Commerce international : l’histoire sans fin

Commerce international : l’histoire sans fin

Le fiasco du G7 provoqué par Donald Trump mérite plus que des réactions épidermiques contre le Président américain, ainsi que l’ont fait nombre de politiques européens ou experts renommés, comme mon vieil adversaire Pascal Lamy qui accuse Donald Trump de « fracturer l’Occident ».

Tout d’abord, l’Occident est-il une réalité tangible ou, comme le dit Hubert Védrine, un mot-valise sans signification qui contient plus de forces centrifuges que de cohérence interne ? Mais laissons cette question à ce stade.

La question du commerce international, pour être correctement comprise, doit être replacée dans sa perspective historique qui a toujours balancé entre protectionnisme et ouverture des frontières au nom du libéralisme.

Il en est souvent résulté des conséquences contrastées. Ce qui rappelle le fameux adage de Paracelse, médecin suisse (1493-1541) :
« Tout est poison et rien n’est poison; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison. »

Le protectionnisme a eu ses heures de gloire au XIXe siècle et l’Allemagne – déjà elle! – a su bâtir son économie à l’abri du Zollverein, une union douanière protectrice vis-à-vis des non-membres.

Après la Seconde Guerre mondiale et l’échec de la Charte de La Havane, qui tenta en vain de concilier libéralisme et garanties pour les pays en développement, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) a ouvert 9 cycles de négociations qui, d’Annecy en 1949 à celui d’Uruguay en 1986 qui vit la création de l’OMC, sont tous allés dans le même sens de la libéralisation des échanges : baisse des droits de douane et, notamment, limitation des subventions en agriculture.

Le nombre des pays qui ont participé à ces cycles a augmenté fortement, de 23 en 1947 à plus de 150 lors du cycle de Doha en 2001.

Toutefois, le cycle de Seattle en novembre 1999 fut un échec en raison de fortes manifestations, lors de son ouverture et le cycle de Doha, qui commença en novembre 2001, fut suspendu en juillet 2006 par le directeur général de l’OMC, Pascal Lamy.

À partir de cette période, la libéralisation des échanges n’est plus perçue comme la panacée ; la mondialisation n’est plus heureuse.

Si l’OMC marque le pas, la Commission de Bruxelles reçoit ce­pendant plusieurs mandats pour négocier des accords généraux de libéralisation des échanges avec le Canada en 2009 (CETA) et en 2013 avec les États-Unis (TAFTA).

Ces deux accords ont provoqué de multiples polémiques de part et d’autre de l’Atlantique : clause d’arbitrage, interrogations européennes sur leur application éventuelle par les États américains fédérés, réciprocité réelle ou non de l’ouverture des marchés publics au Canada, impossibilité de satisfaire tous les acteurs économiques dans un accord monstrueux de dizaines de milliers de pages et élaboré avec une multitude de compromis.

Dès son arrivée au pouvoir Donald Trump a décidé de suspendre l’exercice, ce qui provoque la critique acerbe de Pascal Lamy : «Donald Trump est inapte au multilatéralisme, c’est trop compliqué pour lui. Il ne comprend que le bilatéral et la logique du bras de fer», a-t-il déclaré dans «Le Monde» du mercredi 13 juin 2018.

La vérité est plus compliquée que ce jugement sans appel.

Elle dépasse les personnes. La vérité est à rechercher dans la mondialisation galopante qui, en quelques décennies, a subjugué la planète devenue un village planétaire en provoquant des bouleversements politiques et sociaux de grande ampleur.

Certes, les bons esprits se font les défenseurs d’une «mondialisation maîtrisée».

Mais une mondialisation maîtrisée ne signifie rien d’autre que retrouver des écluses ou des digues pour maîtriser les flots des économies dominatrices et protéger, au moins pour un temps, les économies nationales qui ne sont plus compétitives.

Trump est dans cette logique.

Il n’en demeure pas moins que la complexité des échanges, la multiplicité des lieux de production sur la planète pour certains équipements comme les avions obligent à prendre en compte les autres économies.

L’interdépendance est la règle aujourd’hui et est à la base de la réciprocité, fondement du commencement de la sagesse.

Libéralisme et protectionnisme doivent être en conséquence dosés – comme le poison de Paracelse. Donald Trump l’apprendra vite, s’il pousse le bouchon trop loin.

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Comments (2)

  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    Quand nous faisons une affaire avec un voisin il n’est pas toujours nécessaire de le faire par notaires interposés.
    Le contact direct donne souvent de meilleurs résultats.
    C’est d’ailleurs toute la poltique de D.Trump qui préfère discuter directement avec ses protagonistes un par un.
    Le G7 devrait d’ailleurs changer de nom, depuis sa dernière mouture il devrait s’appeler G-Trump + 6

    31 juillet 2018 à 21 h 03 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    bon article Monsieur Myard

    les Etats doivent défendre leurs intérêts qui, après tout, sont exactement ceux de leur citoyens … et ce n’ est pas ce que fait l’ U.E. , parce que l’ U.E. n’ est pas un Etat et qu’ elle n’ a pas de ” citoyens ”

    la meilleur des solutions c’ est ” encore ” de traiter d’ Etat à Etat

    31 juillet 2018 à 15 h 05 min

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