Le triomphe posthume de Ben Laden

Le triomphe posthume de Ben Laden

On ne serait pas long à décliner la litanie des succès de Ben Laden.

  • Le premier, c’est qu’il a ruiné l’Amérique et aussi l’Europe, accélérant la prise du pouvoir économique et même politique par les pays émergents, jadis dits du tiers-monde. Les scandaleuses politiques monétaires des banquiers centraux, mises en place au lendemain des attentats, ont permis chez nous le triplement des prix de l’immobilier et la formation d’une montagne de dettes tant privées que publiques, par la suite d’une « politique accommodante », comme disent les irresponsables de nos gouvernements.

Cette ruine occidentale a permis le triomphe des fonds souverains de la Chine, bien sûr, et aussi des pays arabes et du Golfe. Ce n’est pas le misérable hold-up sur les fonds libyens qui écartera l’évidence : nous n’avons plus d’argent, eux en sont comblés. La montée des prix du pétrole n’aura cessé aussi, sur fond d’insécurité et de terrorisme tant redouté, d’enrichir les spéculateurs et les pays pétroliers de la planète, où se recrutent la plupart de nos ennemis. C’est la famille Ben Laden qui a construit les infrastructures de La Mecque, dans les années 2000.

  • Le deuxième succès est militaire. L’armée américaine est devenue un monstre ruineux et non opératif, un peu comme l’ancienne Armée rouge et aussi notre Éducation nationale. Il lui a fallu trois ans, trois billions et 300 000 hommes pour venir à bout d’une impossible guerre civile en Irak. Il a fallu privatiser l’armée, puisque, comme aux bons vieux temps modernes, il n’y a plus que les mercenaires qui acceptent de se faire tuer sur le champ de bataille. Nous venons de perdre 50 hommes en avril en Afghanistan, nouveau Vietnam, où l’on fait Dieu sait quoi, en y perdant aussi un ou deux milliards par jour. Nous ne sommes même plus capables d’aplatir Kadhafi, que Reagan humiliait en s’amusant. Il aurait mieux fait d’en finir avec lui, comme Bush père aurait dû faire avec Saddam Hussein en 1991.

  • Il y a ensuite la victoire morale de l’islamisme : car maintenant l’occident n’est plus raciste ou colonialiste, ou croisé, l’occident est « islamophobe ». Les attentats du 11 septembre n’ont pas empêché la poursuite des vagues migratoires qui n’ont plus aucune logique économique : cette logique est théologique et politique.

Sous couvert d’islamophobie, on nous expliquera que l’on n’a pas le droit de brûler un bouquin, de se plaindre de la construction de la trois millième mosquée française, que l’on n’a pas le droit d’humilier un terroriste ou de caricaturer le prophète, et que l’on a le droit de souiller l’image du Christ ou de s’écraser quand une meute met à sac l’ambassade du Danemark ou une église orthodoxe irakienne gorgée d’infidèles. Le mot Al Qaeda, battu et rebattu, a permis aussi de fermer les yeux sur l’essentiel : la menace islamiste planétaire ; le buisson a caché le désert.

  • Mais le vrai et virtuel triomphe de ben Laden, moins tangible, est aussi une cerise sur le gâteau. Peu de gens ont cru en sa mort, peu de gens avaient cru aux attentats du 11 septembre ; beaucoup de gens avaient fait leurs les théories conspiratives. Comme le Goldstein du 1984 d’Orwell, Ben Laden est une image de synthèse, une création numérique, un virus. On ne sait quoi penser de lui et du coup on se met à douter de l’ennemi et de la logique du combat. Nous sommes désarmés avant d’être partis en guerre, et cela aboutit à l’apathie du public et des nations. Bref, l’occident est déconsidéré sur le terrain informationnel et épistémologique. La grande guerre sainte rime avec la grande guerre feinte. C’est d’ailleurs pour cela que les Américains ont élu Obama en 2008 : pour se faire pardonner leur islamophobie, et parce qu’ils sentaient aussi, comme mon vieux Rantanplan, confusément quelque chose.

