Il ne faut pas laisser les chefs d’État jouer avec le feu !

Il ne faut pas laisser les chefs d’État jouer avec le feu !

En 2000, les désordres résultant de la Deuxième Guerre mondiale étaient en voie d’apaisement. La guerre froide avec l’URSS avait été gagnée par les États-Unis. Les guerres coloniales avaient pris fin pour l’essentiel. La guerre entre Israël et les pays arabes était récurrente, mais limitée. On évitait le pire. Mais voici que le 11 septembre 2001, l’islam déclara la guerre à l’Occident en frappant New York : 6 391 victimes, dont 2 975 morts. Dès lors, la situation dans le monde n’a cessé de se dégrader. Depuis deux ans, cette dégradation s’aggrave et s’accélère. La cause n’en est pas seulement l’agressivité de l’islam. Elle réside aussi dans le manque de jugement de leaders occidentaux, dont certains sont d’une indigence intellectuelle navrante, obsédés par leur réélection et leur vanité – un constat qui vaut non seulement pour le Proche et le Moyen-Orient et l’Afrique musulmane, mais aussi pour la Russie, à tel point que se profilent désormais les menaces d’une Troisième Guerre mondiale.

Au Moyen-Orient, le président George W. Bush lança son opération contre Saddam Hussein le 20 mars 2003. Victorieux, à la tête d’une coalition qui, heureusement, ne comprenait pas la France, il s’est pris pour Héraclès vainqueur de l’hydre de Lerne, ou, si vous préférez, pour Alexandre le Grand. Ce faisant, il a commis une très grave erreur.

Saddam Hussein était le barrage sunnite contre l’impérialisme chiite iranien. Il fallait laisser ces deux pays islamistes s’entre-tuer, puisque c’est, chez eux, une tradition. Les puissances occidentales, France en tête, vendant allègrement aux uns et aux autres, une grande quantité d’armes et d’explosifs – avec, s’agissant de la France, une préférence pour Bachar el-Assad qui avait « toute l’affection » (sic) de Jacques Chirac.

Le problème est que, soudainement, les Occidentaux et les institutions internationales à leur service se sont mis dans la tête qu’il fallait offrir aux pays arabes la démocratie telle qu’elle se pratique à Washington. C’était méconnaître la mentalité de ces pays, façonnés par l’islam, et restés au VIIe siècle. Bien sûr que tous les dirigeants de ces contrées sont des tyrans meurtriers, et Bachar ne fait pas exception. Mais celui-ci, fils d‘Hafez, gouvernait la Syrie aussi bien que possible dans le contexte régional. La famille Assad, grande amie de la France, tolérait les minorités chrétiennes, qui lui en restent reconnaissantes et Bachar, invité d’honneur, présida le défilé du 14 juillet 2008 aux côtés de Sarkozy. Aujourd’hui, le « printemps arabe » a causé la mort de 400 000 Syriens, fait 6 millions de réfugiés, anéanti des villes entières, a réduit en poussières des trésors archéologiques millénaires, et surtout a créé l’État islamique, dont les cadres sont issus de l’armée vaincue de Saddam.

Comble de l’absurdité, les Occidentaux en sont arrivés, par engrenages successifs, compte tenu de l’extrême complexité du conflit, à aider au Moyen-Orient certains mouvements djihadistes qui, en échange de l’aide reçue, fomentent des attentats en Europe.

De plus, le chaos ainsi créé a atteint la Turquie voisine, où le président Recep Tayyip Erdogan se rêve en nouveau sultan d’un empire ottoman dont il est nostalgique. Il est ouvertement anti-occidental et ne s’en cache pas, mais cela ne paraît nullement gêner l’Union européenne et les États-Unis qui lui font la cour. Il s’acoquine avec Poutine, tout heureux d’avoir pour allié un membre de l’OTAN qui va sans doute renouer avec Bachar el-Assad.

La Turquie mène avant tout le combat contre le séparatisme kurde. Ainsi constate-t-on que l’armée turque attaque le PYD kurde, allié de Washington, qui, lui, combat l’État islamique. Les Turcs pourraient, de ce fait, tuer des militaires américains des forces spéciales. L’État islamique est donc, pour Ankara, tour à tour ou en même temps ami et ennemi.

Bref, c’est une gigantesque pagaille dont les Occidentaux portent en grande partie la responsabilité. De deux choses l’une : ou il fallait ne pas s’aventurer dans cette région aux populations pour le moins diverses, ou alors il fallait la recoloniser – la seule période de paix que cette région ait connue étant celle de la colonisation anglo-française qui prit fin en 1945.

