Soutenons les Serbes du Kosovo : Entretien avec Arnaud Gouillon

Soutenons les Serbes du Kosovo : Entretien avec Arnaud Gouillon

Arnaud Gouillon – Fondateur de Solidarité-Kosovo

1) Pouvez-vous nous présenter les activités de Solidarité Kosovo?

 « Réaliser et promouvoir des actions d’aide et de solidarité envers les chrétiens du Kosovo » : telle est la mission que s’est fixée l’ONG française Solidarité Kosovo lors de sa création. C’était en 2004 et il fallait réagir aux pogroms antichrétiens qui avaient eu lieu dans l’indifférence générale, en plein milieu de l’Europe, dans ce qui fut une province de l’ex-Yougoslavie et qui reste le berceau historique de la nation serbe.

Solidarité Kosovo est aujourd’hui la seule ONG française active dans les enclaves chrétiennes du Kosovo privées de liberté. Depuis 2004, ses volontaires bravent l’intolérance et la violence pour venir en aide aux familles de cette terre martyre d’où les chrétiens risquent de disparaître.

Depuis décembre 2004, l’action de Solidarité Kosovo, c’est :

Plusieurs dizaines de tonnes d’aide humanitaire distribuées chaque année dans les enclaves serbes du Kosovo ;

l’envoi de bénévoles français sur place, notamment lors du symbolique convoi de Noël, au cours duquel l’ONG apporte jouets, alimentation et matériel scolaire aux petits chrétiens persécutés du Kosovo ;

Une aide matérielle régulière aux familles des enclaves ;

Un soutien direct aux associations serbes qui encadrent les jeunes et les adolescents ;

Le financement de projets humanitaires concrets tels que la rénovation d’écoles ou l’organisation d’activités récréatives pour les plus petits (classe de mer…) ;

Et des conférences, des débats, des expositions pour informer les Français de la réalité des persécutions subies par les Serbes du Kosovo.

 En 2010 Solidarité Kosovo a été choisie comme partenaire privilégié de l’Eglise orthodoxe serbe pour la création d’un « Bureau de centralisation de l’aide humanitaire au Kosovo » destiné à recueillir et distribuer toute l’aide humanitaire apportée par les structures internationales actives au Kosovo. Cette grande marque de confiance illustre et récompense le dévouement des bénévoles de Solidarité Kosovo depuis huit ans.

Un renforcement du partenariat avec l’Église orthodoxe serbe a été signé en juin 2012. Celui-ci comprend la réalisation et le financement de nombreux projets humanitaires destinés à soutenir les populations chrétiennes du Kosovo. Solidarité-Kosovo est ainsi devenu le principal acteur humanitaire de cette région d’Europe et le seul à travailler en partenariat permanent avec l’Église.

2) Comment les Serbes vivent-ils dans le Kosovo actuel ?

Les Serbes y vivent toujours comme des citoyens de seconde catégorie. Pas un jour ne passe sans qu’il y ait des incidents contre les Serbes du Kosovo. Pris à partie, houspillés, insultés, rackettés, volés et même tués, voilà la vie des Serbes orthodoxes en 2012 dans une Europe qui se gargarise de la défense des minorités. En dix ans, 150 églises ont été rasées et 400 mosquées ont été construites. Les habitants vivent dans des ghettos qu’on appelle « enclaves », à la merci d’un pogrom anti-chrétien ou anti-serbe, car les questions ethniques et religieuses se chevauchent étroitement dans cette région du monde. Ils ne peuvent pas travailler en dehors des enclaves, car le peu d’emplois disponibles au Kosovo est « réservé » aux Albanais. Rares sont ceux qui osent se faire soigner dans les hôpitaux situés en zone albanaise. En cas d’urgence, ils doivent aller dans le nord du Kosovo, dans la grande enclave de Kosovska Mitrovica, où il y a un hôpital serbe. Mais ce trajet est à risque, car, s’ils ne sont pas protégés par la Kfor – la force de l’OTAN détachée pour maintenir l’ordre – ils peuvent se faire caillasser, agresser ou bien passer à tabac… Les autorités kosovares coupent régulièrement l’eau et l’électricité des enclaves ou des écoles. S’il n’y a pas d’épicerie serbe dans le village, il faut aller faire ses courses à des kilomètres de distance, souvent à pied, dans l’enclave voisine. Et, le reste du temps, comme l’agriculture ou l’élevage à grande échelle sont rendus impossibles par les destructions et les vols, les chrétiens ne peuvent compter que sur leur potager, un petit poulailler et l’aide humanitaire que nous apportons.

 3) Les islamistes sont-ils puissants dans cette région? Existe-t-il des connexions avec le reste du monde musulman? Y a-t-il une radicalisation ou, au contraire, un apaisement après la fin du conflit armé?

Il serait exagérer de dire que les Islamistes sont puissants au Kosovo. Non, ils ne le sont pas, surtout comparés au poids que peuvent avoir ces mouvances dans les pays arabes post-révolution. Cependant si l’on regarde la dynamique, la tendance est à la radicalisation. Les 400 nouvelles mosquées construites ces dernières années au Kosovo ont été financées par des mouvements wahhabites d’Arabie Saoudite et cela s’en ressent, dans l’architecture comme dans le prêche.

 Il y a quelques jours, un groupe de pirates informatiques kosovars a revendiqué l’attaque du site de météorologie du gouvernement américain pour protester contre les politiques de Washington qui visent les pays musulmans. L’attaque serait en outre « une représaille aux cyber-attaques contre des centrales nucléaires dans des pays musulmans ». Les États-Unis, fidèle soutien de l’indépendance du Kosovo, sont donc bien mal payés en retour…

Un Albanais du Kosovo m’expliquait récemment que peu d’entre eux allaient à la mosquée auparavant et qu’aucune de leur femme n’était voilée. Aujourd’hui la tendance s’inverse et les mosquées sont pleines. Paradoxalement, le voile reste peu visible même s’il est plus présent que par le passé. Les connexions avec le reste du monde musulman existent. Le pouvoir de Pristina espérait d’ailleurs une vague de reconnaissance de l’indépendance du Kosovo suite aux révolutions islamistes du printemps dernier. Mais la solidarité musulmane n’a pas (encore) fonctionné, le Kosovo gardant son image de valet des Américains aux yeux de ces pays. La Turquie est sans aucun conteste le pays musulman dont le rôle est le plus important dans les Balkans et dont l’influence sur les populations albanaises du Kosovo et bosniaques est loin d’être négligeable.

Politiquement parlant, les Albano-kosovars réalisent que l’indépendance n’a pas résolu leurs problèmes. Il en résulte une radicalisation du discours politique et des actions en découlant, comme le 22 octobre dernier où une manifestation antiserbe du mouvement « autodétermination », qui compte plusieurs députés à l’assemblée du Kosovo, a fait 22 blessés parmi les manifestants.

 4) Comment peut-on concrètement aider les Serbes du Kosovo?

Tout d’abord en dénonçant la situation humanitaire intolérable dans laquelle on laisse vivre ces populations. Il est intolérable qu’en plein de cœur de l’Europe, en 2012, des femmes, des enfants, des familles vivent confinés dans des ghettos.

Ensuite, en soutenant le travail humanitaire réalisé par Solidarité-Kosovo depuis bientôt une décennie. Sur la seule année 2012, l’association Solidarité-Kosovo a fait partir de France six convois humanitaires composés de matériel de première nécessité représentant un volume de près de 100m3, dont 40 tonnes de nourriture ; elle a financé et réalisé trois grands projets humanitaires (fonctionnement du bureau humanitaire de Gracanica, rénovation complète d’une école à Straza, organisation d’une classe de mer pour quarante enfants des enclaves chrétiennes) ; le travail de communication et d’influence a permis la publication d’articles traitant du sort tragique des Chrétiens du Kosovo dans des médias aussi prestigieux que le Figaro Magazine ou le spectacle du Monde. Solidarité-Kosovo s’est imposée comme un acteur indispensable du soutien moral et matériel des populations chrétiennes du Kosovo qui vivent un des moments les plus dures de leur Histoire. En juin 2012, la remise de la médaille d’honneur du roi Stefan Decanski à Solidarité-Kosovo par l’Evêque du Kosovo, Monseigneur Théodose, est venue récompenser tout le travail accompli par l’association française depuis toutes ces années.

Afin d’agir en totale indépendance, Solidarité-Kosovo ne reçoit aucune subvention publique et ne vit que par la générosité de ses donateurs. Si vous souhaitez vous aussi aider les Serbes du Kosovo il vous suffit d’envoyer un chèque à l’ordre de Solidarité-Kosovo à l’adresse suivante : Solidarité Kosovo, BP 1777, 38220 VIZILLE. (Solidarité Kosovo est une association reconnue d’intérêt général habilitée à faire des déductions fiscales à hauteur de 66% du montant de votre don).

http://www.solidarite-kosovo.org/

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Comments (2)

  • quinctius cincinnatus Répondre

    Un de mes fils participe activement , en Italie , au soutien des Serbes du Kosovo et les Italiens sont nombreux à s’être mobilisés ; à noter aussi cet organisation particulière à Péninsule : la ” Casa Pound ”
    les ” 4 V² ” devraient faire un reportage sur cette institution typiquement disons … romaine

    moralité : les Italiens s’engagent , les Français eux se lamentent !

    Viva Italia !

    29 décembre 2012 à 17 h 04 min
  • REIMS Répondre

    Je suis un élu local et j’ai compris aujourd’hui le drame des chrétiens du kosovo et pourtant… . je connais très bien une dame très discrète à ce sujet, ses parents sont originaires de ce pays, elle est inscrite sur ma liste aux dernières municipales…j’ai compris aujourd’hui qu’il faut se battre, dénoncer ce qui est condamnable et je vais tout faire pour pointer du doigt ces ghettos qui poussent dans l’indifférence générale. Parce que nous ne faisons rien nous perdrons alors notre âme !

    29 décembre 2012 à 15 h 32 min

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