Le fait de plonger Ben Laden dans les eaux, comme la cathédrale engloutie de Debussy, ne fait que renforcer se sentiment de malaise qui a pollué les années Bush. Pourquoi agir ainsi ? Par peur que les musulmans ne s’en fassent une idole ? C’est déjà fait. Par peur que l’on exhibe le cadavre et que l’on prouve que ce n’était pas le sien ? C’est déjà supposé. Lénine du XXIème siècle, Ben Laden aura de toute manière droit à son mausolée. L’occident croisé, chrétien et capitaliste, n’a qu’à bien se tenir.

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Comments (6)

  • Gilles Répondre

    Ben Laden. Les armes de destructions massives. La guerre contre la terreur. La lutte contre le fascisme. Honnêtement, le sans-gêne avec lequel les dirigeants se foutent de notre gueule me sidère. Je suis absolument convaincu, en observant la manipulation du public autour de Ben Laden, qu’il y a eu aussi manipulation au sujet d’autres faits, antérieurs de quelques décennies, et qui profite aux mêmes personnes, et que la loi m’empêche de citer. Vae victis!

    10 mai 2011 à 22 h 24 min
  • vozuti Répondre

    ce n’est pas ben laden qui a affaibli l’occident,c’est l’idéologie mondialiste.le vers était dans le fruit.les arabes héritent du territoire européen sans avoir besoin de combattre et les chinois héritent de l’industrie occidentale.les occidentaux se suicident en votant pour les mondialistes verreux.

    10 mai 2011 à 16 h 11 min
  • Rosanov Répondre

    “Triomphe posthume …” c’est un truc complètement catho ça ! Mais NON DE DIEU refoutez-nous Pierre Lance, il avait tout compris de ce lavage de cerveau bi-millénaire qui consiste à se glorifier quand on perd, à tendre l’autre joue quand on prend une bonne claque et à battre sa coupe (magnifique attitude s’il en est). Pour une fois je tire mon chapeau aux Ricains, qui rentrent pas trop dans ce genre de culpabilité. Je leur fais confiance aussi pour continuer le job avec les autres qui gravitaient autour de BL. J’approuve aussi la façon dont ils l’ont fait disparaitre : sans doute dans un sac poubelle. Croyez-moi ça marquera certaines esprits qui comprennent ce qui les attend sans doute prochainement. Cette façon de traiter – peu coutumière des Ricains qui adorent souvent le grand médiatique – répond à la juste devise de Gemayel : “face au terrorisme parle à voix basse et promène-toi avec un très gros baton”. Bref après avoir frappé fort et assez discretement il faut se réjouir du résultat et que ça encourage à frapper encore et encore, salement, discretement et traiteusement. C’est là la meilleure pub à faire. Réservons aux Muslims-intégristes le nouveau plaisir de se consoler à la mode catho : qu’ils se disent qu’ils ont un magnifique martyr (leur Subito Santo en somme).

    10 mai 2011 à 9 h 56 min
  • SMALL BARTHOLDI Répondre

    Un mythe ne meurt que très lentement, parfois même jamais. Ben Laden est un mythe, et sa mort ne fera que renforcer le phénomène. C’est la revanche armée des Musulmans contre l’Occident, ou ce qu’il en reste. Les négationnistes du 11-Septembre n’y changeront rien. De plus en plus, il symbolise la revanche armée contre l’Amérique, car l’Europe a capitulé en rase campagne. Le concept même d’Occident n’a plus rien de pertinent et ne survivra pas au siècle. Les Américains ont élu Obama pour que ce soit lui et personne d’autre qui tue Ben Laden. Les Français ont préféré le couple Sarkozy-Bruni. Chacun sa méthode et ses résultats. Contrairement aux apparences, l’histoire poursuit sa course.

    10 mai 2011 à 0 h 58 min
  • Clément Répondre

     

    TOUT à fait d’ACCORD. Bravo

    9 mai 2011 à 17 h 56 min
  • Bennati Répondre

    Cet article ne mérite aucun commentaire, iol fait partie de l’arsenal populiste du capital mondialisé.

    9 mai 2011 à 15 h 42 min

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