L’extraterrorialité des lois américaines

L’extraterrorialité des lois américaines

Au moment où la France entame une partie de bras de fer avec les États-Unis sur la taxation des GAFAM – l’action de la France est plus que légitime –, voici une synthèse de mon intervention sur l’extraterritorialité des lois américaines lors d’un colloque organisé le 13 juin 2019 à l’Assemblée nationale.

J’ai passé dix ans de ma vie à la Direction des Affaires Juridiques du Quai d’Orsay. Il nous est arrivé plus d’une fois de bloquer les Américains et de réussir, parce qu’il y avait une volonté politique de les bloquer.

Comme le disait le député Olivier Marleix, le point central est de savoir si on veut s’opposer ou si on se couche.

L’extraterritorialité a toujours existé. Notre Code civil traite d’un certain nombre de délits commis par les Français ou sur des Français à l’étranger.
La Commission européenne a condamné ou accepté des fusions qui avaient lieu aux États-Unis, mais qui comportaient des effets sur la concurrence loyale et non faussée en Europe.

Alors pourquoi le problème se pose-t-il avec les Américains ?

Ce n’est pas tout à fait la même chose. Quand on dresse la liste des lois américaines qui ont des connotations ou des finalités extraterritoriales, leur nombre et la variété des sujets concernés sont étonnants.

Citons le fameux Foreign Corruption protection Act de 1977 ; l’International Emergency Economic Powers Act de 1977 sur le non-respect des embargos ; la loi interdisant de « commercer avec l’ennemi » de 1917 ; la loi RICO de 1970, qui est d’abord une loi anti-mafia mais qui comporte des effets extraterritoriaux ; la loi Helms-Burton contre Cuba de 1996 ; etc.

Le droit extraterritorial américain est une idéologie nationale. Bien sûr, les Américains prétendent qu’ils luttent contre le Mal. Mais il s’agit de lois d’instrumentalisation qui marquent la volonté de l’Amérique impériale. Raymond Aron a dit des États-Unis que c’était une « puissance impériale ». Elle est même devenue impérialiste parce qu’elle veut tout contrôler.

Le système d’extraterritorialité juridique repose sur un seul élément : le critère de rattachement d’un acteur étranger avec les États-Unis, qui sert de base aux poursuites.

Aujourd’hui, avoir utilisé le dollar ou une adresse « gmail », c’est-à-dire les serveurs américains, donne à la justice américaine ce lien de rattachement qu’elle réclame pour être compétente.

Ce n’est pas acceptable.

Alors comment lutter ? Indépendamment de la volonté politique, il faut savoir déceler un certain nombre d’ambiguïtés.

La première ambiguïté, ce sont les attitudes de nos propres sociétés. Dans l’affaire BNP, le gouvernement français a été mis au courant par la BNP sept à huit ans après les faits, les dirigeants de cette banque prétendant se débrouiller seuls.

Le rôle ambigu des avocats doit être aussi souligné : le directeur des affaires juridiques d’Alstom avait proposé des solutions, mais que les avocats américains ont protesté vigoureusement : il fallait plaider coupable !

En effet, les avocats américains se gratifient d’un monceau d’honoraires qui n’a rien à avoir avec ce que les avocats parisiens vont percevoir. On comprend qu’ils essaient d’attirer les affaires là où le cash va tomber, aux États-Unis.

Il faut compter aussi avec le Département de la justice américaine, dont les membres travaillent en connivence avec les services américains.

Et puis, n’oublions pas les moniteurs, qui sont placés dans un certain nombre de sociétés françaises, pour vérifier la « compliance » – c’est-à-dire la conformité des normes et des comportements anti-corruption dans la société.

À mon sens, avoir sur le territoire national des moniteurs directement liés à la Justice américaine constitue une violation directe de notre souveraineté.

Il est nécessaire de réformer la Convention OCDE de 1997 et de refonder la compétence juridictionnelle sur des liens réels avec l’État qui veut poursuivre des personnes ou entreprises devant ses tribunaux.

Si vous ne démontrez pas votre force vis-à-vis des États-Unis, il est certain qu’ils continueront.

Des mesures de rétorsion sont possibles. J’en avais ainsi proposé une : demander à Goldman-Sachs de nous rembourser ce que nous ont coûté l’adhésion de la Grèce et la falsification de ses comptes. Il y en a pour plus de 150 milliards d’euros !

C’est un problème de volonté politique, et j’en terminerai par cette fameuse phrase du latin Virgile : « Jamais de confiance dans l’alliance avec un puissant ! »

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Comments (14)

  • Alain Répondre

    Pensez vous vraiment que l’Allemagne puisse , elle aussi , quitter son état de vassal des USA : le charbon am”ricain arrive encore a concurrencer le gaz russe !

    19 août 2019 à 14 h 20 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      ça viendra !

      laissons du temps au temps

      le peuple américain , comme nous, n’ a pas les dirigeants politiques qu’ il mériterait

      19 août 2019 à 20 h 04 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    ” Le Point ” pose une question pour le moins farfelue

    ” Israël est il le vassal des Etats Unis ? ”

    la question a poser serait plutôt celle ci :

    ” les ” Américains ” sont ils les vassaux des ” Juifs ” ? ”

    et la réponse est : OUI !

    nota bene :

    ce mot ne contient aucun message plus ou moins subliminal d’ anti-sémitisme , il décrit plus simplement une réalité politique, culturelle, et économique internationale

    17 août 2019 à 11 h 46 min
    • Bistouille Poirot Répondre

      …Cette manie de vouloir toujours séparer deux communautés passées sur les mêmes fonds baptismaux.

      19 août 2019 à 7 h 52 min
      • Bistouille Poirot Répondre

        En Egypte, Bonaparte avait bien proposé à ses troupes d’embrasser avec lui, la religion musulmane. Seules la circoncision et l’interdiction de consommer de l’alcool fit échouer le projet

        19 août 2019 à 7 h 59 min
    • Bistouille POIROT Répondre

      En Egypte, Bonaparte avait proposé à ses troupes de se convertir avec lui à la religion musulmane.
      Seules la circoncision et l’interdiction de consommer de l’alcool fit échouer l’opération. A quoi sert il de d’imaginer un lien quelconque de vassalité entre les USA et les juifs. Ils sont en grande partie passés sur les mêmes fonds baptismaux.

      19 août 2019 à 8 h 07 min
      • quinctius cincinnatus Répondre

        qu’ entendez vous par ” fonds baptismaux ” ?

        Wall Street ? … la F.E.D. ? … la Bible ?

        19 août 2019 à 9 h 50 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    ” le F.B.I. fait une descente dans l’ île de Little St James ”

    pour faire le ménage ?

    à relever que rien de ce genre n’ avait été fait depuis … 2002 !

    bizarre, vous avez dit bizarre ?

    14 août 2019 à 15 h 26 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    depuis VINGT et UN ans aucun détenu ne s’ était suicidé au Metropolitan Correctional Center de New – York !

    bizarre , vous avez dit bizarre ?

    14 août 2019 à 15 h 18 min
    • Bistouille Poirot Répondre

      Si maintenant les “vassaux” des Etats Unis se suicident en prison….

      19 août 2019 à 7 h 46 min
    • Bistouille Poirot Répondre

      Si maintenant les “vassaux” des américains se suicident en prison….
      En Egypte, Bonaparte avait bien proposé à ses soldats d’embrasser avec lui la religion musulmane. Seules la circoncision et l’interdiction de consommer de l’alcool fit échouer l’affaire…

      19 août 2019 à 8 h 19 min
      • quinctius cincinnatus Répondre

        normal que d’ allier le Pouvoir Spirituel avec le Pouvoir Temporel… tout homme politique en rêve !

        c’ est ce qu’ avaient fait, entre autres, les Empereurs Romains, les Rois de France et le Saint Empire Romain Germanique ( celui de Charlemagne ) ainsi que les tsars : une théocratie ça vous donne les pleins pouvoirs, vraiment les pleins pouvoirs, sur le Peuple et sur les Courtisans et c’ est bien ce qu’ avait compris Napoléon Bonaparte

        19 août 2019 à 9 h 58 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    tiens, tiens Trump menace, menace seulement, de quitter l’ O.M.C.

    excellent article sur l’ U.S. $ dans ” Le Figaro “

    14 août 2019 à 7 h 36 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    excellent article de Mr Myard ; tout y est ( à peu près ) dit et de façon particulièrement claire; la citation de Virgile décevra certainement les très nombreux et inconditionnels admirateurs de nos ” amis ” américains journalistes, correspondants, ou blogueurs des ” 4 Vérités ”

    j’ aurais aimé, que l’ article comporte également une proposition d’ extension des compétences en matière économique de la Cours de Justice Européenne ; une idée à creuser urgemment ! mais je pense que lorsque l’ Allemagne aura été impactée, dans ses exportations, par l’ Administration américaine cela se fera

    13 août 2019 à 19 h 56 min

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