Ukraine : la solution de la France

Ukraine : la solution de la France

Il serait temps qu’enfin, la voix de la France se fasse entendre dans la crise ukrainienne.

Se cacher derrière les institutions européennes pour ne pas avoir à se confronter directement à la Russie, et s’aligner à reculons sur les Américains pour ne pas se couper de la Pologne et des pays baltes est une fuite honteuse devant nos responsabilités de grande puissance. Cela ne constitue en rien une politique digne de ce nom.

Pour se faire entendre, la France doit d’abord crûment poser le diagnostic.

De cette crise, l’Union européenne porte la responsabilité : c’est son expansionnisme qui a mis le feu aux poudres. Les États-Unis ne sont pas non plus innocents : chacun sait que c’est la question de l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN qui se posait. Était-il besoin d’aller ainsi chatouiller Poutine ?

Décidément, l’Europe, ce n’est pas la paix. Les hiérarques de la diplomatie communautaire ont assez démontré leur pouvoir de nuisance dans le déclenchement de la crise et leur impuissance dans sa résolution ; ils doivent s’effacer. C’est un préalable.

Nous devons ensuite rappeler que les frontières actuelles en Europe orientale sont, soit des limites internes à l’URSS tracées en son temps par Moscou en fonction de ses intérêts propres, soit des frontières extérieures fixées à Yalta.

Disons les choses clairement : l’Occident n’a aucune raison de défendre l’héritage de Staline. Et la France est bien placée pour le dire.

Quant à la solution, elle est simple : il faut sortir de l’engrenage des sanctions, de l’esprit de confrontation qui anime les deux camps, et qui n’est que le recours à l’archaïque droit du plus fort.

Le problème est l’hétérogénéité de la population de l’Ukraine dans le cadre de ses actuelles limites. Le principe est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, autrement dit le droit à l’autodétermination.

L’appliquer, c’est affirmer qu’il ne doit pas être un simple prétexte au démembrement de l’Ukraine, mais une règle pour redéfinir durablement l’ensemble des frontières de la Baltique à la Mer Noire.

C’est aussi rappeler que cette application du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne doit pas être un simulacre, une con­sultation bâclée et unilatéralement organisée comme en Cri­mée, mais convenue d’un commun accord et contrôlée par la communauté internationale.

Partout où il y a doute sur l’appartenance d’un territoire à un État, il faut interroger la population par référendum.

Ce ne serait pas une bien grande nouveauté.

En 1919, ce procédé a permis de régler définitivement à l’ouest bien des problèmes de ce type, que les diplomates ne voulaient pas trancher seuls.

La sacralisation de ce principe, en remplacement de l’aberrante intangibilité des frontières héritées du passé (même si elles sont ineptes), peut seule rassurer les pays de l’Est. Car ils n’ont rien à y perdre et peuvent s’en faire un rempart solide pour préserver leur indépendance aussi bien que leur intégrité.

Seule sa mise en œuvre permettra une sortie de crise honorable pour toutes les parties : plier dans un bras de fer est une humiliation ; se rallier à un principe ne l’est pas.

Seule, surtout, elle permettra de satisfaire les populations con­cernées et d’assurer durablement la paix.

Peut-être, ici ou là, cela aura-t-il comme conséquence des rectifications de frontières au détriment de la Russie ou de son glacis ; peut-être, par exemple, la Moldavie y trouvera-t-elle l’occasion de réintégrer la Rouma­nie. Mais probablement aussi un certain nombre de territoires russes feront, à l’inverse, retour à la mère patrie.

Vladimir Poutine, en acceptant un tel règlement, démontrerait sa bonne foi.

Dans le cas contraire, la proposition ainsi mise solennellement sur la table aurait au moins eu pour mérite de déchirer le voile couvrant ce que personne alors ne pourrait plus refuser d’appeler un détestable impérialisme…

Francis Choisel

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Comments (9)

  • DeSoyer Répondre

    Monsieur,
    Il est hors de question de se couper de la Pologne et des pays baltes. Ne recommençons pas les erreurs de 1939.
    L’ouest et le centre de l’Ukraine sont européens et proches de la Pologne, dont acte.
    Quant à l’est, il est proche de la Russie, dont acte.
    Après, vous avez raison: peut-être faudra-t-il avoir recours au référendum dans des zones à déterminer (peut-être sous contrôle international) et des rectifications de frontières auront sans doute lieu.
    Il ne faudra cependant pas couper l’Ukraine de la mer et lui conserver Odessa.
    Tout cela, Poutine est capable de le comprendre. Il a déjà compris certaines choses lors de la crise avec la Géorgie pour l’Abkhazie et l’Ossétie du sud.

