La croisade conservatrice de Ted Cruz

La croisade conservatrice de Ted Cruz

Le 23 mars, le sénateur Ted Cruz a, le premier, annoncé officiellement sa candidature aux primaires américaines.

Cruz est un conservateur complet, en ce qu’il représente également les 4 branches du conservatisme américain moderne : les libertariens, les « faucons », préoccupés avant tout de sécurité nationale et de géopolitique, les « conservateurs sociaux » (attachés aux valeurs traditionnelles) et, enfin, les « conservateurs constitutionnels » issus de la grande vague Tea Party de 2009.

Tout conservateur penche en général vers un ou deux pôles. Par exemple, Rand Paul est es­sentiellement libertarien-constitutionnel (avec un fort penchant isolationniste) ; Scott Walker est clairement libertarien traditionnel… Le conservatisme présente une palette riche et variée et c’est notre misère de n’avoir rien construit de tel chez nous, alors qu’il existe une France conservatrice privée de voix.

Face à cela, Jeb Bush, le candidat officieux de l’establishment républicain, semble n’être en rien conservateur. Il n’est que républicain, comme l’était Rom­ney. En effet, il ne se démarque pas vraiment de la gauche, politiquement, et cette gauche féroce se lèche les babines à la perspective de voir Bush affronter celle qui doit, de droit quasi divin, devenir « la première femme-président des États-Unis ». (Dans la même logique, il faudra ensuite « le premier président gay », et ainsi de suite).

C’est pourquoi ces primaires républicaines prennent un tour aussi intéressant. À l’intérieur du groupe conservateur, le slogan est : « N’importe qui sauf Bush », tandis que côté droite modérée (molle), c’est : « N’im­porte qui, sauf Cruz » !

Oui, Cruz fait plus peur que Walker, parce qu’il a cette passion communicatrice à défendre les 4 points cardinaux conservateurs, sans équivoque possible, et qu’il incarne le courant anti-establishment – jusqu’à l’excès, disent ses détracteurs.

Mais quels excès ? Il ne pourrait pas l’emporter parce qu’il est « trop à droite » ? On a entendu le même argument au sujet de Reagan.

Notons, d’ailleurs, qu’on ne dit jamais que les candidats de gauche sont trop à gauche.

Plus grave, il y a un côté théâtral chez Cruz qui invite tout naturellement à la caricature et sa passion l’entraîne parfois à des imprudences. Par exemple, abolir l’IRS, le service des impôts honni, oui, mais comment alors collecter l’impôt à taux unique qu’il entend instaurer ?

Bref, il a beaucoup à travailler sur son image et il gagnerait à étudier la componction de Walker.

Toutefois, ce serait une grave erreur de le mésestimer. L’hom­me est réellement brillant (Prin­ceton et Harvard avec les honneurs) et c’est un orateur et un débatteur hors pair. C’est un intellectuel qui déteste l’intellectualisme et, surtout, force est de constater qu’il a su établir un lien spirituel avec le pays profond et qu’il s’est fait l’écho des aspirations populaires. Il place donc les enjeux de 2016 sur un autre plan qu’une simple victoire temporaire sur la gauche radicale.

Et si, après 50 ans de guerre culturelle intestine, suivis de 8 années de destruction systématique dont on ne mesure pas encore l’étendue, Cruz était exactement ce dont l’Amérique a besoin ? Et si la sagesse, c’était d’écouter enfin la colère populaire si longtemps contenue ? Aux grands maux, les grands remèdes.

Contre le « New York Times », contre les instances républicaines et même contre certains de ses compétiteurs, Cruz fait le pari qu’il y a un plus vaste vivier d’électeurs désabusés à gagner en prêchant à droite qu’en étendant indéfiniment « la grande tente du GOP » au centre et en racolant auprès des minorités, car ce sont les minorités qui viendront à lui.

Ce n’est pas un hasard s’il a choisi la Liberty University comme tremplin : Cruz est guerrier culturel autant que candidat. Il ne se pose pas en homme providentiel, mais il fait comprendre que le sursaut contre la décadence doit venir du peuple lui-même.

Quelle que soit la suite, la présence de Cruz offre un choix clair. Tous les autres candidats vont devoir droitiser leur discours et se définir par rapport à lui en clarifiant leurs positions sur les questions-clés : les illégaux, la dette, la victoire sur l’islamisme, l’abrogation d’Obama­care, le retour à la constitution…

Évelyne Joslain

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Comments (4)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    E. J. un avenir à la Marie Merlin sur les ” 4 V² ” ?

    12 avril 2015 à 9 h 54 min
  • Jo Res Répondre

    Bonsoir Fucius. Je souscris à votre message à 100%. Je n’aurais pas dit mieux.

    11 avril 2015 à 20 h 21 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    il faut avoir à l’ esprit, à la condition qu’ il soit … global , cette observation arithmétique simple , qu’une addition de ” minorités ” fait une ” majorité ” … voyez l’ actuel gouvernement français !

    10 avril 2015 à 12 h 14 min
  • Fucius Répondre

    Les minorités ….

    Si seulement elles prenaient plus conscience du mal que leur fait la sollicitude de gauche !

    Elles comptent pourtant en leur propre sein plusieurs des maîtres à penser du conservatisme, c’est-à-dire de la vraie pensée: Thomas Sowell, Walter E Williams, pour citer les plus vénérables, mais il y a une relève abondante.

    Du reste, ce sont surtout des démolisseurs de sophismes, tant le conservatisme est simplement le respect de l’homme et de l’harmonie sociale providentielle si bien démontrée par Bastiat.

    Il y a sur Youtube un extrait d’audition de Sowell au sénat, où il est face à l’actuel vice-président Joe Biden.
    La stupidité de ce dernier (qui n’est pas incompatible avec l’habileté politique) contraste avec l’intelligence et la sagesse de Sowell, qui prophétise les ravages de la discrimination positive – les faits ont montré combien il avait raison…

    Sur youtube aussi, il faut avoir vu Walter E Williams démontrer méthodiquement que les politiques dites antidiscriminatoires sont fondées sur le mensonge et l’absurdité et vouées au causer des désastres.

    9 avril 2015 à 19 h 17 min

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