L’Afrique sous perfusion

L’Afrique sous perfusion

L’assaut désespéré d’Africains sur les avant-postes de l’Europe, alors que d’autres s’échouent volontairement sur nos côtes au péril de leurs vies, marque un seuil nouveau, dramatique, de l’escalade immigrationniste.
Faut-il accueillir ces malheureux chez nous, comme le préconisent certains, au risque d’en voir déferler demain des centaines de milliers? Ce n’est évidemment pas souhaitable, bien que le processus soit en cours. Comment les aider à vivre dignement chez eux, si tel est notre objectif? Un paramètre simple permet d’évaluer l’ampleur et la nature du problème : la production vivrière africaine, depuis 1960, s’accroît de 2% l’an alors que la population augmente de 3%. Faites le compte : le disponible alimentaire local per capita, depuis les indépendances, a diminué de plus de la  moitié.
Le continent est sous perfusion; les sommes qui ont été consacrées à l’aide atteignent le niveau de plusieurs plans Marshall. Une enquête du journal “Le Monde” (Dossiers et Documents 345 de septembre 2005) révèle l’ampleur du fiasco. Le coût des études, de la gestion des organismes donateurs, de l’allègement des dettes, absorbe 59% de l’aide. Le reste est “versé aux pays bénéficiaires”, où les  frais collatéraux ne sont certainement pas moindres! L’”aide” ainsi conçue stérilise l’initiative, provoque la corruption et renforce l’assistanat, plongeant les pays africains dans une forme durable, car structurelle, de sous-développement.
La France, grande donneuse de leçons en la matière, ne fait pas mieux. Une enquête du Sénat (Loi de finances pour 2002, première lecture, Aide au Développement) dresse un constat accablant : sur la période 1998-2002, les frais de gestion financière de l’aide sont passés de 5 à 7%. Le financier et l’institutionnel (ajustements structurels, annulation des dettes) en absorbent 25%.
Les priorités affichées sont révélatrices : centres culturels à l’étranger, personnels des ministères, étudiants étrangers, demandeurs d’asile, audiovisuel extérieur passent bien avant les projets de développement et surtout les actions en milieu rural, dont le “retour d’image” pour le donateur est jugé insuffisant. Les fréquentes réformes  de la coopération française se limitent à des querelles de boutiques entre ministères de tutelle. Instituer des prélèvements sur les transactions financières ou sur les billets d’avion, sans que soit définie une polique cohérente de lutte contre la pauvreté, relèverait de la démagogie pseudo-humanitaire.
Cette situation conduit à envisager l’alternative suivante: assainir tant soit peu le marché des matières premières et laisser l’Afrique assumer ses responsabilités; ou soumettre l’aide internationale repensée à un “droit d’ingérence humanitaire” qui aboutirait, à bien des égards, à une mise sous tutelle politique de certains pays hâtivement décolonisés. n

Robert Schilling
Montpellier (34)

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Comments (5)

  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    A grandpas ! Il est d’autant plus facile de crier “haro sur la colononisation” que cela rapporte toujours gros aux dirigeants des ex-colonies qui, ayant culpabilisé “nos” dirigeants (ils semblenent ne demander que ça !), obtiennent d’eux tout ce qu’ils veulent, et même davantage encore. Voir ainsi le “cinéma” anticolonialiste que joue l’infâme Bouteflika (il essaye en même temps de faire oublier à ses compatriotes l’état lamentable de l’Algérie, décrit jour après jour par El Watan) qui, avec son “traité d’amitié” qu’il est en train d’imposer à la France avec le consentement de Chirac, Villepin, Sarkozy, Bayrou, Hollande, Royal, Fabius, Strauss-Kahn, Lang (il ne faut pas oublier ces “opposants” !) & co, obtiendra subsides, avantages de toutes sortes, etc. avec, en prime, l’obtention d’un nombre accru de “visas”. Sans doute pour permettre à des dizaines de milliers d’Algériens de plus de faire payer a posteriori (voir les évènements de Clichy !) à la France tout ce qu’elle a fait subir à leurs parents ou grand’parents selon la version bouteflikaïenne et des porte-valises de l’histoire de l’Algérie Française telle qu’on la raconte dans les écoles des deux côtés de la Méditerranée. Bien cordialement à vous, comme à tous les lectrices et lecteurs, Jean-Claude Lahitte

    29 octobre 2005 à 15 h 30 min
  • grandpas Répondre

    Certains devrait lire les livres de Bernard Lugan sur ce continent.Il publiait une revue sur l’Afrique”Afrique Réelle” qui a malheureusement disparu. De toute façon,il est plus aux habitants de crier haro sur la colonisation que se prendre en main,si en plus des fosssoyeurs de l’occident chrétien leurs servent de mégaphone et de distribuer leurs harangues fielleuses par manuel scolaire interposé.

