Nucléaire iranien : règlements de compte à Washington

Nucléaire iranien : règlements de compte à Washington

La dernière synthèse – National Intelligence Estimates (NIE) – du Renseignement national américain, qui regroupe les seize principales agences d’espionnage des États-Unis, a enchanté les ennemis de George W. Bush, dont le président iranien Mahmoud Ahmadinejad : Téhéran aurait « interrompu son programme d’armement nucléaire à l’automne 2003 ».

Ce rapport paradoxal a soulevé certains problèmes négligés par les médias. Ainsi, concernant l’arrêt complet de toute activité à visée militaire, deux des seize agences émettent des doutes. Il y a de quoi : en août 2002, ce ne sont ni les services de renseignement américains, ni l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) qui ont révélé au monde l’existence d’un programme nucléaire iranien développé en secret depuis 18 ans, mais le Conseil national de la révolution iranienne : cette organisation d’opposants au régime des mollahs fait de l’excellent renseignement « humain » – par opposition au renseignement « technologique » – grâce à ses nombreux informateurs en Iran.
Les services secrets américains, de culture WASP, sont malhabiles en milieu musulman. L’Iran est trois fois et demi grand comme la France, montagneux, totalitaire, d’un orientalisme déroutant. Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique et auteur de « L’Iran, la prochaine guerre » (Le Cherche Midi), estime qu’« en fait, personne ne sait si ce programme demeure suspendu ou s’il a repris : en effet, le rapport ne s’engage pas sur ce qu’il en est advenu après juin 2007. »

Le rapport a révélé que l’Iran a importé récemment de la matière fissile de qualité militaire, sans que l’on sache ce qu’elle est devenue. De quoi nourrir des soupçons sur un programme militaire secret… Le rapport souligne que Téhéran veut conserver la possibilité de déclencher à tout moment la fabrication de la bombe atomique.

Le rapport a resserré l’estimation des délais dans lesquels l’Iran pourrait produire suffisamment d’uranium hautement enrichi pour fabriquer la bombe : évoquant jusque-là 2010-2015, la communauté du renseignement parle maintenant de la fin 2009. Les installations « duales » – à finalité civile comme militaire – sont en activité. Dans l’usine d’enrichissement de Natanz, les centrifugeuses P1 fonctionnent en cascade. Et l’Iran avait acheté au Pakistan la technologie des centrifugeuses P2, plus performantes, probablement testées dans une installation secrète. Tertrais estime que « l’Iran pourrait avoir la bombe atomique dès fin 2008.
C’est un scénario extrême qui implique que les 3 000 centrifugeuses iraniennes fonctionnent bien, jour et nuit, mais il est possible. » Autre scénario envisageable : le passage du civil au militaire. « D’ici fin 2008, explique Tertrais, l’Iran peut enrichir civilement de l’uranium, c’est-à-dire obtenir un matériau enrichi à 3 ou 4 %. Très tranquillement. Puis, une fois réalisée cette étape qui est la plus difficile, en quelques semaines, passer à un enrichissement à 90 %, le seuil militaire. »

Le rapport impute aux sanctions internationales contre l’Iran la cessation des activités nucléaires militaires fin 2003. Il appelle au renforcement des sanctions. Mais sa publication a incité la Russie et la Chine à annoncer qu’elles ne voteraient pas une nouvelle résolution au Conseil de sécurité de l’ONU contre l’Iran.

La déclassification du NIE résulte d’un affrontement entre le vice-président, Dick Cheney, et le secrétaire à la Défense, Robert Gates. Ce dernier a reçu l’appui du chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, qui a averti la Maison-Blanche : si elle enterrait le document, il serait porté à la connaissance du public d’une manière ou d’une autre. Cela infligerait à la présidence un dommage politique encore plus grave. Objectif : empêcher Bush de mettre à profit ses derniers mois de mandat pour recourir à l’option militaire qu’il évoquait depuis plus d’un an. À Washington, le combat fait rage entre partisans et adversaires de la solution militaire.

Les Israéliens, persuadés que Téhéran ment, sont catastrophés par l’irruption de ce rapport. Le président américain, épaulé par le gouvernement français, affiche une détermination sans faille : « L’Iran était dangereux, l’Iran est dangereux, et l’Iran restera dangereux s’il a le savoir-faire nécessaire pour produire une arme nucléaire », dit-il. Mais ce rapport lui complique la tâche. Et pourrait précipiter la fabrication de la bombe atomique iranienne en donnant au régime des mollahs la certitude de l’impunité.

