Chirac et Ben Laden

Chirac et Ben Laden

Oussama Ben Laden, du fond de sa cachette, a fait savoir que les États européens qui s’abstiendraient d’agresser des pays musulmans n’auraient pas à craindre d’attentats terroristes de la part d’Al Qaïda. Jacques Chirac s’est aussitôt précipité sur les micros pour tonitruer qu’il était hors de question de négocier et de pactiser avec les terroristes. J’en suis resté pantois.

Certes, je n’ignore pas que défoncer à grand bruit des portes ouvertes fait partie du jeu politicien, mais là, je trouve que notre président a lancé le bouchon de l’autre côté de la rivière. Qui a parlé de négocier ? Ben Laden a-t-il proposé aux Européens des tractations autour d’un pacte de non-agression ? Ce n’est pas ce que j’ai entendu. Il a fait une simple déclaration d’intention unilatérale, comme il en fait périodiquement pour occuper le terrain médiatique, et Jacques Chirac n’a fait que lui donner du lustre.

Cette déclaration de Ben Laden ne faisait d’ailleurs que confirmer un état de fait, car personne ne croit sérieusement que la France ou l’Allemagne risquent actuellement des attentats émanant d’Al Qaïda, qui réserve ses coups à l’Espagne, l’Italie et la Grande-Bretagne, parce que leurs gouvernants ont suivi George W. Bush. Les islamistes n’auraient aucun intérêt à ne pas faire de différence, et qu’ils le proclament ostensiblement ne change rien à l’affaire.

C’est pourquoi je me perds en conjectures sur ce qui a pu motiver le fougueux discours de Jacques Chirac, qui m’a semblé d’une inutilité absolue. À moins qu’il ait voulu faire plaisir au président Bush, en espérant favoriser ainsi la participation des entreprises françaises à la reconstruction de l’Irak, dont elles ont été jusqu’alors écartées. Pour l’heure, et à ma connaissance, les autres pays européens n’ont pas cru devoir réagir à la déclaration de Ben Laden, ce qui est la sagesse même. Car il eut été préférable que ce message tombe complètement à plat et ne reçoive aucun écho de quiconque.

La France, force de paix

Nul n’ignore que depuis la fin de la guerre d’Algérie, la politique étrangère de la France n’a pas varié, quels que soient les présidents et les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir. Elle consiste depuis quarante ans à entretenir avec les pays arabes des relations aussi amicales que possible. Quelques esprits simplistes n’ont pas manqué d’y voir une complaisance excessive, voire même la marque d’une certaine veulerie. Il est toujours facile de chercher des motifs mesquins aux intentions politiques que l’on désapprouve ou que l’on ne comprend pas. Mais quant à moi je considère que cette attitude se révélera de plus en plus profitable au monde entier, y compris aux Américains et même aux Israéliens, quoi qu’ils puissent en penser actuellement. Car enfin, ouvrons les yeux sur l’avenir du monde : la troisième guerre mondiale se prépare sous nos yeux (certains disent même qu’elle a commencé le 11 septembre 2001), et comme rien n’arrête le « progrès », si elle éclate pour de bon, elle sera totalement terrifiante et les souffrances de l’humanité entière seront sans précédent, ainsi que la pollution aggravée de la planète. Pour lors, ce n’est encore qu’une guerre « tiède » (et c’est pourquoi il était irresponsable à l’extrême d’aller caracoler en Irak, alors que l’innocence des Irakiens dans les attentats du 11 septembre était d’une évidence criante).

Mais si l’affrontement Islam/Occident s’envenime de plus en plus, la France sera le pays le mieux placé au monde pour éviter la conflagration générale, car sa diplomatie aura su conserver l’oreille de tous les belligérants potentiels.

Toutefois, pour être crédible aux yeux de toutes les parties, on ne doit pas se départir de la plus grande équité. Or, après l’exécution à la roquette par l’armée israélienne de l’un des fondateurs du Hamas, Ahmad Yassine, puis de son successeur à la tête de ce mouvement, Abdelaziz al-Rantissi, la France et l’Union européenne, ainsi que le Vatican, ont cru devoir condamner ce qu’ils ont appelé des « assassinats ». George W. Bush, pour sa part, a refusé de le faire et a déclaré qu’Israël avait le droit de se défendre contre les groupes terroristes. Eh bien, pour une fois, je suis totalement d’accord avec Bush et pas du tout avec Chirac.

