Droit international et incohérences

Droit international et incohérences

En Europe, entre 1815 et 1848, la Sainte Alliance figea les frontières et les régimes en place au point que le très pieux Pape Grégoire XVI soutint la Russie contre les insurgés polonais catholiques. Cette politique eut quand même le mérite d’assurer la paix pendant cette période. Puis le continent entier fut bousculé au nom de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, un principe qui ne permet pas de définir ce qu’est un peuple d’où la possibilité d’émergence des séparatismes les plus variés. Les États africains, ainsi enfermés dans les anciennes frontières coloniales, ne sauraient être les États d’un peuple, les troubles récents du Kenya en front preuve. On a donc deux principes idéologiques incompatibles.

Or, presque concomitamment, on vient d’utiliser les deux. D’une part, on a tout fait pour séparer le Kosovo de la Serbie, alors même que ce pays est le berceau historique de celle-ci. D’autre part, on a envoyé des troupes « internationales » envahir l’Île d’Anjouan pour la réintégrer par la force, dans l’État des Comores dont elle avait commis le crime de se séparer. Or, parmi ces troupes, on trouve des… Soudanais !

Le Soudan est un pays qui massacra, pendant des décennies, ses minorités non musulmanes et dont le comportement actuel du Darfour est tel que l’on envisage (timidement) une « ingérence » qui, elle, serait peut-être justifiée !

Dans le cas d’Anjouan, on ne peut qu’éprouver un désagréable malaise en se demandant si, nonobstant un antiracisme claironné, affirmé, beaucoup de dirigeants de la « Communauté Internationale » ne pensent pas au fond d’eux-mêmes : « Bof, ce ne sont que des Nègres ». En même temps, ceux-là même qui avaient bombardé la Serbie et implanté leur présence au Kosovo devaient intervenir contre des manifestants réclamant la séparation du Nord Kosovo. Intervention policière peut-être justifiée mais qui, elle aussi, crée un malaise : les Serbes sont-ils des sous-hommes à traiter comme tels, voire un peuple pervers et criminel ? De fait, le « procureur au Tribunal international » Carla del Ponte a donné à beaucoup l’impression d’une rare partialité.

Il y a quelques dizaines d’années, se constitua un État turc du Nord de Chypre que nul ne reconnut sauf la Turquie, « on » ne sait pourquoi. « On » ne sait pourquoi aussi on insiste pour une réunification dont on ne voit pas l’avantage. Toutefois, on ne traite pas les Turcs de Chypre comme de vulgaires Anjouannais et on n’envoie pas des Soudanais ! Mais pourquoi pas ? Notons, pour finir, que c’est sans joie que l’Union européenne salua l’indépendance retrouvée du Montenegro, pourtant un très ancien État. Pourquoi ? Pourquoi seul le Kosovo aurait-il droit d’indépendance ?

Même si l’indépendance d’Anjouan ou de l’État turc de Chypre ne menaçait personne, la reconnaissance par beaucoup de pays européens d’un Kosovo arraché à la patrie serbe par une invasion américaine (pourquoi ?) ou même française (!) outre la possibilité d’un rapprochement « défensif » entre Serbie et Russie, ouvre la voix à bien des séparatismes parfois dangereux.
Si le mouvement en Bretagne est devenu simplement culturel et économique, il en est différemment en Corse et au Pays basque et qui ne comprendrait l’inquiétude de l’Espagne ?

D’autre part, on se souvient que, il y a quelque temps, le gouvernement autrichien ayant inclus quelques membres d’un parti suspect de quelque compréhension de certains éléments du nazisme, il fut « grondé » par l’Union européenne. Or, à Chypre, un communiste avoué, avéré, vient d’être élu président de la République sans que nul ne s’en inquiète, pas même les USA si fiers d’avoir « démocratisé » et « libéré » le Kosovo ! Pourtant, rien ne suggère que cet homme ait modifié quoi que ce soit de ses convictions « léninistes ». Certes, il ne pourrait que difficilement imposer la « dictature du prolétariat », mais il peut perturber les mécanismes institutionnels et surtout économiques, appauvrissant ainsi le pays, et également affaiblir les institutions de l’UE.

