Refonder l’Union européenne

Refonder l’Union européenne

Laissons aux gazetiers officiels le soin de vilipender le Brexit, les Britanniques qui l’ont approuvé, et le référendum, proclamé déni de démocratie. Le temps n’est plus aux anathèmes idéologiques, ni aux expéditions punitives. Nous souffrons suffisamment de l’effet boomerang des sanctions prises contre la Russie pour ne pas reproduire les erreurs fatales de foucades incontrôlées.

Le maître-mot serait celui d’une « refondation » de l’Union européenne, que semblent appeler d’une seule voix les politiques de tous horizons. Encore faudrait-il s’entendre sur le sens des mots. En effet, comme toute expression attrape-tout, chacun y insère les concepts les plus divergents.

Refonder, c’est revenir aux fondements de l’institution dont les dérives aboutissent à l’actuel chaos et au Brexit qui en résulte.

La rigueur de l’analyse s’impose donc pour comprendre les causes à l’origine de la situation actuelle.

À ce stade, on peut simplement énoncer que, pour n’avoir jamais choisi clairement entre les potentialités contenues dans le traité de Rome, les gouvernements ont suscité l’ambiguïté qui en a ruiné les attentes.

En effet, la « Communauté économique eu­ropéenne », issue du traité de Rome, est d’abord une construction pragmatique de rapprochement des peuples par la coopération économique. Elle offre des perspectives d’évolution sans en privilégier aucune.

En tant qu’union douanière, elle repose sur une coopération interétatique fondée sur la libre circulation des marchandises, des agents économiques, des capitaux et des services. Un tarif extérieur commun (TEC) protégeait cet espace contre les risques de déstabilisation des productions nationales encore fragiles. Pour autant, ce marché était davantage qu’une zone de libre-échange, comparable à l’Association Européenne de Libre-échange (AELE), en raison de l’engagement de politiques communes, à savoir la politique agricole commune (PAC) et les accords de coopération conclus avec les an­ciennes colonies des pays membres.

L’intervention d’une Commission, indépendante des États membres et, surtout, dotée de l’exclusivité du pouvoir d’initiative, ajoutait un élément de supranationalité au côté du Conseil, représentant les gouvernements et investi du pouvoir de décision exercé dans les instances internationales traditionnelles. L’orientation de la CEE vers une Europe des États s’est progressivement affirmée, d’abord avec le coup d’arrêt donné par la « politique de la chaise vide », imposée en 1966 par le général de Gaulle, puis par les conditions fixées à son adhésion par le Royaume-Uni, en 1973.

L’élargissement progressif de l’Union apportait, en toute logique, l’estocade à toute velléité fédérale.

L’erreur historique a été de plaquer un semblant de fédéralisme sur un ensemble étatique jusqu’à la caricature. A-t-on besoin de l’UE pour déterminer la taille des concombres ou pour fixer les horaires de travail des médecins dans les hôpitaux ?

Cet interventionnisme activiste contraste avec une absence dramatique dans les politiques étrangère, économique ou sécuritaire, exaspère les peuples et développe leur europhobie.

La raison et l’expérience conduiraient, dans un contexte institutionnel élargi à 28 membres ou même à 27, à refonder l’Union, c’est-à-dire étymologiquement à revenir à ses sources et donc à reporter toute nouvelle action commune amplifiant le désamour des peuples pour cette Europe « hors sol ».

La persévérance dans l’utopie technocratique mérite, quelles que soient les préférences à terme, de s’effacer devant le réalisme. Le plus petit dénominateur commun est celui de l’union douanière initiale fondée sur les principes de liberté économique intracommunautaire et le Tarif extérieur commun qui ont favorisé son développement. Cette voie est la seule possible pour amorcer la convalescence du malade. Les principes en sont simples : réexamen, sous le contrôle des Parlements nationaux, des accords et règlements en vigueur ; retour à une compétence de la Commission réduite à l’harmonisation des règles de concurrence ; diminution du nombre des membres autour d’un noyau dur composé des principales puissances ; limitation du rôle du Parlement européen à une fonction consultative après diminution au moins de la moitié de ses membres ; soumission obligatoire des décisions communautaires à l’approbation des États, soit par leurs parlements, soit par référendum ; interruption de tout nouvel élargissement…

Ainsi, rapidement, les États de l’UE, redevenus souverains, seront-ils à même d’élaborer entre eux des projets, dont ils choisiront librement le nombre et la qualité des partenaires. Ce n’est qu’en revivifiant l’Europe des peuples, chère aux pères du traité de Rome, que toutes les évolutions redeviendront possibles, dans la confiance et l’espérance de tous.

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Comments (2)

  • Jean-Pierre Delmau Répondre

    Dans cet ordre de réflexion, ne pas oublier que les Traités européens ne sont modifiables, même sur des points secondaires, qu’à l’unanimité des 28 pays membres. Comme sur le moindre point, les intérêts des uns et des autres divergent, il n’y a donc pas d’autre choix que d’en supporter toutes les dispositions, ou, comme l’a fait le Royaume Uni, d’en sortir. Le reste est littérature.

    12 août 2016 à 17 h 40 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    au vu du nombre d’ interventions sur le sujet la refondation de l’ U.E. attendra !

    5 août 2016 à 8 h 12 min

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