Il est indécent de parler d’assassinats lorsque deux peuples sont en guerre. Car une guerre n’a jamais été autre chose qu’une production industrielle d’assassinats mutuels. Et nul n’ignore que le Hamas a organisé de nombreux attentats-suicides contre les civils israéliens. Si assassins il y a, ils sont des deux bords, et ce n’est pas œuvrer pour la paix que prétendre n’en voir que d’un côté

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Comments (6)

  • chevalier de la Liberté Répondre

    Pierre Lance nous fait un vibrant plaidoyer en faveur de la politique arabe de la France. Snif… J’en ai la larme à l’oeil. C’est beau. “Vous avez choisi le déshonneur pour éviter la guerre. Vous obtiendrez le déshonneur et la guerre.” Winston Churchill

    30 avril 2004 à 9 h 31 min
  • HyPNOS Répondre

    Monsieur Lance, La lacheté n’a jamais permis et ne permettra jamais de vaincre un mal qui doit être combattu. Les romains disaient que “différer une guerre, c’est la différer au profit de son adversaire”. Retarder le conflit avec l’islam me paraît dangereux et l’exemple du 11 septembre est largement suffisant. La politique bienveillante de l’UE et de Clinton, ont favorisé l’émergence de Ben Laden, ou en tout cas ne l’ont pas empèché de monter en puissance. Alors de grâce, point de discours pacifistes ! Nous sommes en guerre cher Monsieur.

    28 avril 2004 à 18 h 17 min
  • TALLEYRAND Répondre

    Depuis 1958, la France n’existe en matière de politique étrangère que par le génis de ses dirigeants de savoir se démarquer des Américains. Le jour où il faut se mettre autour d’un tapis vert, ceux-ci, bon prince et jusqu’ici peu rancuniers, acceptent alors son entremise et les medias français titrent à la gloire de notre génie diplomatique. On peut se demander si ce petit jeu, qui n’apporte que gloriole, et qui n’est qu’un habillage pour un pays à la fois lâche et fanfaron, constitue vraiment une politique étrangère digne de ce nom et abuse encore grand monde.

    25 avril 2004 à 15 h 51 min
  • La Vérité Répondre

    “La France, force de paix” : c’est ce quelle aimerait laisser accroire. En réalité, la France est l’un des plus gros exportateurs d’armes au monde et a contribué largement à l’armement nucléaire de l’Irak. Le Mossad n’est-il pas intervenu par deux fois pour neutraliser du matériel nucléaire français vendu aux Irakiens ? Les Mirages vendus aux Irakiens n’apparaissaient-ils pas comme répandant un étrange nuage blanc sur certains vidéos ? Vous feriez bien de lire the French Betrayal of America de Kenneth R. Timmerman.

    25 avril 2004 à 11 h 30 min
  • R. Ed. Répondre

    Bien, Monsieur, surtout le dernier paragraphe.Oeuvrer pour la paix ? D’un côté les Juifs qui ont fait un Etat prospère à partir d’un désert (un peu aidé en cela par la diaspora )et de l’autre les Palestiniens occupés à longueur de journée à brailler leur haine de “l’occupant”.Le droit au sol est basé sur combien de générations ? Trois, trente, trois cents ? Tous ces gens dans la rue ne doivent pas travailler ? L’aide pécunière occidentale accordée à ce peuple se trouve sûrement en Suisse sur les comptes de leurs dirigeants. Comme dans la plupart de ces pays d’ailleurs ! Arafat lui-même montre le bon exemple avec sa petite fortune amassée au fil des ans .Défense de toucher à Arafat ! Pas toucher aux riches quand-même ,où irait-on ?

    25 avril 2004 à 10 h 23 min
  • vogel mathieu Répondre

    si j etais encore a l arme le diable je le batterais .a mion dernnier souffle.je suis civile mon opignon ne serais pris en comptes.Mais,je suis un patriotes de ma france ‘lorrain je suis meme gauliste;personne ne pourras me changer.le mal ce guerri par le mal le bien par le bien. touche a mon DRAPEAU JE TEDONNE LA LECON.LA CELLE CHOSZ QUE JE REPROCHE A L ETAT C EST L ARMEE OUBLIE PAS CE QUE NAPOLEON A DIT (sansz femme un hoùmme ne fait rien et le peuples subirra)elle et belle la france merci les politiciens car un 68 vous allez connaitres j avais 12 ans mais aujourd hui c est diffe’rent celas va trop loin un homme qui aime sa patrie la quelle europe ou internationals?

    25 avril 2004 à 1 h 49 min

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