Une dictature à renverser

Une dictature à renverser

Gilles-William Goldnadel, grand avocat, homme de cœur et de lucidité, vient de publier un livre important où il n’hésite pas à dire clairement et franchement ce que d’autres n’osent pas même murmurer. Le monde occidental, nous dit-il, et en lui la France en particulier, sont victimes d’une idéologie particulièrement perverse et dangereuse : la martyrocratie. De quoi s’agit-il ? D’un syndrome dont la gestation a pris plusieurs décennies.

Après une relative banalisation de l’holocauste dans l’immédiat après-guerre (« les impératifs de la guerre froide… commandaient qu’on oublie les crimes d’un Adolf Hitler mort, au profit de ceux d’un Joseph Staline, beaucoup trop vivant », par ailleurs, « l’heure était plutôt à la survie, à l’oubli et, pour certains, à l’assimilation »), on est passé à un travail de mémoire où l’accent fut mis sur l’abominable singularité de la tentative de génocide commise par les nazis à l’encontre des juifs. La shoah est devenue « l’horizon indépassable de la douleur collective, l’étalon officiel de la mesure de la souffrance humaine ». On a dit clairement : « plus jamais çà ».

De ce qui aurait pu être un bien et un grand pas dans la direction de la Civilisation (comment ne pas approuver le refus absolu de la barbarie sous sa forme la plus abjecte ?) est très vite advenu un mal et un grand pas dans la direction de la négation de la Civilisation. Ceux qui ont cherché la cause fondamentale, matricielle, de la shoah ont en effet pensé détecter celle-ci dans l’État-nation occidental et dans la force (Hitler était nationaliste et était à la tête d’un État-nation ont-ils dit, Hitler était un occidental et avait utilisé la force). On aurait pu leur répondre en parlant de démocratie et de totalitarisme, leur dire qu’Hitler était socialiste, collectiviste, montrer en somme que l’explication était biaisée : ce n’est pas ce qui s’est passé.

La gauche moderne, post-stalinienne, tiers-mondiste, a trouvé le dogme dont elle avait besoin. Tout ce qui est occidental lui serait plus détestable que jamais. Tout ce qui ressemblerait à un État-nation à l’occidentale lui semblerait porteur d’abomination, surtout si cet État-nation envisageait le recours à la force. Le dogme s’illustra dans les « événements de mai 1968 » en France, et le slogan « CRS-SS » fut un symptôme. Il s’illustra dans la haine envers toute action de l’« impérialisme américain », grand Satan de la gauche occidentale, avant de devenir grand Satan des khomeynistes. Il s’illustra tout particulièrement dans la détestation de plus en plus frénétique de l’État d’Israël, celui-ci étant précisément un État-nation à l’occidentale, régulièrement condamné par ses ennemis à recourir à la force.

La détestation, centrale dans le dogme ainsi installé, s’accompagna aussitôt d’un amour malsain pour la victime à qui il faut porter secours et qui, pour être digne du nom de victime, dût correspondre à un certain nombre de critères bien précis correspondant à une formule simple « ennemi de l’État-nation à l’occidentale » et « de ses serviteurs disciplinés, le policier gestapiste, le soldat-SS, et leurs auxiliaires zélés, le juge, l’huissier ».

Un chrétien libanais ou soudanais massacré n’est pas, en ce contexte, une victime digne de ce nom : il est chrétien. Un juif agressé n’est pas une vraie victime non plus : il appartient à la civilisation judéo-chrétienne. Un Israélien, un Américain, un chrétien français ne sont pas susceptibles d’avoir le statut de victime non plus. Un terroriste palestinien musulman est, par contre, l’incarnation idéale, presque parfaite de la victime. Un voleur, un assassin agissant en terre occidentale est une victime aussi, surtout si, de surcroit il est musulman, maghrébin ou africain.

Les adeptes de la martyrocratie, dit Gilles-William Goldnadel, se sont, en France et en Europe, multipliés au cours des trente dernières années. En ce pays, ils tiennent la presse et les médias audio-visuels. Ils tiennent une bonne part de la magistrature aussi. Ils exercent une dictature de l’intimidation et de l’inversion des valeurs, qui tue, quotidiennement, et qui doit être renversée si nous ne voulons pas courir au suicide collectif.

Gilles-William Goldnadel

Les martyrocrates

Dérives et impostures de l’idéologie victimaire

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Comments (3)

  • Malcolm X-XX-et-XXL Répondre

    Chesterton disait autrefois que « le monde était plein d’idées chrétiennes devenu folles », il faut ajouter qu’il est plein d’idées démocratiques devenu folles.

    7 mai 2004 à 18 h 16 min
  • adolphos Répondre

    Ca me rappel le tolé provoqué par la déclaration de M.Berlusconi sur la supériorité dela civilisation occidentale. Bref, un Etat c’est fait pour faire la guerre. Et qu’il soit nation ou tribal n’y change rien. Et c’est d’ailleur pour cela aussi que la Turquie ne peut rentrer dans l’Europe.

    4 mai 2004 à 1 h 11 min
  • Sos-Occident Répondre

    La notion de martyrocratie est assez proche de la notion d’ethnomasochisme défini par Guillaume FAYE. Ces deux notions ont la même racine : la haine de soi. Pour en constater les symptomes, je vous conseille de lire l’excellent livre de Jean Sévillia “Historiquement correct”.

    1 mai 2004 à 21 h 56 min

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