur le pays : une vingtaine d’attentats suicide, ayant tué 420 personnes, perpétrés par des islamistes ou attribués à cette mouvance radicale. Le 18 octobre, le pire attentat suicide de l’histoire du Pakistan frappa Karachi, tuant 139 personnes. Benazir Bhutto était visée, le jour de son retour d’exil. En outre, l’armée pakistanaise se bat contre des islamistes proches des talibans et d’Al-Qaïda régnant sur les zones tribales frontalières avec l’Afghanistan. Ces fondamentalistes rayonnent sur d’autres provinces pakistanaises. Depuis deux semaines, l’armée les affronte dans une région naguère touristique du nord-ouest. Les islamistes montent à l’assaut du pouvoir au Pakistan qui représente un enjeu stratégique majeur, avec ses 160 millions de musulmans et, surtout, son arsenal nucléaire.

Considérant Musharraf comme son allié dans la lutte contre Al Qaida et les Talibans au Pakistan et dans l’Afghanistan voisin, mais l’ayant prévenu contre la tentation totalitaire, Washington est en colère. Condoleezza Rice a qualifié l’état d’urgence de « hautement regrettable ». Musharraf passe outre, refusant d’être sacrifié sur l’autel de la démocratie. L’on voit mal la jolie Benazir Bhutto, destituée de son poste de Premier ministre il y a presque une décennie pour des affaires de corruption, incarner la résistance au fanatisme islamiste. Celui-ci a le vent en poupe, bien que le pays connaisse depuis plusieurs années un boom économique avec une croissance estimée à 6 % pour 2007. Un retournement de la conjoncture économique mondiale transformerait la progression islamiste en raz-de-marée.

Bien qu’infiltrée par les islamistes, l’armée reconduit Musharraf dans ses fonctions de général-président en lui autorisant l’état d’urgence, qui empêche la cour suprême d’invalider sa réélection. Mais, quoique homme à poigne, Musharraf mène un combat perdu d’avance, face aux islamistes qui étendent leur emprise sur les quartiers populaires. Ils s’appuient sur un maillage serré de madrasas (écoles coraniques) pour éduquer les enfants du peuple selon les préceptes d’un islamisme radical. Qazi Hussein Ahmed, qui dirige une alliance de partis islamistes de l’opposition, a appelé à des manifestations pour faire tomber « le dictateur militaire ».

Les orages de la guerre grondent des frontières de l’Inde à celle de l’Europe. Le Pakistan démarre une guerre civile. En Afghanistan, les talibans marquent des points contre les armées occidentales. La guerre menace à la frontière turque : Ankara brûle d’envahir le Kurdistan irakien, relativement paisible, pour s’y emparer du pétrole au prétexte d’en débusquer le mouvement indépendantiste kurde PKK. Le passage à l’acte embarrasserait les tenants européens de l’intégration de la Turquie à l’UE… Un bombardement américain de l’Iran, qui refuse toute concession sur le nucléaire, se prépare : il produira une forte onde de choc.

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Comments (6)

  • jacques Répondre

    Pour J-C qui écrit:

    "La sagesse voulant que les OCCIDENTAUX, à commencer par les AMERICAINS, décident de laisser les pays "musulman" (y compris la TURQUIE) vivre leur vie et de consacrer TOUS LEURS MOYENS à éradiquer la présence de l’islam conquérant sur leur propre territoire. Selon l’adage, pour vivre en paix, vivons chacun chez soi sans nous mêler des affaires des autres, et sans mpeler les autres à nos querelles ou à nos problèmes."

    Je partage entièrement vos sages propos à ce sujet

    13 novembre 2007 à 8 h 17 min
  • Jean-Claude THIALET Répondre

    11/11/07    – "Les 4-Vérités" –

    Même si Artur du PLESSIS LAURENT ne le dit pas clairement, il est à craindre qu’une fois de plus les Américains ne se soient fourvoyés en donnant leur soutien, non pas à Pervez MUSHARRAF qui est au Pakistan ce que ce pays mérite assurément de moins mal, mais en considérant comme un allié un pays musulman, sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Comme naguère, il l’avaient fait en AFGHANISTAN (où, manifestement, depuis que les  Taliban en ont prétendûment été chassés, la situation ne fait qu’empirer) pour lutter contre le communisme soviétique.

    Et les conseillers et autres experts de George W. BUSH qui ont décidé un président en fin de course à instiller une dose de "démocratie" en imposant à son protégé MUSHARRAF d’accueillir la "jolie" (dixit Plessis Laurent) et controversée(1) Benazir BHUTTO, viennent une fois de plus de jouer aux apprentis sorciers en agitant ce chiffon que je n’ose qualifier de .. rouge devant les Istamistes qui ne font que gagner du terrain dans un pays qui est devenu le sanctuaire des Taliban.. Ainsi, la situation au PAKISTAN – déjà lourde de menaces et d’attentats – vient soudainement d’exploser et de se durcir, après une élection controversée, et avant une autre qui le sera tout autant, avec le retour controversé tant par les Islamistes que par le président au Pouvoir, d’une femme qui se voit déjà dans la peau d’une Présidente sous le prétexte qu’elle a l’onction "démocrate" des huiles saintes américaines. On le sait, le mot "DEMOCRATIE" est antinomique de l’Islam. Mais qui s’en soucie à WASHINGTON ? La sagesse voulant que les OCCIDENTAUX, à commencer par les AMERICAINS, décident de laisser les pays "musulman" (y compris la TURQUIE) vivre leur vie et de consacrer TOUS LEURS MOYENS à éradiquer la présence de l’islam conquérant sur leur propre territoire. Selon l’adage, pour vivre en paix, vivons chacun chez soi sans nous mêler des affaires des autres, et sans mpeler les autres à nos querelles ou à nos problèmes. Est-ce trop demander aux hérault de la démocratie pour tous les peuples et à ceuc de la chari’a pour tous ? 

           Cordialement, Jean-Claude THIALET 

    (1) c’est fou ce que les "démocrates" sont "mouillés" dans les "affaires". "B.B" n’y a pas échappé, même si elle a échappé à la potence qui l’a privée de son "démocrate" de père. Je crains par contre que, après l’attentat auquel elle a eu la chance d’échapper, elle ne risque d’être finalement victime d’islamistes agissant pour leur propre compte ou pour un autre compte, ou pour les deux ! Sa disparition risquant de jeter le PAKISTAN dans le chaos. Après le chaos irakien, le chaos afghan, pourquoi pas un troisième chaos ? La question étant de savoir si celui-ci s’installera d’abord au PAKISTAN ou en IRAN ?

    11 novembre 2007 à 18 h 31 min
  • Luc SEMBOUR Répondre

    Le peuple américain est majoritairement favorable à ce que l’on empèche par la force l’Iran d’avoir sa bombe atomique. Bush et Cheney agitent en permanence et avec conviction la possibilité d’une intervention militaire décisive des USA pour ce faire, lancée et pilotée par eux. Ils restent soigneusement dans le vague cependant.

    Ils n’ont toujours rien fait alors qu’il est clair que rien n’arrêtera la course à la bombe en Iran et que les USA ne peuvent pas décemment tolérer qu’il y parvienne s’ils veulent conserver la crédibilité américaine globale.

    Cette crédibilité est l’infiniment précieuse clé de voute du fantastique "et dernier cri" arsenal nucléaire US dont le seul intérêt est de ne jamais servir mais d’être la caution indiscutable de cette crédibilité.

    Le peuple américain est majoritairement favorable à ce que l’on empêche par la force l’Iran d’avoir sa bombe atomique (52% paraît-il). Bush et Cheney agitent en permanence et avec conviction la possibilité d’une intervention militaire décisive des USA pour ce faire, lancée et pilotée par eux. Ils restent soigneusement dans le vague…

    Ils n’ont toujours rien fait alors qu’il est clair que rien n’arrêtera la course à la bombe en Iran et que les USA ne peuvent pas décemment tolérer qu’il y parvienne, s’ils veulent conserver la crédibilité américaine globale.

    Cette crédibilité est l’infiniment précieuse clé de voute du fantastique "et dernier cri" arsenal nucléaire US dont le seul intérêt est de ne jamais servir mais d’être la caution indiscutable de cette crédibilité.

    Les démocrates craignent énormément que Bush NE fasse RIEN et leur refile le bébé, car alors la question de l’attaque de l’Iran empoisonnera leur campagne électorale l’an prochain. Ils craignent d’avoir à choisir entre promettre d’attaquer Ahmadinejad ou perdre les élections. 

    Après 20 ans de présence au Moyen Orient, je pense que quelque chose va lâcher dans les équilibres instables régissant tout, de la Turquie au Pakistan. Le Pakistan est de loin la plus peuplée des puissances islamiques régionales (160M). Ils ont plus d’habitants que tous les pays arabes du M.O. réunis.

    Les pakistanais ont une force nucléaire. Le peuple pakistanais est rude et fier et les pakistanais sont reconnus à l’extérieur de leur pays pour tenir avec succès les emplois où il faut une grande force physique et une forte résistance à la fatigue. La police abu dhabienne a toujours considéré les pakistanais comme le groupe ethnique leur donnant le plus de soucis au sein de leur population immigrée de travailleurs étrangers et la composition de la population carcérale des Emirats est disproportionnellement pakistanaise vis-à-vis de la composition de la population immigrée libre.

    Tout est possible au Pakistan, même le pire.

    11 novembre 2007 à 1 h 31 min
  • Gérard Pierre Répondre
       Je ne peux m’empêcher, dans les circonstances présentes, de repenser à 1979 et aux papiers que je lisais alors dans la presse francophone à propos du comportement « dictatorial » du Shah d’Iran, du déficit de démocratie ressenti dans ce pays par un peuple que l’on nous décrivait comme saturé de modernisme aux fruits mal répartis. Comme d’habitude, nos zélites analysaient les évènements avec leur grille de lecture franco française, modèle 1789 revu et corrigé façon mai 1968, donc la plus intelligente et la plus universelle puisque c’était celle de la civilisation des lumières ! …………… nous avons pu voir ! …… que ce n’était pas clair.
     
       Nous connaissons, depuis, la triste suite de l’histoire. Les zélites de l’époque n’aiment guère qu’on leur remémore leurs propos et leurs écrits d’alors. Elles préfèrent réutiliser leurs élucubrations démocrato philosophico géopolitiques en faisant un copié collé qu’elles appliquent indifféremment à l’Algérie ( Bouteflika … et sa paix des braves. Nous voyons ce que ça donne !), à la Turquie (Erdogan, islamiste … modéré ! ! ! … très modérément modéré.) , à l’Irak (Saddam Hussein, chef d’état … laïque, … sauf au moment de mourir), etc. Aujourd’hui, le général président Pervez Musharraf a droit au même traitement. J’ignore qui est réellement Iftikhar Chaudhry, que l’on s’accorde à nous présenter comme un homme intègre (pourquoi pas d’ailleurs, ne sombrons pas dans le procès d’intention) dans un pays de plus en plus acquis aux thèses islamistes. Que pèse l’intégrité d’un idéaliste fragile, donc potentiellement dangereux pour l’équilibre des forces, dans un tel environnement ?
     
       Occidentaux, gardons nous de jouer une fois de plus avec le feu en nous mêlant encore de donner des leçons à des responsables politiques étrangers dont les règles du jeu n’ont rien de commun avec celles qui amusent notre microcosme florentin. N’oublions pas un détail qui ne figurait ni dans le schéma iranien, ni dans le cas algérien, ni dans le Kriegspiel irakien, ni dans la situation turque : ils ont la bombe atomique ! …… et celui dont le doigt n’a pas appuyé sur le bouton jusqu’à présent, …….. nous  connaissons au moins son nom.
    9 novembre 2007 à 16 h 17 min
  • JP LAURENT Répondre

    "6 novembre 2007 – Aujourd’hui, comme annoncé, le démocrate de l’Ohio, Dennis Kucinich, membre de la chambre des représentants, a introduit une résolution prioritaire pour la destitution du vice-président américain Richard B Cheney dans l’enceinte du Congrès. Et ceci, contre l’avis de la Présidente de la chambre et supposée plus haute autorité des démocrates, Nancy Pelosi, mais avec l’assentiment des responsables républicains.

    Kucinich a expliqué qu’il avait décidé d’introduire cette résolution maintenant, en raison du danger que représente Cheney, qui après avoir conduit les États-Unis en Irak sur des mensonges, utilise maintenant des mensonges similaires pour justifier une attaque préventive contre l’Iran. De plus, il accuse Cheney de violer la constitution américaine en promouvant une attaque contre l’Iran, alors que ce pays ne constitue aucune menace réelle.

    7 novembre 2007 – Avec l’introduction de la résolution de Kucinich sur la destitution de Cheney dans le comité judiciaire de la chambre des représentants, ceci, en balayant les barrages et l’autorité de Nancy Pelosi, les priorités des démocrates ont changé. Maintenant on parle de destitution comme d’une question fondamentale."

    Monsieur Du Plessis, ne pensez-vous pas que si la destitution de Cheney devient effective, cela peut changer la donne et empêcher Bush de lancer cette attaque que vous annoncez depuis longtemps maintenant..?

     

    Merci.

    8 novembre 2007 à 18 h 02 min
  • Florin Répondre

    Bon, on ne va tout de même pas pleurer le manque de "démocratie" au Pakistan !!! Ce qui compte, aux yeux de la planète toute entière, c’est de savoir les barbus en cage et non pas aux commandes d’un Etat nucléaire. Si le prix à payer est l’écrasement de quelques "démocrates" plus ou moins barbus, plus ou moins islamistes, plus ou moins fanatiques, alors soit ! On ne fait d’omelette sans casser quelques sales gueules, parfois.

    7 novembre 2007 à 18 h 48 min

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