Tous ces faits donnent l’impression d’une incohérence totale frappant les organisations internationales et même les gouvernements, y compris bien sûr celui des USA. Étant donné la gravité de la crise économique mondiale et les tensions dans divers pays, notamment en Afrique, cela n’a rien de rassurant.

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Comments (7)

  • Sebaneau Répondre

    En 1815, la Serbie avait disparu dans l’empire ottoman depuis la prise de Smederevo en 1459. 
    Cependant les Serbes, dirigés par Miloš Obrenović,  étaient en pleine révolte séparatiste contre ledit empire.  Une première révolte  séparatiste serbe, déclenchée en 1804. avait échoué, principalement parce que la "sainte Russie" avait trahi Karađorđe deux ans plus tôt. 
    En 1816,  le sultan Mahmud II reconnaissait le séparatisme serbe en accordant l’autonomie à son paşalık de Belgrade.
    Le susdit paşalık séparatiste  n’envahirait les terres albanaises,  massacrant au Kosovo 20 000 des Albanais qui y étaient alors majoritaires aux deux tiers,  que près d’un siècle plus tard, en octobre 1912. Cette année-là,  les Kosovars s’étaient libérés eux-mêmes du joug ottoman au cours de l’été, et c’est pour les empêcher de demeurer libres que la soldatesque serbe et monténégrine les a alors envahis.
    Avant cette invasion, les Slaves n’y étaient pas les derniers à dire "le Kosovo aux Kosovars" ; une bonne partie ne se considéraient pas comme serbes, puisqu’ils faisaient allégeance au Patriarche d’Ohrid plutôt qu’à celui de Serbie — c’est probablement pourquoi le Serbe "normal" Dimitrije Tucović, qui en parlait naturellement comme d’une "terre étrangère", y estimait en 1912  la part de la population "serbe" à 17 % et non à 25 % comme les estimations austro-hongroises en 1912 ou le recensement de 1921.
    C’est seulement un rapport de forces politique qui, à la Conférence de Londres en avril 1913, avait livré à la Serbie et au Monténégro la moitié de la population et des territoires albanais, et qui n’a pas permis aux libérations de ce territoire par l’armée allemande en 1915 et 1941, puis par Tito en 1974, de perdurer avant l’ultime libération par l’OTAN en 1999. De sorte que l’existence du Kosovo comme territoire distinct de l’Albanie, de même que ses annexions et libérations successives, ont été décidées en-dehors de lui… jusqu’à ce que les exactions de Milošević, en chassant plus de 300 000 Kosovars vers l’étranger, donnent à ceux-ci les moyens et les occasions de se faire entendre en Occident.
    –respectivement au X° siècle sous la domination bulgare, et à la Ligue de Prizren en juin 1878, La fable du "Kosovo, berceau de la Serbie" n’est qu’un mensonge de propagande : alors que les Albanais sont les premiers habitants du Kosovo, que la langue et le nationalisme albanais y sont nés,  aucun état serbe n’y est jamais né,  pas plus le premier royaume serbe –né dans la Zeta, au Monténégro–  que l’état médiéval des Nemanjić  –né en Rascie, le Sandjak d’aujourd’hui– ou que l’état contemporain, directement issu du paşalık séparatiste de Belgrade.
    Les Serbes étaient demeurés un demi-millénaire et un demi-siècle dans les Balkans avant de l’envahir à la fin du XII° siècle et pendant le XIII° ; et c’est encore il y a un demi-millénaire et un demi-siècle qu’ils en avaient perdu tout contrôle, avec la disparition totale de la Serbie, pour quelque 340 ans, dans l’empire ottoman.
    Rien ne prouve par conséquent  qu’une partie au moins des vieux bâtiments chrétiens au Kosovo ne soient pas d’anciennes églises catholiques albanaises, ou orthodoxes bulgares ;  quant à l’ancien patriarchat de Peć, seule référence de l’identité serbe entre 1557 et 1766, c’était une si vieille histoire lors de l’annexion forcée du Kosovo en 1913 que c’est… le Monténégro, siège d’une église autocéphale différente, qui l’a alors récupéré.
    Le pathos actuel sur le Kosovo,  "Jérusalem des Serbes"  n’est donc qu’un procédé de maquignon, tout comme la construction d’églises en style pseudo-médiéval depuis 1920 pour compenser la maigreur de la minorité serbe sur ce territoire albanais, ou comme l’argument grotesque de la défaite de juin 1389 comme prétexte à des revendications territoriales six siècles plus tard.
    Il fait écho aux déclarations de Jovan Cvijić, géographe fort écouté sous la III° République qui, en 1909, présentait… la Bosnie-Herzégovine comme le "coeur de la nation serbe", toujours pour faire passer les revendications de l’état serbe sur une terre qui ne lui appartient pas.

