Spoliation des actionnaires

Spoliation des actionnaires

Dans le n° 1349, l’un de vos correspondants, professant les causes de la guerre en Ukraine, s’en prend énergiquement aux tendances des États-Unis à se comporter, ici et là, en prédateurs de pays pauvres au bénéfice des multinationales des pays riches. Parmi les exemples qu’il cite, figure celui du Chili et de ses ressources en cuivre qui seraient pillées par « les sociétés minières américaines ». Cette information brille par une solide méconnaissance de la réalité. Les grandes mines de cuivre du Chili furent, en effet, exploitées par deux compagnies privées américaines, la Kenecot et l’Anaconda, qui servaient une part contractuelle de leurs bénéfices au gouvernement chilien d’alors. Entamée sous le mandat du président démocrate-chrétien Eduardo Frei, la nationalisation du cuivre du Chili fut achevée en 1971 par le gouvernement de Salvador Allende. La Contraloria de la Republica (sorte de Cour des comptes) estima alors que cette chilenisation du cuivre valait indemnisation de quelque 800 millions de dollars due aux actionnaires des deux compagnies américaines – actionnaires, pour l’essentiel, petits porteurs de parts. Cette indemnisation a minima, décidée par le gouvernement d’Unité Populaire d’alors, ne fut jamais versée aux Américains en vertu d’une décision qui se fondait sur un principe de « bénéfices excessifs » qu’aurait réalisés l’exploitant américain durant son mandat de mai 1955 à fin 1970. Spoliés donc, les actionnaires ne furent par la suite que très partiellement indemnisés par l’OPIC (Overseas Private Investment Corporation). Ils se retournèrent alors vers leur gouvernement qui refusa d’intervenir au motif que ce n’était pas à l’État à couvrir les risques de l’investissement privé à l’étranger.

Philippe Chesnay

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