L’Union européenne, un monde « moderne »

L’Union européenne, un monde « moderne »

Pour faire court, la crise, c’est la progression du chômage et de la dette.

Nos chômeurs sont de vrais chômeurs, de longue durée, et de plus en plus nombreux. Ils sont près de 5 millions, plus environ 2,5 en âge de travailler et sans emploi.

La dette aussi est une vraie dette, et de plus en plus élevée : 1 950 milliards fin 2013, dont les deux tiers à l’étranger.

En 1973, le nombre moyen des chômeurs n’était que d’environ 650 000, de courte durée. Quant à la dette, c’était un jeu d’enfants : 8 % du PIB.

Et, de même que le chômage était pour l’essentiel un faux chômage (entre deux emplois), la dette aussi était en quelque sorte une fausse dette : la plus grande part était financée sans intérêt par la Banque de France.

Mais maintenant, nous sommes devenus des gens sérieux et modernes. Surtout modernes.

En termes de travail, donc de chômage, être moderne consiste à faire travailler les autres à notre place, si c’est moins cher, même si c’est loin. Ça s’appelle « mondialisation ». Pour cela, non seulement il faut gérer des marchés importants, disposer d’équipes de gestion et de contrôle performantes, mais il faut convaincre l’État de faire son affaire du chômage. Mais l’État aussi est « moderne » : il ne parle plus à des boutiquiers, il s’implique dans des accords internationaux compliqués, censés exporter des Airbus contre des chaussettes !

En termes de dette, être moderne, c’est traiter avec ce monde de la finance que déteste notre président, et qui a bien plus d’intérêt(s) que les tristes sires de la Banque de France. On a donc fait voter, un 3 janvier 1973, un texte interdisant à la Banque de France de prêter à l’État, qui devra désormais payer des intérêts bancaires.

Les curieux consulteront « L’En­quête sur la loi du 3 janvier 1973 » de P-Y Bourgeyron. Qu’ils sachent que, sur les 1 950 milliards de dette actuelle, le seul cumul des intérêts monte à 1 600 (dont 460 d’intérêts des intérêts). Autrement dit, avec des avances gratuites de la Ban­que de France, la dette serait aujourd’hui de 350 milliards au lieu de 1950. Pourquoi cette idée farfelue d’avoir fait payer ce qui était gratuit ?

C’est que « les avances faites à l’État sont la marque de la souveraineté monétaire d’un pays » rappelle l’auteur. Justement, Bruxelles n’en voulait plus, car elle empêchait l’instauration de l’euro. Cette mesure technique cachait donc le projet Euro. L’euro nous ruine et, en plus, on paie pour cela des « intérêts », qui ne sont pas perdus pour tout le monde.

Mais que ne ferait-on pas pour cette fameuse construction européenne, dont les bienfaits nous comblent tous les jours ? Encore, on envisage de confisquer le patrimoine des Français pour rembourser ces 1 600 milliards inutilement empruntés…

Plus moderne que moi, tu meurs ! Car le fin du fin, c’est le « capitalisme moderne ».

Fondé sur l’initiative individuelle et la prise de risque, le système capitaliste a enclenché au cours du XIXe siècle la plus grande révolution économique de l’histoire, appuyé sur le développement des sciences et des techniques. Mais c’était une époque de tâcherons, d’artisans et d’industriels appliqués. Aujourd’hui, on est modernes : l’avenir n’est plus aux industriels, mais aux financiers.

C’est ainsi que le capital, un des outils nécessaires du capitalisme industriel, est devenu l’alpha et l’oméga du capitalisme financier. Le capital se suffit à lui-même et, par là, ruine progressivement les populations dont le capitalisme industriel avait dé­cuplé le niveau de vie.

Les États, endettés jusqu’au cou, sont pris entre la pression des marchés financiers et celle de leur population sans espoir. Ce dilemme aussi, ni de droite ni de gauche, est moderne. Ne comptons pas sur l’Europe pour en sortir : c’est le socle de sa construction.

Il faudra payer un jour la facture de nos abandons.

Jean-Pierre Delmau

Partager cette publication

Comments (6)

  • TRICOT Répondre

    Tout à fait d’accord avec M Desoyer. J’ajoute qu’il y a environ 20 ans, le mot d’ordre en France était ” engouffrons nous dans les services, c’est l’avenir, en oubliant que sans production, il n’y a pas de service.
    Je me souviens aussi d’une conférence tenue il y ,a plus de 30 ans par Akio Morita, patron de Sony, aux États-Unis, il avait attiré l’attention sur le danger de se tourner vers les services ( déjà) il semble que les américains l’aient entendu.

    25 février 2014 à 18 h 55 min
  • fbastiat Répondre

    Le dette c’est l’Etat. Le chômage aussi puisqu’il résulte des coûts et des entraves que l”Etat impose à l’économie.
    Donc, pour faire court, la crise, c’est la progression de l’Etat.

    25 février 2014 à 15 h 01 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    pour les amateurs curieux de textes bibliques vous trouverez le mécanisme de cette ” escroquerie ” financière

    dans

    Génèse ; chapitres 34 à 50

    ou comment ” Joseph , fils de Jacob, en réservant l’épargne à Pharaon est parvenu à confisquer le capital … productif ” ***

    ” nihil novo sub Sole ( Invictus ! ) ”

    *** une citation de Eustace Mullins

    24 février 2014 à 16 h 38 min
  • DESOYER Répondre

    Qui peut refuser les progrès scientifiques et techniques?
    L’erreur qui a été faite est d’avoir trop privilégié les financiers par rapport aux techniciens.
    Ainsi, depuis plus de 20 ans, on place des énarques, voire des HEC, à la tête des grandes et moyennes entreprises au lieu des polytecniciens et des centraliens.
    On me dira que les scientifiques ne sont pas de bons gestionnaires et surtout pas de bons commerciaux.
    Peut-être, mais il n’empêche que les scientifiques doivent être à la tête des entreprises (hors entreprises financières et purment commerciales peut-êttre), quitte à ce qu’ils utilisent un HEC pour l’aspect commercial, voire un énarque pour la partie administrative, mais il ne doit pas y avoir inversion des valeurs.
    Ce sont ceux qui fafriquent les produits et les services qui doivent garder la haute main sur les entreprises, les commerciaux, les financiers et les administratifs doivent être là en appui.

    24 février 2014 à 11 h 53 min
    • quinctius cincinnatus Répondre

      les U.S.A. ont très récemment compris cela : un jeune ingénieur sortant d’un I.T.U. a MAINTENANT un salaire supérieur à un M.B.A. … ce qui n’empêche pas que la Finance soit toujours ” tenue ” par les … Financiers … d’où le mouvement de crise perpétuel de l’économie c.q.f.d.

      25 février 2014 à 19 h 12 min
  • TRICOT Répondre

    oui, nous, plutôt nos enfants paieront très cher. La puissance exponentielle de la finance combinée avec la fulgurante révolution technologique, ne nous permet plus d’imaginer un futur dans lequel l’homme pourra vivre, survivre.
    C’est une sorte de “trou noir” astronomique.
    Qui commande qui aujourd’hui?
    Cordialement

    Lucien Tricot

    24 février 2014 à 10 h 52 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *