Politique étrangère : Quel bilan !

Politique étrangère : Quel bilan !

La politique étrangère d’une nation est étroitement tributaire de sa situation intérieure. Un État dont le chef n’a plus aucun crédit, où la gestion du pays aboutit à la faillite, où les désordres sont permanents, n’a évidemment aucun poids dans le concert des nations. La presse étrangère, sur laquelle on ne peut exercer des pressions, et qu’on ne peut subventionner, comme cela se pratique en France, s’en donne donc à cœur joie. Les télévisions du monde entier n’ont cessé pendant des mois de présenter à des centaines de millions de téléspectateurs les affrontements quotidiens de « jeunes » avec les forces de l’ordre, les voitures incendiées, les blessés traînés sur la chaussée… La presse populaire anglaise a titré : « Passez vos vacances à Bagdad, c’est plus sûr qu’à Paris », et, plus sérieux, plusieurs pays et non des moindres, comme l’Australie, ont déconseillé à leurs ressortissants de se rendre en France pour des raisons de sécurité. L’errance sur toutes les mers du globe de l’épave-amiral de la flotte française, le plus triste emblème que l’on puisse imaginer, complète le tableau. Bref, une telle contre-publicité est catastrophique pour notre pays au plan politique et financier. On ne peut pas faire pire.
Tel est le décor sur lequel s’inscrit notre politique étrangère. Voyons maintenant de façon plus précise ce qu’il en est de l’autre côté dudit décor.

Avec les Etats-Unis, les relations demeurent très médiocres. Elles se seraient cependant améliorées par des contacts entre les deux administrations, le Quai d’Orsay à Paris et le Département d’État à Washington, mais l’opinion américaine n’a pas oublié la campagne frénétique de la France menée par son ministre des Affaires Étrangères de l’époque, aujourd’hui Premier ministre, qui courait de Moscou à Pékin en passant par toutes les capitales de l’Afrique francophone pour contrer les Etats-Unis avec menace de veto au sujet de l’Irak. Et voici que maintenant, on n’entend plus parler en Amérique que du « Français » Zacarias Moussaoui, ce « Français » qui rigole quand, devant le Tribunal, sont évoquées les presque 3 000 victimes des attentats du 11 septembre 2001 à New York dont il regrette qu’elles n’aient pas été plus nombreuses. Ce « Français » n’est pas fait pour améliorer notre image outre-Atlantique.

Les Etats-Unis ne suffisant pas, c’est l’Europe qui a pris le relais des échecs de notre diplomatie.
Citant Pierre Lellouche, député de Paris, ancien conseiller diplomatique de Jacques Chirac, Robert Schneider, dans un livre récent, « Le Gâchis », écrit (page 118) : « Chirac a fait imploser l’Europe ». Et il est vrai qu’avec la Commission à Bruxelles, les relations sont très tendues, alors qu’avec nos voisins de l’Europe de l’Ouest, elles sont distendues notamment avec l’Allemagne d’Angela Merkel qui, elle, est pragmatique. Avec les pays de l’Est, le malaise perdure. On ne comprend toujours pas, surtout à Varsovie, pourquoi le Président de la République française s’est opposé avec tant de détermination à ce que soit mentionné dans le préambule de la Constitution européenne l’héritage chrétien de l’Europe et pourquoi il se montre plus turc que les Turcs, militant pour l’adhésion de la Turquie asiatique et musulmane à l’Europe chrétienne.

Cette étrange politique a eu des conséquences très néfastes pour notre pays ; le vote de l’Europe de l’Est au CIO explique sans doute le choix de Londres contre Paris pour les Jeux olympiques de 2012 et le rejet de la Constitution européenne en mai 2005 est dû pour une bonne part à un rejet par l’opinion de l’actuel chef de l’État. Triste bilan.

