Oui, la démocratie américaine fonctionne !

Oui, la démocratie américaine fonctionne !

Je me méfie des unanimités moralisatrices qui pratiquent volontiers la double besace décrite par notre bon La Fontaine. Le monde entier se scandalise aujourd’hui, et à juste titre, des sévices infligés aux prisonniers irakiens par les services d’interrogatoires des armées américaine et britannique. On a raison de se scandaliser, mais il ne faudrait pas oublier pour autant que toutes les armées du monde ont pratiqué des sévices analogues sur leurs prisonniers pour obtenir des renseignements. Et la France démocratique et fraternelle, « fille aînée de l’Église », « république des Lumières », « pays des droits de l’homme »…, n’a pas été la dernière nation à se conduire ainsi, en Indochine comme en Algérie, par exemple. À cette différence près avec les Américains en Irak qu’il fallut près d’un demi-siècle pour que nos journaux en parlent, et les victimes attendent toujours les excuses de nos gouvernants. Alors ayons au moins la loyauté de reconnaître que la presse américaine n’a pas trop tardé à dévoiler les faits et que Bush et Rumsfeld ont répondu aux questions de leurs sénateurs et présenté leurs excuses aux Irakiens. Contraints et forcés, d’accord, mais j’en déduis précisément que la démocratie américaine fonctionne un peu mieux que la nôtre et que nous ferions bien de ne pas nous poser dans cette affaire en donneurs de leçons.
Certes, le monde a évolué, les techniques de communication se sont perfectionnées, les caméras vidéo s’infiltrent partout et il est beaucoup plus difficile de nos jours de dissimuler des pratiques indignes. Eh bien tant mieux ! Et réjouissons-nous de cette nouvelle transparence, qui obligera les démocraties à mettre leurs actes un peu mieux en accord avec leurs beaux discours humanistes.
N’oublions pas la célèbre enquête du psychologue américain Stanley Milgram, réalisée de 1960 à 1963 (publiée en France en 1974 sous le titre « Soumission à l’autorité » – Ed. Calmann-Lévy) qui m’inspira à l’époque un article intitulé « Le péché d’obéissance ». Cette série de tests, reprise dans une séquence du film d’Henri Verneuil « I comme Icare » avec Yves Montand, avait révélé que 65 % des gens ordinaires, pas plus méchants que ça, pouvaient torturer leurs semblables si une autorité officielle leur en donnait l’ordre. (Dans le test, il s’agissait d’une autorité civile scientifique, et non militaire). Ils étaient stressés d’avoir à le faire, mais le faisaient quand même. Ce qui signifie que les deux tiers des gens qui s’indignent, s’ils étaient placés dans les mêmes circonstances que ces militaires américains accusés en Irak, auraient fait exactement la même chose.

Que celui qui n’a jamais péché…

Ne perdons pas de vue non plus qu’une armée d’occupation ne peut pas demeurer aveugle et sourde. Si elle est en pays hostile et n’obtient pas de renseignements coûte que coûte, elle n’a plus qu’à se laisser détruire à petit feu ou à plier bagages.
Et l’on ne peut pas demander à des soldats qui se font canarder tous les jours par surprise et voient tomber des camarades de ne pas interroger leurs prisonniers avec quelque… impatience.
La guerre est une horrible chose, incompatible avec la civilisation. Elle déchaîne l’angoisse, la rancœur, la haine, la bestialité et elle banalise la souffrance et la mort. En outre, on la fait toujours avec des enfants de vingt ans qui n’ont pas la moindre idée de ce qui les attend. D’ailleurs, on se garde bien de leur dire et ils partent la fleur au fusil, comme des louveteaux qui vont jouer sans risques aux gendarmes et aux voleurs. Alors ils tombent de haut et ils se font mal. Et quand on a mal, on a envie de faire mal, c’est humain.
Si l’on ne veut pas des horreurs de la guerre, c’est très simple, il ne faut pas la faire. Les seules guerres tolérables sont les guerres de légitime défense. L’Irak n’avait pas attaqué les États-Unis et n’avait aucun moyen ni aucune intention de le faire, tout le monde le sait. Les États-Unis ne devaient donc pas attaquer l’Irak, et que ce pays ait été gouverné par un affreux dictateur n’avait pas à entrer en ligne de compte. C’est aux peuples qu’il incombe de régler leurs propres affaires. Un peuple sous tyrannie doit se révolter. S’il ne le fait pas, ce n’est pas à une nation étrangère de faire la révolution à sa place. On peut à la rigueur aider une révolte ; on ne la remplace pas. Ou alors cela tourne mal pour tout le monde. Cette guerre d’Irak fera, je l’espère, comprendre bien des choses à G. W. Bush et à toute l’Amérique. La nation américaine est admirable à maints égards ; elle fait beaucoup d’erreurs, mais sait les corriger. Nous, nous ne savons pas. Alors, que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre…

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Comments (6)

  • HyPNOS Répondre

    Il est toujours épatant de voir des gens faire des commentaires sur la guerre alors qu’ils sont confortablement assis dans leur salon. La gauche caviar s’en donne à coeur joie, elle peut critiquer son ennemi héréditaire, le capitalisme, ad libitum et au gré des images horribles envoyées par la presse (libre celle-là). Entre deux coupes de champagnes et deux canapés, elle peut refaire le monde et critiquer ces sales yankees sans l’ombre d’un doute. Mais si encore il y avait une ombre d’objectivité. Car l’indignation est sélective. Alors, c’est vrai, on peut se demander pourquoi ces mêmes gens ne dénonçaient pas les massacres d’Ali le chimique sous Saddam (800.000 morts) ; ceux des populations noires faits par les arabes au Soudan (600.000 personnes) ; ceux du GIA en Algérie (250.000 morts) ; ou encore les massacres faits par le Hezbollah ou le Fatah au Liban et en Palestine. Il y a moins de 2 semaines, la Jordanie a échappé à un massacre chimique qui aurait pu faire 80.000 morts et 160.000 blessés. Les 20 tonnes d’armes chimiques provenaient très certainement du voisin frontalier : l’Irak (où soi-disant aucune arme de destruction massive n’existe) et étaient approvisionnées par Al Quaïda selon les aveux du chef du commando. Aucune analyse dans la presse française, aucun commentaire du coté de la gauche pro-islamiste. Comme c’est curieux. S’indigner contre la torture c’est bien, c’est même pour ça que les conventions de Genève ont existées, mais que dire d’un ennemi qui fait de la traîtrise un art de guerre ? Que dire d’un ennemi qui frappe les populations civiles et non des soldats ? Que dire d’un ennemi qui utilise des femmes et des enfants comme bombes humaines ? Et surtout que faire pour se battre contre cet ennemi qui ne respecte pas la vie, ni la sienne (celle que dieu lui a donnée) ni celle des autres ? Peut-on le traiter comme un autre ennemi ? Peut-on appliquer les conventions de Genève d’un coté, et laisser ses soldats se faire torturer, dépecer, décapiter de l’autre ? Je pense qu’il faudrait plus qu’une coupe de champagne et des dips de poulet trempés dans la mayonnaise pour pouvoir répondre à ces questions. En tout premier lieu ma sympathie va à ceux qui se battent contre cet ennemi barbare et plus monstrueux encore que les nazis ne l’ont été. Eux, sur le terrain savent que leur vie dépends que d’une chose : leur vigilance et l’absence de sympathie pour ce qui les entoure, car la mort peut venir d’une femme, d’un gosse ou d’un vieillard sur sa mule. Prenez-en de la graine Messieurs les bien-pensants. Un jour très proche va arriver où cela se produira en France. Les artistes, chanteurs, homosexuels, féministes, tout ce que hait l’islam au plus au point seront un jour la proie du terrorisme urbain. On s’apercevra alors que le poignard planté dans le ventre de Monsieur Delanoë, était bien plus qu’un acte isolé pratiqué par un fou, mais un acte symbolique destiné à montrer la voie tracée par l’islam combattant (c’est un pléonasme je sais). Déjà nous assistons, dans nos propres villes, à des assassinats d’une telle barbarie que l’on a du mal à imaginer pire : viol et torture pratiqués par des bandes organisées. Vitriolage de jeunes filles, femmes brûlées vives, esclaves sexuels et j’en passe. Non, on ne cauchemarde pas et cela se passe dans notre pays (aujourd’hui et pas au moyen âge). Alors quel sera le prochain programme quand les musulmans seront majoritaires sur notre sol? Génocide comme au Soudan ? Massacre chimique comme en Jordanie (rappelons que le problème Jordanien provient de l’immigration excessive des palestiniens sur son sol – tout comme au Liban)? Que doit-il se passer en France pour que l’on comprenne enfin ?

    22 mai 2004 à 12 h 02 min
  • R. Ed. Répondre

    Pour olivier (symbole de la paix):bon commentaire !Quant au commentaire négatif de jacques furlainac vous pourrez remarquer que ce personnage ne s’exprime que dans l’imaginaire :chaque phrase qu’il prononce est précédée d’un “si” .Si ma tante en avait ce serait mon oncle! Encore mieux que Madame Soleil. Quant à Florant Morlan, lui, il n’aime pas, il est contre, il désaprouve, il refuse, tout dans le négatif.Pour lui, les Américains sont des barbares qui pratiquent le sacrifice humain enregistré sur bande vidéo couleur pour mieux rendre les tons de rouge. Chez lui un verre n’est jamais à moitié plein, il est toujours à moitié vide.

    20 mai 2004 à 10 h 32 min
  • Florent Morlan Répondre

    Je n’aime pas trop votre façon d’absoudre les fautes américaines et pas celles qui seraient françaises. On peut tout expliquer avec des arguments bien trouvés et vous maitrisez remarquablement l’exercice. Pourquoi dès lors afficher une telle préférence américaine? Comme vous le soulignait fort justement, l’époque actuelle diffère fort de celle de la décolonisation française. Au temps de celle-ci l’apartheid le plus honteux régnait aux Etats-Unis. Autres temps, autres moeurs. Si la France pratiquait aujourd’hui des actes de torture, elle serait également sous les feux de la rampe, et les responsables de ces actes devraient présenter leurs excuses, comme sont contraints de le faire aujourd’hui les dirigeants améicains. Seulement la France ne se comporte plus ainsi (si elle s’est jamais comporté de cette façon). La France a refusé de seconder les américains dans l’occupation de l’Irak. En Algérie française, la France luttait pour conserver un territoire qui lui appartenait depuis plus d’un siècle et qu’elle avait construit de A à Z, elle luttait pour protéger une population acquise pour l’essentiel à sa cause, parce que française, des terroristes sanguinaires du FLN. Alors M. Pierre Lance, soyez un peu fier d’être français. Vous êtes contre la guerre d’occupation menée par les américains et c’est tout de même eux que vous encensez et sur la France que vous crachez. Même si je désapprouve l’action de M. Bush, je comprends qu’elle puisse être mue par son patriotisme, je ne comprendrais jamais l’attitude des renégats et des traitres à leur patrie.

    19 mai 2004 à 20 h 53 min
  • jacques furlainac Répondre

    pour “olivier” Si on suit votre raisonnement et celui du couple Bush/Rumsfeld alors durant la guerre froide: 1) l’URSS était une menace réelle contre la sécurité des Etats-Unis (contrairement à l’Iraq) 2) c’était une menace immédiate et d’une ampleur inégalé avec possibilité de guerre nucléaire anéantissant les USA 3) donc il était impérieux pour les USA de frapper les premiers et de détruires l’URSS avant qu’elle n’agisse. Il fut un temps où cela était possible et cela a même été recommander à l’époque par un prix Nobel d’économie (spécialisé dans les “game theory”) au président lui-même. 4) toute personne proposant une approche plus saine, humaine et réaliste aurait été attaquée par les conservateurs républicains de type Bush et cie comme:”munichois”, “faible”, “incapable d’assumer ses responsabilités”, “contaminé par les idées de la vieille Europe”, et bla bla bla. Si Bush/Rumsfeld avaient été au pouvoir à cette époque ils auraient presque certainement ordonné la destruction totale de l’Urss et pour paraphraser Rumsfeld “be damned the consequence”. Bush serait apparu à la télévision en disant qu’il avait beaucoup prié avant de prendre cette décision, mais qu’en faisant cette décision “difficile mais courageuse” il faisait la volonté de Dieu (lors de la conférence de presse sur l’Iraq, il a dit presque mot à mot qu’il se disait investi de la volonté divine) C’est une des raisons pourquoi dans un sondage au Canada il y a quelques mois, une quantité importante de canadiens ont indiqué qu’il considèrait Bush comme étant plus dangereux que Bin Laden. Bin Laden n’a que des Ak-47 pour imposer la volonté divine, Bush lui a des milliers d’armes atomiques. Or la volonté divine est imprévisible et ne semble pas vouloir la même chose dépendant du pays où l’on se trouve. Et s’il fait face à une future situation stressante, Bush pourrait facilement reacerbé son délire religieux et alors tout serait véritablement possible. Cela semble invraisemblable, mais Hiroshima l’était aussi. A noter que des gens plus intelligents ont su gérer le problème de l’URSS de façon beaucoup plus sensé et efficace et sans bombe atomique.

    18 mai 2004 à 5 h 40 min
  • tATANGAS Répondre

    La paille et la poutre, c’est bien connu; c’est ainsi que notre presse dans sa presque totalité — mais Dieu merci, pas tous nos politiques — fait de l’anti américanisme à outrance, sans se souvenir de ses silences complices de l’époque de la guerre du Viet Nam et plus près de nous, de celle d’Algérie. Nous avons hélas des journalistes qui sont trop souvent plus volontiers des concierges bavards et malveillants plutôt que des éclaireurs de consciences. C’est pourquoi j’aime lire les articles des 4 Vérités ou plus souvent on se sent mieux responsables.

    16 mai 2004 à 14 h 19 min
  • olivier Répondre

    Si je suis votre principe, nous ne devions pas déclarer la guerre à l’Allemagne hitlerienne? La dictature nazie ne concernait que le peuple allemand, et lui seul, donc. Pourtant, si nous avions agi militairement dès les premières violations du traité de Versailles, nous n’aurions certainement pas connu la deuxième guerre mondiale. Les guerres de légitime défense sont les seules guerres tolérables? Les américains ont-ils donc eu tord de s’attaquer à l’Allemagne avant d’être en lègitime défense? faut-il attendre que l’islam radical soit entré dans l’ère nucléaire et en ait fait un intrument de terreur pour user de la force militaire? L’irak du boucher de Bagdad était une menace, pour ses liens terroristes clairements établis (n’en déplaise aux médias), une épée de Damoclès sur nos têtes concernant les armes N.B.C. (Bush n’a pas menti, voir article du Monde du 2 avril 2004, en page 32!!!). Quant à la torture, combien de langues arrachées à la tenaille? Combien de mains fracassées à la masse? Combien de corps suspendus par des barbelés jusqu’à la mort? Sous Saddam, des dizaines de milliers, et pendant 30 ans, quel en parle? Les charniers sont pourtant là, des rescapés aussi. C’est un autre registre que les pyramides humaines nus, avec une cagoule. Et ceux qui en sont victimes ont fait peut-être bien pire quand ils étaient “aux affaires” dans la gestapo de saddam. L’indignation doit être selective, envers les actes, pas envers ceux qui les commettent.

    16 mai 2004 à 13 h 42 min

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