    9 octobre 2014 à 12 h 24 min
  • ESCLAFIT Répondre

    C’est une belle vue de l’esprit que de vouloir donner la parole au peuple, mais qui dit que les forces occultes (CIA etc…) ne s’imposeront pas dans cette vision idyllique ?
    Le référendum est une belle chose lorsqu’il n’est pas manipulé comme en Suisse, mais nous savons très bien nous français qu’on ne fait de référendum que lorsqu’il ressemble à un plébiscite ou bien lorsque l’individu qui le commande refuse de l’entériner (Sarkosy)

    9 octobre 2014 à 10 h 19 min
    • Lanaud Répondre

      Le sondage d’opinion est une alternative beaucoup plus économique au référendum !
      A condition évidemment qu’il soit pratiqué honnêtement.

      9 octobre 2014 à 10 h 58 min
  • Marquais Répondre

    Le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ?
    Vaste programme ( comme aurait dit le grand Charlot )
    Les peuples sont manipulés par quelques ambitieux qui pondent les slogans et les idées les plus adaptés pour recevoir le maximum d’adhésion parmi la population …
    Après ? ils s’installent, casent la famille et les copains, et gouvernent comme ils peuvent !

    9 octobre 2014 à 8 h 12 min
    • Jacky Social Répondre

      De quel pays parlez-vous en particulier? De la France (famille Sarkozy) ou de la Russie (famille Yeltsine)?

      9 octobre 2014 à 8 h 30 min
  • jay Répondre

    L’histoire de l’Ukraine est une histoire tragique dans laquelle la Russie a une responsabilité énorme. Ajourd’hui les ukrainiens se réveillent. Il faut s’en féliciter et les accueillir avec générosité. Dans beaucoup de domaines la Communauté Européenne se fourvoie. Si elle a un rôle historique positif à jouer c’est bien celui d’aider l’Ukraine à rejoindre la famille des pays européens, libres et démocratiques.

    9 octobre 2014 à 7 h 59 min
    • Caillou Répondre

      Bien sûr ! La Russie a une responsabilité énorme, il est bien évident qu’ils ont été beaucoup plus sensibles à la doctrine communiste ! On manipule beaucoup les peuples effectivement ! Alors qu’on le fasse dans le bon sens c’est-à-dire entre autres dans le sens de la véritable démocratie mais aussi et au moins autant au travers d’une information honnête du peuple au sujet de son histoire culturelle et de ses composantes ethniques anciennes par le pouvoir et le résultat risque de ne pas être le même du tout ! Poutine joue uniquement son propre intérêt et celui de la Russie et c’est un gros hypocrite !

      9 octobre 2014 à 9 h 46 min
      • Caillou Répondre

        Une partie de mon commentaire comme souvent n’est pas passée ! J’avais écrit :
        il est bien évident qu’ils ont été beaucoup plus sensibles à la doctrine communiste dans l’est de l’Ukraine car c’était beaucoup plus industriel !

        9 octobre 2014 à 9 h 50 min
  • Jacky Social Répondre

    Non, ici vous avez tort. Je comprends et partage votre opinion sur l’arrogance de Bruxelles et les inepties qui sortent de cette administration. MAIS c’est la population ukrainienne qui a choisi, fatiguée par la tutelle liberticide, les menaces du Kremlin et les promesses non-tenues de ses politiciens. Les Ukrainiens, les Khakhols comme on les appelle en Russie avec une condescendance certaine envers les gens de seconde zone, ont choisi la liberté et l’émancipation. C’est vrai que l’UE ne leur apportera sans doute pas ce qu’ils attendent sur un plateau d’argent. Mais ils ont fait le choix de ne plus être le vassal de la Russie. Il faut respecter ce choix. Cependant, les Ukrainiens, je le concède, ont sans doute exprimé leur ras-le-bol très maladroitement avec les dégâts que l’on sait. Mais croyez-vous vraiment que vous entrerez de force dans une Union Douanière (UD) dirigée par la Russie et que vous pourrez en sortir dès que vous souhaiterez choisir votre propre destin? Les choses ont été vite, trop vite, mais, bien que je ne veuille ni des Russes, ni des Turcs, ni des Ukrainiens dans l’UE, je pense que l’Ukraine a le droit de ne pas vouloir de l’UD proposée, càd. imposée, par V. Poutine et son chantage.

    8 octobre 2014 à 19 h 44 min

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