Des clés pour comprendre : La Stratégie de l’Iran, entre puissance et mémoire

Des clés pour comprendre : La Stratégie de l’Iran, entre puissance et mémoire

L’Iran a remplacé l’Irak de Saddam Hussein dans le rôle du méchant mouton noir défiant les Occidentaux. Pour mesurer le danger qu’il représente pour la paix du monde, encore faut-il connaître ce pays, ou tout au moins s’en faire une image un peu plus précise et plus juste que celle qu’en donne ordinairement nos médias. A cette fin, on ne peut que recommander la lecture d’un précieux petit livre paru en novembre 2008 aux éditions Tempora : « La stratégie de l’Iran, entre puissance et mémoire », de Matthieu Anquez.

Spécialiste des questions géopolitiques et de la prospective stratégique, et consultant de la Compagnie européenne d’intelligence stratégique (CEIS), l’auteur connaît bien l’Iran et en parle la langue. En un peu moins de 170 pages d’une synthèse claire et documentée, il renverse de nombreux préjugés à propos de ce pays.

Le plan lui-même de l’ouvrage et efficace et cohérent : Matthieu Anquez y présente d’abord la géographie, l’histoire, le peuplement et la culture de l’ancienne Perse, puis une analyse des institutions et des principaux personnages qui jouent actuellement une rôle sur la scène politique iranienne, ainsi que de l’économie et de la société, avant d’aborder la politique étrangère de ce pays, puis, dans un dernier chapitre, la question nucléaire.

Il ne saurait être question de résumer en quelques lignes un livre lui-même aussi dense. Parmi les clés de compréhension de la situation iranienne que donne l’auteur, soulignons néanmoins la force du sentiment national dans l’ancien empire du Shah, qui l’emporte semble-t-il sur le sentiment religieux lui-même, le rejet du régime conduisant à celui de la religion officielle et se traduisant par une chute de la pratique religieuse, notamment dans la jeunesse.

Cette contestation s’étend même à une partie du clergé chiite, qui, craignant que l’échec politique et économique du régime islamique ne se traduise par un rejet massif de l’islam par la population, se prononce pour la séparation de la religion et de la politique.

La société iranienne échappe elle aussi aux clichés : en dépit du régime, les femmes iraniennes, par exemple, sont beaucoup plus libres que ne le sont les Saoudiennes : elles conduisent, travaillent, sont plus nombreuses que les hommes sur les bancs de l’université et portent le voile dans la rue mais, chez elles, s’habillent à l’occidentale. Il existe même, écrit Matthieu Anquez, « des associations féministes islamiques militant pour la modification de certaines normes islamiques perçues comme profondément injustes », ainsi que des associations féministes laïques qui « tentent de survivre à la répression ». Et le taux de fécondité est passé de 7,2 en 1976 à 1,7 aujourd’hui : moins qu’en France.

La société iranienne est marquée par ces contradictions. Moderne « par bien des aspects », elle est cependant en crise : « le chômage, la cherté de la vie et le strict contrôle des mœurs engendrent des désordres psychiques dévastateurs, comme le montrent la consommation de drogue, le taux de suicide et les dépressions. » L’économie, « d’inspiration colbertyo-marxiste », écrit Anquez, est caractérisée par la faiblesse du secteur privé entrepreneurial, une inflation galopante, une gestion exécrable des comptes publics, une production agricole faible. L’Iran importe 40 % de son pétrole raffiné, alors qu’il est le quatrième producteur mondial de pétrole

On ne s’étonne pas que le pouvoir islamique ne soit soutenu que par 15 à 20 % de la population. Cependant la crise est à la fois autogénérée et autorégulée par le régime, qui s’appuie en outre sur de nombreux services de sécurité et de renseignement.

Quid de l’armement nucléaire ? « Il est presque certain que l’Iran cherche à se doter d’une capacité nucléaire militaire », répond Matthieu Anquez, qui ajoute cependant : « Le régime perçoit l’arme nucléaire avant tout comme un moyen pour sanctuariser l’Iran, et non pour vitrifier un Etat voisin. Néanmoins, un Iran nucléaire provoquerait une nouvelle course aux armements dans une région déjà très troublée. »

Pierre Vautrin

Matthieu Anquez, La stratégie de l’Iran, entre puissance et mémoire, éd. Tempora, 170 pages, 14,90 €
(+ 5,50 e de port)

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Comments (1)

  • pickett christophe Répondre

    "Et le taux de fécondité est passé de 7,2 en 1976 à 1,7 aujourd’hui : moins qu’en France."

    si le progressisme passe par une baisse de la natalité il n’a pas une longue vie devant lui.

    je ne me rejouis pas je constate.

    13 janvier 2010 à 11 h 14 min

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