    15 avril 2008 à 19 h 58 min
  • VITRUVE Répondre

    R.ed:
    "Ouste, tous les Palestiniens dehors, place aux descendants du peuple d’origine, même si il est parti depuis deux mille ans."
    CQFD
    donc Israël aux Iraquiens!! si j’ai bien compris, ceux qui étaient là il y a deux mille ans ont priorité, et comme le peuple élu est constitué des descendants d’Abraham, un chaldéen qui venait d’Ur , la honte!!
    relire GENESE12
    " l’éternel dit à Abram: va-t’en de TON pays, de TA patrie et de la maison de Ton père, dans le pays que je te montrerai"
    (vous vous rendez compte,un vulgaire immigré comme tous ces muslims qui vous foutent des boutons à Bruxelles aujourd’hui!!) l’histoire n’est qu’un éternel recommencement.
    A force de raconter des balivernes d’inspirations racistes, certains finissent par y croire mais l’étude des textes anciens, de la génétique et de l’histoire les rattrape bien vite et les torche en deux temps, trois mouvements, c’est rassurant et salutaire…
    bref, en résumé toujours argumenter en connaissant son sujet avant de sortir une affirmation.

    VALE

    14 avril 2008 à 17 h 05 min
  • Gérard Pierre Répondre

       Il est exact que l’on ne trouve nulle part, et surtout pas dans un traité de droit international, la définition juridique de ce qu’est un peuple, alors même que l’on prétend reconnaître un droit à cette entité non définie. D’un point de vue strictement parisien (donc tout le contraire de juridique) les Corses ne seraient pas un peuple, …… bien que l’expression ait été « imprudemment » utilisée par un ministre de gauche avant qu’il s’en amende.

       A la question « Qu’est-ce qu’un peuple ? » il faut bien avouer que l’Encyclopédie Universelle Larousse ne nous aide guère en nous dictant pas moins de sept définitions que je livre à l’appréciation des lecteurs :

     Ensemble de personnes vivant en société sur un même territoire et unies par des liens culturels, des institutions politiques : Le peuple français. (Le peuple est, avec le territoire et l’organisation politique, l’un des trois éléments constitutifs de l’État.)

     

     Communauté de gens unis par leur origine, leur mode de vie, leur langue ou leur culture : La dispersion du peuple juif.

     

     Ensemble de personnes définies par la région qu’elles habitent : Le peuple des campagnes.

     

     Familier. Grand nombre de personnes dans un endroit : Il y a du peuple sur la place.

     

     Ensemble des citoyens d’un pays par rapport aux gouvernants (au singulier) : Être élu du peuple.

     

     Le plus grand nombre, la masse des gens, par opposition à ceux qui s’en distinguent par leur niveau social, culturel ou par opposition aux classes possédantes, à la bourgeoisie : Un homme issu du peuple.

     

     Familier. Tout le monde : Il ne faudrait pas se moquer du peuple !

     

     

       On ne manquera pas d’observer que chacune de ces définitions occulte toute connotation à caractère ethnique ce qui rend la chose aussi stérile que la tentative de description d’une boule de billard où l’on s’interdirait d’évoquer la forme et la couleur de la sphère.

       Autre incohérence du droit international : A partir de quand un « peuple » indéfini cesse-t-il d’être un colonisateur et devient-il l’occupant légal (à défaut d’être légitime) d’un lieu ?