Bombarder ou pas l’Iran ? La question sera à nouveau posée, dans les derniers mois de la présidence de Bush ou sous le règne de son successeur…

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Comments (10)

  • Anonyme Répondre

    patrick : " Pourquoi l’Iran n’aurait t’elle pas la bombe? Apres tout la chine dictature s’il en est une et les etats unis dictature en devenir (patriot act) l’ont bien."

    Vous voyez, Cahier?  Voila le niveau de leur argumentation. On perd son temps a lire ces gogos, vraiment. Ils étalent, sans réserve, leurs petits états d’ames de collégiens frustrés et ont meme l’indécence d’exposer leur bétise en public!
    Perte de temps, c’est tout!

    Best,

    Mancney

    19 décembre 2007 à 16 h 52 min
  • Anonyme Répondre

    Gerard Pierre : "    Qui se souvient de l’embarras des services de renseignements américains lors de l’attaque des tween towers le 11 septembre 2001 ?"

    Well, probablement tout le monde; cela ne s’oublie pas. Et oui, il faut du temps pour améliorer cela, et oui, les services israeliens sont compétents et fiables, cela se comprend, et tout le monde le sait.
    Mais, encore une fois, je reste sur ma faim apres ces expos
    és "superficiels" au sens ou l’on ne montre que "ce que l’on voit", dans le sens ou l’on est en pleine "evidence". J’aurais aimé en apprendre un peu plus sur ce qui se passe en profondeur, la ou c’est important.
    " Don’t state the obvious"

    Best,

    Mancney

    18 décembre 2007 à 15 h 33 min
  • patrick Répondre

    "Chaque fois qu’on parle de l’Iran, et de la possibilité de l’arme atomique, je me pose la même question: en dehors du "Club de cinq", personne ne devrait avoir la bombe; or on a laissé Israël l’acquérir, puis l’Inde, puis le Pakistan. D’où ma perplexité: comment interdire sous peine de guerre à l’Iran d’avoir l’arme atomique, quand on a laissé faire les autres sans rien dire. Où est la légitimité du discours occidental?

    Ce sujet ne semble intéresser personne, et me semble pourtant essentiel."

    Oui c’est le reel sujet du debat. Doit on laisser les Etats unis mener le monde en declenchant des guerres petrolieres? Quell est la legitimite de la possession de la bombe par Israel? Un pays qui ne respecte pas les traites des nations unis, qui bafoue les droits de lhomme comme le font les etats unis. De quel droit peut on interdire a l’iran de vouloir garantir sa securite?
    Pourquoi l’Iran n’aurait t’elle pas la bombe? Apres tout la chine dictature s’il en est une et les etats unis dictature en devenir (patriot act) l’ont bien. Ca ne defrise personne.
    La France devrait t’elle avoir la bombe? Et l’angleterre? Le Pakistan l’Inde? Le jour Tehean fera explose la premiere ce sera le point final du debat et personne n’aura plus rien a dire.
    Pendant ce temps les vrais problemes de notre temps sont ignores, l’empire fait ce qu’il veut, a comencer par supprimer les libertes de ses propres citoyens.

    18 décembre 2007 à 13 h 46 min
  • Gérard Pierre Répondre
       Qui se souvient de l’embarras des services de renseignements américains lors de l’attaque des tween towers le 11 septembre 2001 ?
     
       Une analyse de leurs pratiques professionnelles avait mis en évidence, à l’époque, leur goût prononcé pour le renseignement à caractère technologique (domaine dans lequel, il faut leur rendre cette justice, ils excellent) et leur faiblesse, en contre partie, dans le domaine du renseignement humain. Une carence de cette nature est-elle compensable en six ans ? …… assurément non ! Artur du Plessis Laurent ne s’y trompe pas lorsqu’il évoque la culture WASP et son manque d’habileté en milieu musulman. La question est donc de savoir combien, sur les seize agences, pratiquent le renseignement à prédominance technologique et combien se sont progressivement recentrées sur le renseignement humain sans être encore up to date.
     
       Il est d’ailleurs symptomatique de constater que la véritable révélation de l’existence d’un programme nucléaire militaire en Iran émane précisément du Conseil national de la révolution iranienne, organisation d’opposants au régime des mollahs. Leurs contacts en milieu perse leur assure indéniablement une qualité et une fiabilité incomparables en matière de renseignement humain. J’ajoute que si les Israéliens sont catastrophés par la sortie du rapport, c’est qu’ils disposent eux-mêmes de renseignements sûrs en la matière. Ils nous ont habitué au haut de gamme en ce qui concerne les performances de leurs services de renseignements.
     
       Je crains donc que le sieur Mahmoud Ahmadinejad ne se frotte les mains en ce moment et que, fort de la neutralité garantie de la Russie et de la Chine et de l’embarras du gouvernement américain, il mette les bouchées doubles pour mettre le monde libre, le moment venu, devant le fait accompli. D’ailleurs, assez curieusement, il fait un peu moins parler de lui en ce moment. Chercherait-il à se faire opportunément oublier pour se concentrer sur les funestes projets dont, rappelons le, il se fit lui-même le héraut : ANNEANTIR ISRAEL .
     
       Faut-il cultiver des états d’âme de rosières dans un tel contexte ? …… je ne le crois pas ! Bush dispose encore d’un joker : donner en sous main à Israël les moyens qui feraient éventuellement défaut à cette sympathique petite démocratie cernée par les dictatures islamiques pour mener à bien une mission bien « calibrée ».
     
       Je fais confiance à l’armée de l’air de Tsahal qui dispose à elle seule de deux fois plus d’avions que l’armée de l’air française. Quant à leurs pilotes ! …… des virtuoses du manche et du viseur. Dans l’environnement hostile qui est celui d’Israël la survie est à ce prix.
    17 décembre 2007 à 17 h 43 min
  • Anonyme Répondre

    Cahier : " D’où ma perplexité: comment interdire sous peine de guerre à l’Iran d’avoir l’arme atomique, quand on a laissé faire les autres sans rien dire. Où est la légitimité du discours occidental?"

    Cahier, je comprends ce que vous ressentez, mais dans ce cas, il n’y a pas de "regles" ni de "legitimité". Ce ne sont pas des maths, ni de la physique, ce sont juste des histoires d’homme, des histoires de rapports de force, et une recherche d’équilibre. Il n’y a pas lieu de chercher une quelconque légitimité (devant quelle autorité?), avec une regle un peu simpliste, telle que celle rabachée par les socialos-gauchos, genre "si tout le monde l’a, pourquoi pas eux" : ce qui marche, a peu pres, en cours de récréation, n’est pas suffisant au niveau de la sécurité de l’humanité.

    Egalement, ce n’est pas un "Pays" qui est en cause, c’est son "gouvernement".  Je dirais, en gros, qu’aujourd’hui, et quand c’est possible, on laisse les gouvernements démocratiques avoir acces a l’arme, pendant qu’on refuse cette acces aux dictatures, assumant que celles ci laissent trop de pouvoir dans la main d’un seul homme, qui peut etre… disons "instable".  C’était le cas de Saddam, et c’est pour cela qu’il a fallu l’enlever; on ne serait pas bien aujourd’hui avec Saddam qui aurait finalement réussi a se procurer la bombe qu’il a cherchée pendant trente ans!

    Bravo de vous intéresser a ce sujet qui est, effectivement, essentiel.

    Best,

    Mancney

    15 décembre 2007 à 17 h 11 min
  • take five Répondre

    mon pauvre Cahier

    c’est pas sur ce site ultrafacho et belliciste qu’on abordera le sujet, tu penses, il y en a même qui dorment avec un flingue avec une balle dans le canon sous l’oreiller(sic), ils ne rêvent que d’en découdre ( du moins les moins séniles et les moins arthrosiques…)

    SAS fais-nous une planche!! tu nous manques en Loge!!

    PS je sais que  comme d’hab., je serai censuré mais ce petit plaisir est pour le modérateur dans son bunker (que je conchie toujours autant soit dit en passant)

    15 décembre 2007 à 17 h 04 min
  • Anonyme Répondre

    Chaque fois qu’on parle de l’Iran, et de la possibilité de l’arme atomique, je me pose la même question: en dehors du "Club de cinq", personne ne devrait avoir la bombe; or on a laissé Israël l’acquérir, puis l’Inde, puis le Pakistan. D’où ma perplexité: comment interdire sous peine de guerre à l’Iran d’avoir l’arme atomique, quand on a laissé faire les autres sans rien dire. Où est la légitimité du discours occidental?
    Ce sujet ne semble intéresser personne, et me semble pourtant essentiel.

