Rapprochement des deux Corées

Rapprochement des deux Corées

La rencontre frontalière en­tre les deux dirigeants coréens est à la fois prometteuse et inquiétante.

Prometteuse, si l’on en croit les mots prononcés par les deux chefs et, plus particulièrement par celui de la Corée du Nord, Kim Jong-un, avec sa promesse teintée d’humour de permettre à son homologue sud-coréen de dormir tranquille, sans être réveillé pour participer aux réunions new-yorkaises du Conseil de sécurité de l’ONU, chaque fois qu’il procédait à des essais nucléaires.

Prometteuse, car, derrière cette apparente bonhomie, transparaît la crainte de représailles américaines si la moindre menace envers leur allié sud-coréen était mise à exécution.

Prometteuse, sans doute parce que l’attitude belliqueuse jus­qu’ici affichée par la Corée du Nord embarrassait visiblement sa voisine et alliée la Chine et que cette dernière avait dénoncé les essais nucléaires nord-coréens, ce qui n’est sans doute pas étranger au revirement nord-coréen. Politiquement amie, la Chine, devenue le fournisseur du monde entier, l’est beaucoup moins sur le plan économique.

Prometteuse enfin, parce que, au-delà des deux hommes, il était facile de ressentir la présence de deux peuples qui rêvent de réunification. Ceux du Sud qui ont souvent de la famille ou des relations au Nord. Ceux du Nord à qui il sera désormais difficile de cacher le gouffre qui les sépare du Sud en matière de niveau de vie.

Mais cette rencontre reste également inquiétante pour de nombreuses raisons et, en premier lieu, une sympathie un peu trop ostentatoire affichée par deux hommes et, plus particulièrement, par Kim Jong-un, dont le parcours incite peu à le prendre pour un sentimental.

Ensuite, la difficulté de croire que la Corée du Nord va soudainement accepter de détruire l’arsenal nucléaire qu’elle détient. Le sujet semble avoir été soigneusement évité et nous sommes bien au-delà du problème iranien. Il ne s’agit pas, comme pour l’Iran, d’une simple réduction du nombre de centrifugeuses, de limiter la production de plutonium et l’enrichissement d’uranium, ni d’accepter le renforcement des inspections internationales.

Pour la Corée du Nord, l’arme atomique n’est pas un simple projet. Elle est déjà là ! Le sixiè­me essai en septembre 2017 était dix fois plus puissant que les essais précédents et correspondait bien à une bombe à hydrogène.

De plus, les moyens balistiques pour l’envoyer sur des cibles aussi lointaines que les USA ont été testés avec succès à de nombreuses reprises.

Bien sûr, si la Corée du Nord utilisait cet arsenal, la réplique américaine ne se ferait pas attendre et il est peu probable que la Chine et la Russie se risqueraient à déclencher une guerre nucléaire mondiale.

Mais cela serait-il suffisant pour dissuader le dirigeant nord-coréen ? Rien que d’y penser, cela fait froid dans le dos !

Inquiétant encore : le risque non négligeable de voir Kim Jong-un remplacé par un dirigeant plus belliqueux encore. Certes, ce dernier a pris la suite de son père, ce qui peut sembler un gage de stabilité. De plus, sa propre sœur, Kim Yo-jung, paraît avoir joué un rôle important dans le rapprochement Nord-Sud, rapprochement visiblement entamé à l’occasion des JO en février dernier.

L’esprit de dynastie n’est pas une exception dans ce type de régime. Mais les putschs et les destitutions ne le sont pas non plus et il est probable que la montée en influence de Kim Yo-jung ne suscite pas que de la sympathie parmi les notables du parti. Tant que l’arsenal nucléaire nord-coréen existera, il n’est pas possible d’écarter cette éventualité et ses conséquences.

Dernier sujet d’inquiétude : l’attitude des États-Unis qui, pour l’instant, n’ont pas salué ce rapprochement avec autant d’enthousiasme que les Européens. Donald Trump, grand tweeter devant l’Éternel, a cessé d’y traiter Kim Jong-un de « Rocket man » et semble prêt à le rencontrer. Mais pour parler de quoi ?

Tout est à espérer et tout est à craindre de cette rencontre prévue dès le mois prochain.

En attendant, l’opération de communication est un succès international pour le dirigeant nord-coréen. Il apparaît comme celui qui a fait le plus de concessions afin de ramener la paix dans la péninsule coréenne.

Il restera aux yeux d’une opinion mondiale toujours un peu naïve, comme un homme de paix, sans doute nobélisable.

Comme jadis, Kim Dae-jung, Prix Nobel de la paix en 2000. Mais c’était un Coréen du sud !

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Comments (5)

  • HansImSchnoggeLoch Répondre

    On a vu ce que le rapprochement des deux Vietnams a produit,
    Le Nord a absorbé le Sud et Saigon est devenue Ho Chi Minh City.

    Le même scénario risque de se produire avec les deux Corées.
    Avec ce coup ci une cerise sur le la gâteau, la future Corée unifiée aurait la bombe.
    Perspective peu réjouissante pour le Japon voisin.

    L’avenir risque de redevenir passionnant dans cette partie du ,monde.

    9 mai 2018 à 13 h 16 min
    • Emmanuel Répondre

      Votre commentaire montre que vous ne connaissez pas du tout ces 2 pays, voire même leur histoire.
      J’habite dans la région depuis 20 ans, et je me rends en Corée ou au Vietnam à peu près tous les 2 mois.
      Je vous assure que ça n’a rien de comparable. Ce que vous dîtes n’a pas de sens.

      11 mai 2018 à 0 h 17 min
      • HansImSchnoggeLoch Répondre

        Ayant en face de moi un globe terrestre et fixant le Vietnam ainsi que les deux Corées je ne peux m’empêcher de penser qu’étant sur le même socle (l’Eurasie) je vis également dans la région.

        Venons en aux faits
        a) Saïgon est devenue Ho Chi Minh City: vrai / faux
        b) Le Vietnam du nord a absorbé le sud: vrai / faux
        c) La Corée du sud n’a pas la bombe A/H: vrai / faux
        d) la Corée du nord a la bombe A/H: vrai / faux

        Je vous laisse trouver les bonnes réponses.
        Si mon premier post avait tout faux prière de m’expliquer pourquoi, cela m’éviterait de mourir idiot.
        D’avance merci.

        PS: si b) était faux comment expliquer les boat people sus-vietnamiens?

        14 mai 2018 à 9 h 26 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    soyons ” géo-politiquement ” clair : c’ est un nouveau recul de l’ Empire Américain dans sa zone d’ expansion contemporaine : le Pacifique

    à observer attentivement : ce que va diplomatiquement et économiquement faire le Japon qui n’ a pas laissé que de bons souvenirs en Corée

    Japon plus Corée(s) et la donne change en Extrême Orient

    9 mai 2018 à 12 h 10 min
    • Emmanuel Répondre

      Même commentaire que ci-dessus … visiblement vous ne connaissez pas du tout ces pays.
      J’habite dans la région depuis 20 ans, et je me rends en Corée ou au Vietnam à peu près tous les 2 mois. Ce que vous dîtes n’a pas de sens.

      11 mai 2018 à 0 h 18 min

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