Avec l’Afrique, continent du chaos et de la misère depuis la fin de la colonisation, il ne s’agit plus de diplomatie, mais des relations personnelles entre l’Élysée et un certain nombre de monarques africains dont certains ont de très larges moyens. On pourrait écrire des livres sur cette étrange persistance de la nostalgie coloniale et affairiste. La France est ainsi la seule puissance ex-coloniale à maintenir à grands frais des contingents militaires en Afrique noire – les 4 000 hommes de l’opération Licorne en Côte-d’Ivoire coûtent un million d’euros par jour – alors que la Grande-Bretagne et le Portugal, par exemple, n’ont pas un seul militaire en Afrique. Tout cela dans quel intérêt ? On comprendra que dans ce contexte, il n’est pas question de diminuer le nombre impressionnant des visas accordés chaque année aux Africains de toute origine, 612 600 en 2005. Combien reviendront chez eux ? Une politique qui se révélera désastreuse dans les décennies qui viennent, désastreuse et sans remède.
Avec le reste du monde, ce qui n’est pas rien, je pense notamment à l’Extrême-Orient et au Moyen-Orient, l’influence de la France n’est plus que marginale. À noter cependant la sympathie affichée pour la Palestine financièrement très aidée, du moins ses dirigeants… Là aussi dans quel intérêt ? Je ne dirai rien aujourd’hui du grand ami du chef de l’État, Boutéflika, qui ne cesse d’insulter gravement la France. Ceci dit, l’objectivité commande de signaler un point positif. Plusieurs grandes sociétés françaises sont appréciées au-delà de nos frontières. Pourquoi ? Parce qu’elles ont su se délocaliser à temps. Les entreprises du CAC 40 réalisent désormais les trois quarts de leur activité à l’international et 80 % de leurs profits à l’étranger…

Pour terminer, je citerai quelques jugements de témoins étrangers sur l’actuelle situation de la France : le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe vient de publier un rapport accablant sur le système judiciaire français. Le « Berliner Zeitung » écrit le 10 avril : « Chirac n’a plus une once d’autorité », alors que « Die Welt » analyse « Le désastre français ». « Chirac et Villepin, écrit-il, portent la responsabilité de cette débâcle avec leur réforme surtout motivée par une tactique électorale ».
Attendons la suite !

Christian Lambert
Ancien Ambassadeur de France

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Comments (4)

  • LESTORET Répondre

    Qui se soucie en France de la baisse très importante de l’influence de ce pays auprès des autres nations, non seulement les grandes mais aussi les plus petites ? Même pas notre Président moribond responsable de notre réputation devant le pays aux termes de la constitution. Une seule question: l’élection, présidentielle pour l’instant, législative immédiatement après. Rien d’autre ne compte et aucun de nos représentants ne pense à autre chose qu’au renouvellement de son ou ses mandats. Comment voulez vous dans ces conditions nque l’ojn puisse s’occuper de l’intérêt du pays ???

    26 avril 2006 à 21 h 59 min
  • Helios Répondre

    Triste constat en effet et d’autant plus triste que cette politique a été davantage nuisible à la France qu’elle ne l’a été aux pays européens désireux de maintenir des liens étroits avec les États Unis. Imaginons maintenant ce qui aurait pu se produire si la France avait adopté une politique étrangère “atlantiste”: liens étroits avec les États Unis et l’Angleterre,front commun avec ces deux pays au conseil de sécurité, renforcissement de l’OTAN, efforts soutenus afin de créer une force militaire européenne dans le cadre de l’OTAN destinée à intervenir conjointement ou en coordination avec les forces américaines dans les zones de conflit, ou lors d’opérations de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU, Et si la France avait appuyé la coalition contre Saddam, si elle avait adopté une diplomatie équilibrée dans le conflit entre Israël et les palestiniens, si elle avait pris conscience des dangers de l’islamisme et agit en conséquence, Si la France avait assumé le leadership en Europe non en opposition aux États Unis mais en partenariat avec eux, et si la promotion de la démocratie et des droits humains avait été établie comme politique commune. Que se serait-il passé? Le spectre d’une France inféodée aux États Unis s’évanouirait de lui-même. Le partage des mêmes valeurs rend nécessaire l’harmonisation entre les visions et l’établissement d’objectifs communs. Dans la mesure où la France appartient au monde occidental et qu’elle fait le choix conscient d’aller dans le sens de ses intérêts, elle ne risque pas de s’affaiblir en s’alliant avec les autres pays occidentaux dans la défense d’intérêts communs, c’est exactement le contraire qui se produirait. Par ailleurs, il lui serait infiniment plus facile d’influer sur la politique américaine en demeurant proche des États Unis qu’en faisant cavalier seul, il lui serait aussi plus facile dans un cadre atlantique de réunir des consensus européens pour infléchir la politique étrangère américaine ou pour établir avec elle des plans d’action basés sur une vision partagée. Malheureusement la France est une moyenne puissance qui se prend pour une superpuissance. Ce qu’elle n’est pas capable de démontrer sur les plans économique et militaire, elle se croit capable de le réaliser sur le plan diplomatique, mais en cela elle ne trompe qu’elle-même. Certes elle peut s’amuser à mettre les bâtons dans les roues aux américains mais cela lui nuit davantage qu’aux États Unis, et la perte d’influence auprès d’eux affaiblit sa position en Europe et dans le monde. Quant au monde arabe, il se réjouit de la partialité de la France à son égard et dans la mesure où elle influence l’attitude de l’Europe les pays arabes se sentent “compris”. Cependant la France et l’Europe à sa suite sont totalement impuissantes dans le dossier du conflit israélo-palestinien. Seuls les États Unis détiennent la capacité de faire avancer l’agenda pour la paix. En se coupant volontairement des américains et en se rangeant du côté arabe, la France se confine au rôle de spectateur partial mais dépourvu d’influence sur le déroulement des événements. Le retour éventuel de la Russie en tant que puissance économique et militaire, l’émergence des géants chinois et indiens, la crise appréhendée du monde musulman, tous ces éléments influeront sur l’équilibre géopolitique actuel. Dans ce contexte l’Europe et les États Unis n’auront d’autres choix que serrer les rangs, la politique étrangère française, à moins qu’elle ne veuille aboutir à l’insignifiance, devra prendre acte des nouvelles réalités et s’ajuster en conséquence. Helios

    26 avril 2006 à 16 h 57 min
  • Archiprêtre Répondre

    De Gaulle a été l’assassin d’une partie de son peuple en livrant l’Algérie à Bouteflika, aidant ce dernier (ou le FLN, ce qui est pareil) à tuer dans d’horribles conditions, avant et après l’indépendance de l’Algérie plus de 100 000 harkis, soldats francais, et quelques milliers de Francais “Pieds Noirs” laissés selon son bon vouloir sans défense sur une terre francaise, et Chirac, héritier politique de son père-le-courageux-qui-de-loin-en-1940-a-clamé-quelques-mots, loin de la tourmente, et qui l’ont déifié, veut faire mieux, et il a trouvé, lui aussi le moyen de tuer son peuple. Car si son père de Gaulle ne voulait pas d’un envahissement en métropole des maghrébins (encore qu’il aurait dû faire exception pour les Harkis), Chirac, lui est heureux que son 1er ministre et son ministre de l’intérieur, aidés de l’ensemble de la gauche, LES ATTIRE. Et, craignant sans doute qu’ils ne soient pas assez nombreux (les maghrébins), il va recruter ceux d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie que sa politique dorlote. A mon avis, c’est un DANGEREUX, car il sait très bien qu’une fois sur notre sol, ils prennent racine pour procréer à une vitesse bien plus grande que les Francais de souche. Il faudrait être vraiment aveugle pour imaginer la suite: La France sera musulmane dans moins d’un siècle, et Coran et Charia seront nos maîtres, à nous, chiens infidèles. Francais et Européens de culture judeo-chrétienne, QU’ATTENDEZ-VOUS POUR VOUS UNIR AFIN DE REPOUSSER DEFINITIVEMENT LES BARBARES ET ELIMINER NOS TRAITRES?

    26 avril 2006 à 15 h 11 min
  • Ram Zenit / Tel Aviv Répondre

    La politique étrangère de la France a de quoi remplir quelques gros livres et il est bien difficile de la résumer en une page! Mr Lambert le fait très bien. Mais, a mon avis, la politique arabe de la France n’est pas assez mise en valeur dans ce résumer. Basée sur une vision de “blocs”, essentielement américain et soviétique, la France essaie de former un bloc européen-arabe depuis les années 60 et former ainsi une superpuissance indépendante des USA. La suite on connait ainsi que la politique catastrophique de la France au M-O. Quant à la politique africaine de la France elle est une continuation de son colonialisme mais avec d’autres moyens. Ce points aussi mériterai un article séparé. Ram Zenit http://politiquearabedelafrance.net

    26 avril 2006 à 11 h 00 min

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