Un regard sur l’année 2012

Un regard sur l’année 2012

Une année s’achève. Les rétrospectives abondent à la télévision et dans la presse écrite. Je vais procéder ici, comme je le fais depuis longtemps, à ma propre rétrospective.

Sous l’angle de la France, l’événement marquant restera, bien sûr, l’élection de François Hollande. Il est le deuxième Président officiellement socialiste de la Ve République. Et, quand bien même, sous de nombreux angles, Nicolas Sarkozy a pris des décisions que n’auraient pas désavouées des socialistes britanniques ou allemands, force est de constater que François Hollande est fidèle à l’étiquette qu’il porte.

De la guerre déclarée contre les « riches » à une augmentation généralisée des taxes, d’un « plan de lutte contre la pauvreté » à la confiscation des logements vacants qui se profile, du mariage homosexuel grotesquement rebaptisé « mariage pour tous » à l’accentuation des délires écologistes, de la falsification de l’histoire de la guerre d’Algérie à l’humiliation publi­que du pays devant M. Bou­teflika, presque rien n’a manqué : François Hollande est un socialiste, un vrai.

Il n’y a que l’extrême gauche, qui voudrait le léninisme partout et tout de suite, pour en douter.

Sous l’angle européen, on peut noter le ridicule prix Nobel de la paix attribué par un comité d’Européens à l’Union européenne et justifié par le fait que l’Europe a vécu en paix depuis 1945. Nul mot n’a été dit des guerres de Bosnie et du Kosovo, par exemple : sans doute parce que les Balkans ne sont pas l’Europe, ou pas encore, ou pas tout à fait. Nul mot n’a été dit non plus sur le fait que l’Europe vit sous le parapluie de la défense américaine depuis la mise en place de l’Alliance atlantique. Nul mot n’a été dit non plus de la très grave récession qui frappe les pays du Sud de l’Europe, qui suscite des émeutes récurrentes en Grèce et en Espagne, ou de la remontée de mouvements ouvertement néo-nazis dans plusieurs pays d’Europe du Sud et d’Europe centrale.

Sous l’angle planétaire, on peut noter deux événements étroitement liés l’un à l’autre : l’accentuation de la vague islamique qui déferle sur le monde musulman, qui a porté Mohamed Morsi au pouvoir en Égypte, qui pourrait balayer bientôt Bachar Al Assad, et qui a balayé le régime Kadhafi en Libye pour le remplacer par des groupes djihadistes ; et, d’autre part, la réélection de Barack Obama aux États-Unis.

Les événements sont étroitement liés, car Barack Obama voit la vague islamique d’un œil très favorable et n’a cessé de l’encourager. La vague islamique signifie un monde plus dangereux et plus instable, une influence de l’islam radical accentuée en Europe, un isolement accru d’Israël et un risque de guerre au Proche-Orient lui-même accru.

La réélection de Barack Obama signifie, elle, qu’une mutation très profonde des États-Unis, que j’ai analysée dans mon dernier livre, mais dont j’ai pour partie sous-estimé les effets, est en cours. Cette mutation va signifier des États-Unis eux-mêmes plus socialistes, moins dynamiques économiquement, et moins puissants militairement. Elle va signifier que nous allons entrer dans le monde que Fareed Zakaria, l’une des éminences grises d’Obama, appelait de ses vœux en 2008 : un « monde post-américain ».

Ce monde « post-américain » sera lui-même moins dynamique économiquement, car les États-Unis ont été le moteur de l’économie mondiale jusque voici quelques années, la Chine étant largement un sous-traitant. Ce monde portera les conséquences de la moindre puissance militaire américaine : les années à venir seront très instables et très conflictuelles, et pas seulement au Proche-Orient.

Aucune puissance n’est à même de remplacer les États-Unis, et la « gouvernance » du monde par des accords entre régimes autoritaires ou par les Nations Unies s’annonce chaotique et peu propice à la liberté économique, politique et culturelle.

Nous sommes, comme l’a expliqué Robert Kagan dans un livre récent, dans le monde que l’Amérique a façonné, et un monde sans l’Amérique risque fort de se révéler vite cauchemardesque. Ceux qui ont adoré, et adorent encore, Obama se sont tournés vers lui car ils pressentaient qu’il incarnait la possibilité de ce monde qui vient. Discernaient-ils vraiment ce que pourrait être ce monde ? Je suis loin d’en être certain.

Partager cette publication

Comments (4)

  • Jaures Répondre

    Comme réponse à l’article de Millière déclinant ses bilans et prospectives en janvier 2012, j’avais écrit ceci:
    “Quant à répondre à cet article de Millière, quel intérêt ? Il ne nous prédit que l’horreur absolue, le désastre rédhibitoire, l’apocalypse définitif. Comment tenter d’insérer ici quelques éléments rationnels ? J’y renonce. Il suffit de se rappeler que le même Cassandre nous avait prédis qu’Obama ne serait jamais élu, que l’économie américaine ne serait pas en crise, que le conflit en Irak serait conclu en quelques mois,…Et je me raccroche à l’idée que ce personnage se trompe et se contredit avec une telle régularité et un tel aplomb (voir notamment ses volte-faces sur la Turquie) que ses annonces les plus noires seraient plutôt des promesses d’espoir.”
    Gageons que je pourrai effectuer le même copier-coller en 2013.

    3 janvier 2013 à 11 h 15 min
    • grepon Répondre

      C’etait le meme copie-colle tout le long de l’annee Jaures…

      3 janvier 2013 à 18 h 40 min
  • grepon Répondre

    St Rumsfeld: “Weakness is a provocation”

    C’est tout ce qu’il y a dire de l’avenir de l’Europe nobelisee pour un etat de paix temporaire qu’elle n’a pas meritee autant qu’elle l’a subie par forces anglo-americaine puis d’OTAN. L’Europe est faiblissime, protege d’une etats-unis qui a choisi le declin et le desengagement, et en outre l’irresposibilite pour ce qui se passe a l’internationale. En outre, la revolution du gaz et petrole des schistes va laisser le probleme moyen-orientale dans les pattes du reste du monde. Bonjours les degats, particulierement pour une europe interpenetree de culture arab et sympathisants avec la tyrannie islamique.

    3 janvier 2013 à 3 h 30 min
  • quinctius cincinnatus Répondre

    Monsieur Guy Millière est égal à lui même dans la rétrospective comme dans la prospective … avec des penseurs de ” droite ” tels que lui l’aube s’annonce dorée

    2 janvier 2013 à 14 h 46 min

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *