L’extraterritorialité du droit américain

L’extraterritorialité du droit américain

Les commissions des Af­faires étrangères et des Finances de l’Assemblée nationale viennent de rendre un rapport sur l’extraterritorialité de la législation américaine.

Cet excellent travail permet de révéler au grand jour un aspect des actions judiciaires et administratives américaines trop souvent ignoré, y compris par nombre de spécialistes du droit international.

L’ampleur de ces actions crée d’ailleurs un réel malaise, tant ces actions affectent nombre des intérêts d’entreprises françaises et européennes et apparaissent très intrusives.

Nous avons tous en mémoire le jugement de Raymond Aron sur les États-Unis – « La République impériale », concept qu’il opposait à « impérialiste ».

La lecture de ce rapport est de nature à remettre en cause l’analyse de Raymond Aron.

Nous sommes même en droit de nous poser la question du degré de confiance que l’on peut avoir dans cet allié !

Il est vrai que nous savons, de­puis Phèdre, citée par Jules César dans « La Guerre des Gaules », que l’on ne doit « ja­mais avoir de confiance dans l’alliance avec un puissant ».

Mais il y a un autre trait qui doit être souligné, c’est notre propre faiblesse et, surtout, l’absence de réactions de notre gouvernement face aux agissements d’un État étranger en France qui sont autant de violations de notre souveraineté.

Tel est le cas de l’installation de « moniteurs » dans des entreprises pour vérifier qu’elles res­pectent les décisions de la justice américaine qui sont surtout des mesures de contrainte, sans dé­cision d’un juge français, en violation de notre souveraineté.

Ayant eu l’honneur d’être juriste à la Direction des Affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères sous l’autorité de très grands serviteurs de l’État comme Gilbert Guillaume, futur président de la Cour internationale de Justice, ou Noël Mu­seux, dans les années 1980, nous avions su mettre un terme aux prétentions abusives de nos chers amis américains (affaire Ourengoï, code OCDE sur les transferts de données, enquêtes de la SEC, Securities and Ex­change Commission…).

Le gouvernement français d’alors avait fermement appliqué la loi de blocage de 1968, modifiée en 1980, face aux prétentions extraterritoriales américaines.

Il est sans doute nécessaire aujourd’hui de renforcer les sanctions pénales et pécuniaires de cette loi.

Or, qu’on le veuille ou non, les lois extraterritoriales américaines conduisent, tôt ou tard, à des conflits de souveraineté purs et durs qui ne pourront se régler que par l’arbitrage interétatique.

Nous avons cette possibilité d’attraire les États-Unis à cet ar­bitrage, en application de la Convention d’établissement franco-américaine du 25 no­vembre 1959.

J’en ai demandé l’application à plusieurs reprises au ministre des Affaires étrangères. En vain. Ce qui est un signe de faiblesse inadmissible de la part de notre diplomatie et un mauvais signal adressé à l’Administration américaine.

De deux choses l’une : ou les États-Unis prennent conscience qu’ils vont trop loin et nous trouvons des solutions qui respectent nos intérêts ; ou nous serons amenés à prendre des mesures de rétorsion sur le plan français et européen.

À l’ère des puissances relatives, le Congrès des États-Unis et l’Administration américaine risquent d’apprendre que le mon­de n’est pas fait à leur image.

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Comments (1)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    d’ accord ! et on fait quoi avec des ” puissances relatives ” * ?

    … d’ ailleurs est ce seulement mathématique ?

    les U.S.A. sont un colosse aux pieds d’ argile ( et pourquoi le pluriel pour ce pays clopinant sur un seul pied ) quand on sait maintenant qu’ une petite bande d’ amateurs encore acnéiques a réussi a paralyser son Inter’net alors que l’ Administration monomaniaque n’ a surtout pas manqué d’ accuser l’ affreux Comte Vladimir Orlov et ( un peu moins ) les dragons chinois

    27 octobre 2016 à 15 h 12 min

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