    28 octobre 2005 à 15 h 52 min
  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    Je souscris à la majorité des propos de Robert Schilling. J’ai d’ailleurs transmis son texte à un de mes vieux amis (il habite en Afrique, où il voyage beaucoup pour ses affaires) et j’attends sont éventuel avis. S’il est vrai que la décolonisation a été rapide (sous la pression, faut-il le rappeler, aussi bien des “colonisés” que des peuples “colonisateurs”), je ne pense pas qu’elle alt été “brutale”. Certes, du temps où j’étais au Maroc (j’ai vécu la fin du Protectorat), il m’a été répété (par des Européens ) à l’envi “On vous demandait un verre d’eau, vous nous avez donné la mer à boire”, mais, personnellement ( j’étais journaliste), je n’ai jamais entendu ce propos dans la bouche d’un Marocain. Et, bien qu’étant viscéralement anti-gaulliste, je serais tenté de le paraphraser en disant aux peuples qui tendent la sébille, qui nous “pompent l’air” en nous parlant génocides, sacrifices dans vos guerres européennes, main d’oeuvre à bon marché sur vos grands chantiers, etc. “Vous avez voulu l’indépendance, assumez -la, et fichez-nous la paix !”. Il n’en demeure pas moins vrai que, et pas seulement parce que l’Europe – la France en tête – a à subir un flux migratoire de plus en plus insupportable (à tous les sens du terme !), les Occidentaux que nous sommes ne peuvent pas laisser longtemps encore l’Afrique (pas seulement noire !) voir ses populations décimées par l’émigration (bien supérieure à celle de l’esclavage – certes forcée, mais celle d’aujourd’hui ne l’est-elle pas, d’une autre façon, forcée elle aussi – en pourcentage par rapport à la population !), la malnutrition, le sida, le paludisme, etc, tout en continuant à entretenir les satrapes (oui, je sais, pour certains de nos partis politiques, comme pour certaines associations ou ONG, il y a ce que j’appelerai pudiquement un “retour sur investissement !) qui dirigent les pays concernés et qui s’en mettent plein les coffres en banque, en accordant une manne à leurs ethnies. Il faut voir la réalité en face: même en se parant des plumes de la “démocratie”, les dirigeants africains – faute sans doute d’avoir su former ou garder de véritables élites, notamment de véritables entrepreneurs, de véritables agriculteurs, etc. sont incapables de tirer d’affaire leurs peuples. L’Occident, particulièrement l’Europe qui a été impliquée dans la colonisation, se doit donc de trouver au plus vite une version moderne de la colonisation qui, tout en préservant préservant l’indépendance politique des habitants des pays concernés, permettra à des sortes de “grands frères” (terminologie à la mode) d’apprendre enfin aux Africains à se prendre en main dans toutes les activités agricoles, industrielles, techniques, etc. de la vie d’un pays véritablement moderne, véritablement libre. La politique dans ces pays est trop sérieuse pour être confiée à des politiciens patentés qui, depuis des générations (ne sont-ils pas les héritiers des petits ou grands chefs qui ont survécu à la colonisation, héritiers aussi des fournisseurs d’esclaves ?) exploitent leurs concitoyens… Cordialement, Jean-Claude Lahitte P.S. le suis particulièrement d’accord sur un point; les aides alimentaires, si elles permettent à des industriels occidentaux de se débarasser à bon compte, ou, en tout cas, avec bonne conscience, de surplus dont ils ne savent que faire, entraîne dans les pays “bénéficiaires” la misère des paysans producteurs de cultures vivrières qui sont la base de l’alimentation, tout en faisant la fortune des “intermédiaires” qui revendent certes à bas prix, des produits qui ne leur ont rien coûté !

    27 octobre 2005 à 20 h 29 min
  • gaius Répondre

    “CHARITY BISNESS” , c’est tout ce que c’est , 1 % arrive dans les mains du peuple africain tout le reste passe en gros salaires,frais de bouche, bagnoles et voyages pour les “humanitaires” et compte en suisse et palace pour les “dignitaires” africains . Quand un type dans la rue fait la manche pour unicef avec la photo d’un petit noir sur le ventre , je suis à 2 doigts de le baffer , nous demandez des sous à NOUS , alors qu’on arrive pas à finir le mois et qu’on croule sous les impôts !!!!!

    27 octobre 2005 à 14 h 01 min
  • LESTORET Répondre

    C’est tout à fait exact: la décolonisation de la plupart des pays d’Afrique a été trop brutale et trop rapide; les pays concernés n’ont eu et n’ont encore ni les moyens humains, ni les moyens financiers d’assumer leur indépendance. L’octroi régulier de milliards de dollars ou d ‘euros aussi bien que la remise des dettes, n’ont d ‘autre effet que de grossir les comptes à l’étranger des potentats qui régulièrement ou non dirigent ces pays. Je crois que la seule solution pour leur développement qui aura pour effet de réduire leur tentation d’émigrer vers l’Europe, serait de faire admettre un droit (ou devoir) d’ingérence d’un pays donateur, soit à travers l’ONU soit par des accords bilatéraux, afin que le donateur puisse contrôler la destination des fonds et s’assurer qu’ils contribuent bien au développement du pays intéressé. Je suis assez surpris que la France dont l’humanisme est bien connu, n’ait pas encore songé à ce mode d’action qui non seulement confirmerait sa qualité de “puissance africaine” mais aussi lui permettrait de développer sa renommée dans le continent noir. Malheureusement une telle action n’a probablement pas d’impact électoral en France.

    23 octobre 2005 à 19 h 44 min

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