Avec Kadhafi, on a mené la même politique. On en connaît, là aussi, les résultats. Kadhafi était assurément un personnage excentrique et un dictateur. Il n’en était pas moins grand ami de la France où il fut reçu en 2011 avec sa tente de Bédouin plantée dans les jardins de l’hôtel Marigny qui jouxte l’Élysée, toilettes incorporées et amazones dévouées. Le colonel tenait son pays, encore à l’état tribal, avec autorité et avec les larges moyens que lui donnait le pétrole acheté par les Occidentaux. Contrôlant les Touaregs qui lui étaient fidèles, il assurait la paix dans les immenses territoires sahélo-sahariens. Mais, là aussi, le « printemps démocratique et arabe », imposé en premier lieu par Sarkozy, qui en porte la lourde responsabilité, a tout démoli. Kadhafi fut assassiné le 20 octobre 2011. Depuis lors, son arsenal est passé aux djihadistes du Mali et jusqu’au Nigéria dont le Nord-Est est aux mains de Boko Haram, affilié à l’État islamique, qui déborde maintenant sur le Cameroun, le Tchad et le Niger. La Libye, pratiquement démembrée, n’existe plus. L’armée française, pour éviter que l’ensemble de la zone ne tombe aux mains des « terroristes », est engluée dans une guerre sans fin. Coût en 2015 : un demi-milliard d’euros et surtout des militaires français tués, avec cérémonies aux Invalides !

Plus risquée encore est la politique de provocation à l’égard de la Russie – à tout le moins d’ingérence. Puis-je me permettre, à ce sujet, de citer une expérience personnelle, sans doute modeste, mais instructive ? Étant en poste en Afghanistan, j’ai été informé qu’un journaliste français free-lance avait été livré (vendu) aux Soviétiques par ses amis moudjahidines musulmans. J’ai, bien sûr, aussitôt réagi et j’ai fini par être reçu par le ministre des Affaires étrangères du régime pro-soviétique. Celui-ci m’a dit d’entrée de jeu avec véhémence : « Mais enfin, quelle est donc chez vous cette manie qui consiste à vous ingérer partout et souvent avec arrogance ? Que diriez-vous si nous aidions les rebelles de votre Corse ? » Je lui ai répondu, je m’en souviens très bien : « Monsieur le ministre, vous avez parfaitement raison. Mais mon devoir d’ambassadeur est de tout faire pour obtenir la libération de mon compatriote aussi imprudent qu’il ait été. » Le ministre, qui avait été ambassadeur à Prague, se calma et après plusieurs mois de négociation avec le KGB – je passe sur les détails – le quotidien du journaliste fut amélioré et il fut libéré au jour et à l’heure dits devant les caméras soviétiques.

Ce que je veux dire, c’est que la Russie de Pou­tine, bien qu’il fût lieutenant-colonel du KGB, n’est plus la Russie de Staline, pour lequel au demeurant tant de Français nourrissaient la plus grande admiration. C’était le temps où, sous la haute autorité du général de Gaulle, la France était une sorte de dépendance soviétique, avec le secrétaire général du Parti communiste, ouvertement agent soviétique, ministre d’État, siégeant à la droite du général, alors que les communistes avaient été les collaborateurs empressés des nazis jusqu’en juin 1941. Aujourd’hui, la Russie n’est plus un « pays frère », mais évitons d’en faire un pays ennemi. S’agissant de l’Ukraine, il serait bon de ne pas oublier que ce pays, la « principauté de Kiev » fut le berceau de la Russie, que l’Ukraine ne vise qu’à faire partie de l’UE pour en recevoir des milliards d’euros (comme la Turquie) et y expédier des centaines de milliers d’Ukrainiens sans emploi. Est-il raisonnable de déployer 4 000 militaires de l’OTAN pour protéger la Pologne et les pays baltes, où la France enverra 150 hommes pour protéger l’Estonie et 150 autres en Lituanie, ce qui amuse beaucoup Poutine ? Cette politique pousse évidemment la Russie à se tourner vers la Chine avec laquelle le Kremlin passe des accords qui font craindre une coalition Russie-Chine, voire Turquie. Ainsi se renforce la menace d’une guerre mondiale dont les conséquences seraient cataclysmiques, avec probablement la défaite de l’Occident.

L’explication de tout cela est que le monde occidental ne compte plus de chefs d’État dignes de ce nom, ni aux États-Unis ni en Europe, où s’agitent simplement des politiciens au pouvoir, mais sans jugement et qui peuvent créer l’irréparable.

Ancien Ambassadeur de France

Partager cette publication

Comments (2)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    révisionnisme … mais que fait Gayssot ?

    la photographie ” chef d’ oeuvre ” de Robert Capa intitulée

    ” mort d’ un soldat républicain ”

    est un … faux

    comme l’ était celle des G.I. américains dressant la bannière sur une ile du Pacifique : une mise en scène

    à qui peut on bien faire confiance , je vous le demande

    9 septembre 2016 à 14 h 40 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    … il ne faut surtout pas laisser les allumettes à leur portée !

    7 septembre 2016 à 9 h 19 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *