Lu dans la presse : Le peuple selon julliard

Lu dans la presse : Le peuple selon julliard

Jacques Julliard est l’un des rares éditorialistes de gauche qui soit capable d’émettre des analyses fines et souvent objectives. La consternante médiocrité de celle qu’il donne du Tea Party dans Le Nouvel Observateur du 11 novembre témoigne du malaise qui a saisi nos bien-pensants journalistes après la déroute électoral de Barack Obama.

« Les dames sorcières à la Sarah Palin, les Mama Grizzlies, des pasionarias réactionnaires, l’apposition obsessionnelle du nom d’Adolf Hitler à celui de Barack Obama sur Fox News, tout cela comporte une tonalité de revanche raciale et même de lointains relents de Ku Klux Klan. Il n’est pas besoin d’être grand psychanalyste pour comprendre que l’équation Obama = Hitler est une façon détournée pour le subconscient fasciste de suggérer : "Plutôt Hitler qu’Obama ! " On assiste dans les profondeurs du pays à une sorte de retour du refoulé, comme si une nation effarée de la générosité qui l’a portée, il y a deux ans, à élire un Noir lui en faisait, avec le recul, payer le prix fort. »

Ce décryptage pseudo-psychanalytique est intéressant. Car pourquoi ce qui est bon pour les journalistes de Fox News ne le serait-il pas pour ceux du Nouvel-Observateur et d’autres journaux qui nous ont habitué depuis des années à crier aux fascisme et au nazisme dès qu’un politique de droite marque des points ? Tous ceux qui crient « Le Pen = Hitler », par exemple, voudraient donc suggérer, selon la logique de Jacques Julliard, « Plutôt Le Pen que Hitler » ? Ça en fait, des nazis de gauche !

Un aveu encore plus intéressant se glisse sous la plume de Julliard, qui appelle aussi une analyse « pychanalytique » : c’est qu’il va de soi, pour l’éditorialiste du Nouvel-Observateur, que Barack Obama na pu être élu que par « générosité ». Pourquoi ? Parce qu’il est noir, pardi ! Aux yeux de Julliard, les Américains n’ont pas voté pour un homme, mais pour un Noir. Leur désillusion, leur déception prévisible devant une politique qui leur semble inférieure à ce que des circonstances particulièrement difficiles exigeraient, ne peut donc s’expliquer que par la victoire de l’égoïsme de race sur la générosité. CQFD, nous dit Julliard. Mais son raisonnement n’est-il pas lui-même obscurément raciste ?

La médication de la gauche Diafoirus

Le reste de l’édito est de la même eau. Le Tea Party américain est confondu, au prix d’amalgames audacieux, avec le lepénisme en France ou la « dénazification escamotée » de l’extrême droite autrichienne.

Julliard développe son argument principal dans le dernier paragraphe de l’article : « le populisme du peuple n’est que la conséquence de l’élitisme des élites. Il ne servirait à rien de faire honte au peuple de son antiparlementarisme, de son économie politique sommaire ("Prendre l’argent là où il est"), si l’on ne mesure pas à quel point l’arrogance de l’argent, le creusement des inégalités, l’installation d’une société à deux vitesses sont à l’origine de la grande jacquerie qui s’annonce un peu partout. Si l’on veut empêcher qu’à l’opposition droite-gauche se substitue la division peuple-élite, pour le plus grand dommage de la gauche et de la démocratie, en un mot si l’on veut éviter le populisme, alors il faut se placer résolument du côté du peuple. »

Tiens ! La gauche ne s’y trouve-t-elle donc pas dès l’origine, par vocation proclamée ? D’ailleurs, n’est-ce pas elle, cette bonne vieille gauche, qui a appris au peuple et continue à lui seriner qu’il faut aller prendre l’argent où il est ? Ne dénonce-t-elle pas depuis des années l’arrogance de l’argent, par exemple par la bouche de François Hollande, qui lui-même n’en manque pas ? Ne se plaint-elle pas de longue date de l’instauration de cette société à deux vitesses, à l’avènement de laquelle son long passage au pouvoir a puissamment contribué ?

Peu importe. Ce que veut nous dire Jacques Julliard, c’est que pour « éviter le populisme », il faut être se mettre du côté du peuple, non pas en l’épousant, ni même en l’écoutant, mais à la manière d’un médecin auprès d’un malade, lui délivrant pour toute médication la vieille potion idéologique que lui ressert la gauche depuis des années.

Le prétendu populisme a de beaux jours devant lui.

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Comments (5)

  • HOMERE Répondre

    Sembour ne donne un aperçu du populisme que par opposition aux élites étatiques ou celles issues des urnes.Le populisme a aussi une dimension intrinsèquement anarchiste dont les effets pervers peuvent avoir de graves conséquences.Ses expressions erratiques et ses positions inconstantes ne permettent pas d’affirmer durablement ses choix.Les paramètres quasi individuels de l’expression populaire sont autant d’incapacité à formuler des revendications globales.Seuls les groupes constitués et représentatifs sont fondés de porter l’opinion populiste globale après des choix majoritaires.

    Que le "peuple" soit mal écouté, mal compris et privé d’expression ne vaut pas pour autant blanc seing au populisme et aux vertus dont il serait seul pourvu.La versatilité des individus et leur promptitude à virer leurs comportements font que le "populisme" en tant que tel reste une vue de l’esprit et une fiction dont se prévalent justement les élites.Sans organisation stratifiée,il n’est pas de représentation du peuple; la question de dévoiement des aspirations populaires est une affaire délictueuse de la part de ceux qui ont reçu ses mandats…c’est autre chose !! le sentiment d’être inaudible et incompris provient de l’absence de structure démocratique dans laquelle il serait possible aux individus de s’exprimer.Ils le font aujourd’hui par le biais de gadgets et de palliatifs globalement vains et inefficaces (émissions radio ou TV du type :"la parole aux auditeurs" "expression directe"…ou par internet sur les sites et blogs,ou encore par les manifestations de rues) autant d’exutoires qui servent de cautères et de caution à une parodie expressive réelle du peuple.Le populisme est le fruit de cette situation.Les élites se satisfont de ce qu’ils croient être, avec les sondages, les moyens suffisant d’expression des individus.

    N’a t’on pas justifié les grèves contre la réforme des retraites par l"opinion" contraire à ces réformes ? l’opinion s’étant en l’occurence exprimée par sondage ? bien sûr que oui !!

    Alors la stratégie "populiste" n’est qu’une brume épaisse dans laquelle se noient les vélléités populaires portées par des rancoeurs et des rancunes dont les auteurs sont désignés,faute de mieux,à la vindicte du peuple ayant trouvé le nécessaire bouc émissaire. Pas plus ni moins !!

    17 novembre 2010 à 11 h 01 min
  • Gérard Répondre

    Cher Sembour, c’est pour des moments de bonheur, comme celui passé à la lecture de votre définition du populisme, que je parcours tous les commentaires de ce site. Très vrai, bien analysé et énoncé clairement !

    17 novembre 2010 à 0 h 03 min
  • Anonyme Répondre

    C’est toujours la même histoire: le peuple livré à lui-même a toujours tort.

    On ne peut pas lui faire confiance. Cet imbécile de peuple est tout à fait capable de rejeter les valeurs les plus sacrées de PROGRES social dont la GAUCHE universelle se SAIT et se DIT la championne patentée.

    Ce crétin de peuple peut même se livrer aux pires abominations et s’en prendre à l’ADMINISTRATION ETATIQUE elle-même,  qui n’est pourtant créée QUE pour son bien et n’est gérée QUE par des fonctionnaires indépendants de toute pression ou idéologie, zélés et arc-boutés à promouvoir les lois, codes, circulaires, arrêtés, arrêts, décisions, édicts, règles, jurisprudences, qui SEULS permettent au peuple de ne pas dérailler, ni de sombrer dans l’abomination suprême : le POPULISME.

    Le POPULISME est le mot qui cristallise l’horreur intellectuelle ultime, la négation du grandiose projet de progrès de l’humanité sous le haut patronage des idéologies synthétiques qui ont seules obtenu l’imprimatur officiel, sans aucune interférence extérieure ni pollution surnaturelle.

    Le POPULISME identifie l’ennemi ABSOLU, l’abjection parfaite, le DANGER NUMERO UN, c’est-à-dire le droit que le peuple voudrait s’arroger de renverser ses élites, quelles qu’elles soient, même les plus légitimement légales, et de remettre en question les acquis imprescriptibles du progrès social : la charité d’Etat, l’assistanat, les impôts confiscatoires, le risque zéro ou tendant vers zéro obligatoire, l’avortement des très jeunes, la retraite des jeunes, la santé éternelle, l’euthanasie pour les blasés ou les déçus, la prison pour les ennemis du système, l’asile pour les rebelles.

    Le POPULISME est la négation la plus grave de la SECURITE DE L’EMPLOI POUR TOUT MEMBRE DE LA NOMENKLATURA politique (de toute tendance et dénomination), pour tout chef et petit-chef, pour tout syndicaliste, tout délégué, tout apparatchik, tout fonctionnaire honnête ou pas, tout baratineur diplômé, tout escroc autorisé. Comment tolérer une telle abomination ?

    Ne commence-t-on pas à voir des gens qui refusent des mesures aussi anodines que la radioscopie attentive de leur corps dans les aéroports, qui osent se cabrer quand on leur tripote l’entrejambe et le derrière pour accéder aux places d’avion qu’ils ont payées. Ils refusent de comprendre que ces mesures sont nécessaires pour la survie des agents en charge (qui de plus pourraient trouver des armes à usage terroriste) et certains savent et ressentent le fait que les passagers d’avions privés ne sont pas soumis à ces mesures réputées imposées par la loi.

    Le POPULISME est en lui-même la preuve qu’il faut dissoudre le peuple, dans de gigantesques bacs de chaux vive virtuels, ou réels si nécessaire. 

    Le POPULISME est le mot exact qui cristallise la haine des élites pour le peuple, toujours plus stupide, qui N’A RIEN COMPRIS au film pourtant si coûteux qu’on lui joue.

    Plus généralement la terre et ses vraies élites n’ont plus besoin de l’être humain de base. Sauf quelques mini sanctuaires autorisés, il faudra évidemment à terme éradiquer l’homme et revenir à la nature vierge des dinosaures et même avant eux,  car les dinosaures avaient un comportement social douteux qui pourrait raviver des arrière-pensées nazies. Il faudra revenir au paradis terrestre, revu et corrigé par l’homme non populiste, ce  héros seul appelé à survivre au populo.

    16 novembre 2010 à 13 h 10 min
  • Alceste Répondre
    Consternant. Et le mot est faible. C’est pourtant bien ce même Jacques Julliard, éditorialiste de gauche lucide, une rareté – auteur de la phrase : « L’antiaméricanisme est le socialisme des imbéciles », dans le corps d’un article époustouflant et retentissant dans Libération du 13/11/2001, au lendemain de la tragédie du World Trade Center. Le papier débute ainsi : « Pourquoi faut-il que depuis le début du siècle, une fois passé l’épisode glorieux de l’affaire Dreyfus, les intellectuels français se soient mis à choisir systématiquement le camp des ennemis de la liberté ? […] J’avais cru pouvoir naguère définir l’antiaméricanisme comme le socialisme des imbéciles. Je me trompais. Ou plutôt, ma définition, que je croyais fort large, était encore trop restrictive. Il y manquait la grande complainte de la frustration. Avec l’effondrement du marxisme, cette vieille chanson qui, un siècle durant, avait bercé le cœur des intellectuels, l’antiaméricanisme était devenu la valeur refuge de presque toute la classe éduquée, le négatif de toutes les espérances passées et ­ qui sait ? ­ La pierre d’attente pour de nouvelles illusions. »
    On voudrait retrouver de tels talents dans les milieux de droite. Il faut le dire, c’est rarement le cas. J’invite les lecteurs des 4 Vérités à lire ou à relire in extenso cet article qui vaut vraiment qu’on s’en donne la peine. (
    http://www.liberation.fr/tribune/0101393012-misere-de-l-antiamericanisme.
    Hélas, on voit qu’il arrive aussi aux meilleurs plumes, les plus averties, de sombrer dans le manichéisme. Si le fermier du Middle West et le chômeur de l’Illinois en ont marre d’Obama, eh bien ils en ont marre, voilà tout. Si talentueux que soit J. Julliard, il ne lui appartient pas de donner une leçon de savoir-vivre politique à la grande démocratie américaine. Moins encore de l’insulter. Que viennent faire là le FN et le Ku Klux Klan ? Et pourquoi pas non plus des épigones de la Cagoule et des milices de Darnand, tant qu’à faire ? Est-ce qu’aux yeux des intellectuels de gauche il n’est vraiment de BON PEUPLE que le peuple de gauche ? Et, qu’a contrario, ceux qui votent à droite sont nécessairement des rebus réactionnaires, ou pire, des fascistes ? Eh bien oui ! Venant des sectaires de l’extrême-gauche dont c’est le verbiage habituel de telles déjections verbales n’étonnent pas. Mais d’un Julliard !
    On a envie de gueuler aux socialistes : mais commencez donc par nettoyer vos écuries d’Augias des raclures trotskistes et crypto communistes qui infestent vos rangs ! Après quoi, vous pourrez peut-être cracher sur le Front national.

    Il est attristant qu’à propos du revers électoral subi par le président des États-Unis, Jacques Julliard sélectionne lui aussi les « bons américains » qui soutiennent Obama, et insulte les « mauvais » qui n’ont pas voté comme il faut, c’est-à-dire à gauche.  Ah, le peuple !… Cette vision manichéenne du monde caractérise la pensée de gauche qui se ressent toujours des théories révolutionnaires germées dans la cervelle des utopistes du XIXe siècle. Ce poison d’une idéologie de classes qui oppose le bon pauvre au méchant riche, l’inclus à l’exclus, l’exploités à son exploiteur, le bon Nègre au méchant Blanc, le brave immigré au sale raciste. Cette idéologie qui fabrique des ennemis du peuple a conduit aux tueries de masse du 20e siècle. Au surplus, l’antiracisme de plateau ou d’édito est la béquille éditoriale nécessaire, et d’ailleurs suffisante, pour s’assurer de bons plan-médias. Julliard n’avait pas besoin de ce genre d’artifice.  Pas lui !

     Ah, le peuple ! Mais que d’absurdités qui remplissent des bibliothèques entières, que de crimes n’a-t-on pas commis en son nom ? Mais qu’est-ce donc cette « grande jacquerie qui s’annonce un peu partout », dont parle Julliard ? Cette vieille rêverie de la révolution mondiale, toujours entrevue, toujours remise aux calendes grecques, n’a donc pas quitté la caboche des penseurs de gauche ? Même les plus intelligents, les plus cultivés, les plus libéraux pourrait-on dire, en sont donc encore à rêver de barricades à l’heure où la mondialisation des échanges tend à rapprocher les nations plus qu’à les opposer ? Voilà qui est désespérant.
    15 novembre 2010 à 20 h 55 min
  • grepon Répondre

    Une remarque devrait suffire en reponse a ce genre de commentaires pseudo-intellectuel:  

     Le fascisme ET le communisme…et le socialisme TIENS, sont tous les trois des etatismes, a des sauces et degres differents. 

    A partir de la, diaboliser Hitler plus que Mussolini mais moins que Pol Pot, Mao, ou Staline, dans un contexte ou les problemes des Etats-Unis et encore plus ceux de la France sont le resultat de trop d’etat, n’est pas pertinent.    Les TEA parties s’opposent au trop d’etat, en faveur de plus d’individu et de famille et du privee en generale.   Ils sont donc ennemis feroces des etatismes pousses(ils sont arme apr ici, et brandissent leur "Don’t Tread On Me" resolument) au meme temps qui’ils sont  egalement opposes, par moyens democratiques, contre la tyrannie molle des etatismes plus soft de Washington DC ou meme de Sacramento ou Albany(capitaux d’etats americains capture par syndicats d’employees d’etat et autres interets speciaux).

    15 novembre 2010 à 20 h 49 min

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