    • Les Français ont occupé l’Algérie et ont développé son économie, soigné ses habitants, construit son infrastructure. Au bout de cent trente années de présence, ils furent sommés de déguerpir ! …………… dont acte ! …… mais les Arabes qui occupent l’Algérie sont eux-mêmes des envahisseurs qui passèrent au fil de l’épée les occupants antérieurs des lieux, christianisés. Quel est à ce jour leur critère de légitimité ?
    • Les Palestiniens (réputé peuple, soit dit en passant ! ! ! ……… on se demande sur quelle base, Yasser Arafat était né Egyptien comme son oncle le grand mufti de … Jérusalem, … par exemple) sont les descendants de nomades sédentarisés établis au dix neuvième siècle sur la terre d’Israël. Curieusement, selon les critères non définis de certains anti … sém……… sionistes, les colonisateurs seraient les Juifs dont la présence sur les lieux est historiquement irrécusable depuis plus de trente siècles !
    • La France est tenue de donner son indépendance au « peuple » kanak ! ! ! …… qui était-il lorsque les Français sont arrivés en Nouvelle-Calédonie ? qu’avait-il fait de cette île ?…… et qu’en fera-t-il ensuite ? ……………… se demandent déjà les Australiens tout prêts à régler la question à leur avantage et sans état d’âme.
    • Devons nous exiger des Normands, des Bretons, descendants d’envahisseurs historiquement localisés dans le temps et dans l’espace, qu’ils cèdent les terres qu’ils occupent aux descendants des Gallo Romains auxquels ils les ont ravies ?

       Finalement la question n’est-elle pas de savoir si la solution de la Sainte Alliance n’est pas la plus sage ? Elle ne plaira sans doute pas à tout le monde sur le moment, mais elle aura au moins le mérite de la clarté ainsi que celui de sa possibilité de se dissoudre ensuite dans l’oubli : qui, de nos jours, se souvient encore que Grégoire XVI soutint la Russie contre les insurgés polonais …… catholiques ?

    12 avril 2008 à 17 h 30 min
  • JJP Répondre

    Nous devons balyer devant notre porte : si toute diférence lingustique, régionale ou de souche mérite l’indépendance, certaine républiques partiront en moceaux à commencer la la notre. En déhors de la Corse, du pays Basque, de la Normandie qui révendiquent leur différence donc leur indépendance, il y a d’autres région françaises susceptibles de les suivre : l’Alsace, la Loraine, le Nord (Chti), l’Auvergen… Sans parler bien sûr de nos colonies qui ne sont françaises que par la langue et la nationalité mais au fond qui n’appartiennet même pas aux mêmes hémisphères que la métrople.

    Avant d’inciter d’autres peuples à être libre, ne devons-nous pas réflechir à ceux que nous avons assimilés par l’effet colonialiste ? Ou tout bonnement, ce qui est bon pour nous ne l’est pas forcement pour les autres ?

     

     

    9 avril 2008 à 23 h 36 min
  • R. Ed. Répondre

    Bien dit, c’est comme pour les Juifs, ils sont de nouveau chez eux en Israël .

    Ouste, tous les Palestiniens dehors, place aux descendants du peuple d’origine, même si il est parti depuis deux mille ans.

    C’est normal, les Juifs ont bien le droit de revenir sur la terre de leurs ancêtres.

    9 avril 2008 à 20 h 52 min
  • EIFF Répondre

    (…)

    A Mayotte, la chasse aux Blancs est devenue une passion pour les immigrés. Ces événements ont choqué les habitants de Mayotte et ont conduit à la grande manifestation de dimanche contre les clandestins. Ce qui est aujourd’hui impensable en métropole est devenu courant à Mayotte : des marches sont organisées contre les clandestins. Dimanche, une foule a brandi des pancartes : ‘Vols, insécurité… Prison pleine. Partez, partez‘… ‘Mayotte est trop petite, elle risque de couler.’ En métropole, on ne parle que de Bétancourt ou du Tibet.

    la suite : http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2008/04/mayotte-et-ses.html

     

    9 avril 2008 à 16 h 30 min
  • Kiwi Répondre

    Seulement les serbes considèrent le Kosovo comme leur berceau
    Il suffit de voir que les Albanais sont les descendants des Illyriens qui vivaient dans
    les balkans nottament Albanie Kosovo et Macédoine au XIVè siècle avant JC alors que les
    slaves (serbes) l’ont envahi au Vè siècle après JC
    Le Kosovo a bien eu donc droit de retrouver sa liberté un jour!

    9 avril 2008 à 14 h 37 min

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