    14 décembre 2007 à 20 h 12 min
  • Anonyme Répondre

    Merci, Patrick… I will.

    Je l’ai trouvé ici :
    " NIE Makes War Against Iran More Likely"
    –  http://www.libertypost.org/cgi-bin/readart.cgi?ArtNum=209810

    Effectivement, c’est plutot clair, et je ne desagree pas sur la logique du raisonnement.  Mais la encore, quand je lis, par exemple :
    – " Worse, the NIE has sent a signal to the apocalyptic-minded leadership in Tehran that the danger of external sanctions has ended, that it can go undisturbed about its bomb-building business."
    Cela me semble trop évident, et tout le monde, et les Mollahs, sait bien cela! Quel intéret d’écrire cela?

    Par contre, les réserves des deux agences minoritaires, tout comme l’article de Daniel Pipes, et bien sur les avis d’un John Bolton et autres personnes qualifiés, sont de clairs avertissements, qui vont a l’inverse du courrant de la Synthese du NIE.  Et, j’ai tendance a penser que c’est ce petit point qui est important, le reste etant un enrobage qui donne un peu de temps au temps, qui permet de délayer une intervention.
    Ca ne va pas etre facile d’expliquer aux Iraniens pro-Occidental que leurs copains ont bombardé leur Pays parce que leur Gouvernement est dangereux pour la paix mondiale.
    Bon, il y a eu Mers el Kebir, n’est ce pas?

    Best,

    Mancney

    14 décembre 2007 à 14 h 49 min
  • Patrick Répondre

    Bonjour Mancney,

    je te conseille la lecture du dernier article de Daniel Pipes au sujet de l’Iran. Il y explique que paradoxalement, ce nouveau rapport rend une intervention militaire encore plus probable.

    Patrick

    13 décembre 2007 à 19 h 53 min
  • Anonyme Répondre

    Merci pour l’article… qui me parait trop simple, trop logique, trop évident; apres sa lecture, je reste sur ma faim.
    Par exemple, si, pour certaines raisons (!?),  l’Occident ou les US n’avaient pas intéret a "frapper"  l’Iran aujourd’hui, et bien, cette synthese, qui dé-dramatise sérieusement la situation, serait plutot le bien-venu, n’est ce pas?

    Regardez comme le rapport des deux parties opposées du N.I.E est idéal :  14 agences, une large majorité, affirment, que ce n’est pas grave, que le danger est passé, etc.. et leur nombre est suffisamment important  pour etre crédible. I mean si il y avait only 50%, le message ne serait pas passé. Et, a coté, on a deux agences, seulement, qui elles, sont dubitatives, et emmettent leur réserves, a voix basse et sans l’ampli du nombre, juste pour garder ainsi une porte ouverte sur le pire, un peu comme un warning a l’Iran.  

    On pourrait imaginer, aussi, le gouvernement Amadjibaba, craignant, a juste titre, et apres l’exemple de son voisin a l’Ouest, de se trouver entrainer dans une escalade, et de devoir assumer ses responsabilités, se mettre a organiser soigneusement qqs petites fuites qui diraient que " il n’y a pas de nuke en Iran, tout ca c’est de la frime", qui rassureraient ainsi l’Occident, interromperaient le processus militaire US, et dans le meme temps, augmenteraient tres certainement les chances d’un meilleur futur pour ses membres, que celui dont ont bénéficié Saddam et ses sbires. Mettons nous a leurs places…

    Tout ca rappelle un peu le rapport du Study Group Baker-Hamilton, dont le seul réel but était de permettre d’augmenter le nombre de troupes en Iraq, et c’est bien ce qui c’est passé, et hop, plus 30 000, et ils y sont toujours. 
     
    Je ne lis plus Mickey, hélas, alors, a quand la suite, Laurent du Plessis? Celle ou l’on parle vraiment de choses sérieuses, pour qu’on s’amuse un peu.

    Best,

    Mancney

    13 décembre 2007 à 5 h 15 min

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