Y a-t-il une affaire Julia ?

Y a-t-il une affaire Julia ?

Eh bien moi je lui trouve plutôt une bonne tête à M. Didier Julia, dont on dit, ces temps-ci, pis que pendre. J’apprécie le ton sérieux et mesuré sur lequel il s’exprime, sans manifester colère ni rancœur envers ceux qui l’ont traîné dans la boue avec un empressement suspect.
J’avoue n’être pas suffisamment informé sur les dessous de cette affaire, mais je doute que ceux qui en jugent catégoriquement le soient beaucoup plus que moi. Car les tractations de M. Julia et de ses collaborateurs reposent sur un système de réseaux dont la transparence ne peut pas être la caractéristique première. Je crois cependant que Didier Julia a sincèrement voulu tenter d’être utile à la libération des otages (et l’a peut-être été d’ailleurs plus qu’on ne le suppose) et que certains ombrageux lui ont mis des bâtons dans les roues, voire des peaux de banane sous les semelles. Quelques fonctionnaires français des Affaires étrangères ou des services secrets n’ont sans doute pas vu d’un bon œil les initiatives de cet « amateur » qui piétinait leurs plates-bandes. Rien n’irrite davantage les « spécialistes » qu’un outsider qui n’est pas du sérail.
Quant aux militaires américains, il est évident qu’ils n’aiment pas du tout qu’on négocie avec leurs ennemis pour libérer des otages, au point que leurs prétendues « bavures » exhalent un fort relent de préméditation. Et sans doute n’ont-ils pas oublié le voyage effectué le 13 septembre 2002 en Irak, encore à l’époque sous le règne de Saddam Hussein, pour essayer de lui faire accepter le retour des inspecteurs de l’ONU, par trois députés UMP, MM. Thierry Mariani, Éric Diard et… Didier Julia, ce dernier ayant déclaré tout de go à la délégation irakienne venue les accueillir à l’aéroport : « Nous pensons que vous êtes dans un régime totalitaire que nous n’approuvons pas. Mais nous sommes très attachés au peuple irakien, à cette vieille civilisation babylonienne. Or, les Américains veulent vous détruire pour vous prendre votre pétrole ! »
Nul doute que cela ait fait grincer quelques dents à Washington. Les Irakiens, qui ne se faisaient pas d’illusions, répondirent aux députés français : « Que nous acceptions le retour des inspecteurs ou pas, de toute façon nous serons bombardés ! » À quoi Didier Julia répliqua : « Le président Chirac estime que, si vous acceptez la venue des inspecteurs, l’ONU n’acceptera jamais une attaque qui, dès lors, serait devenue illégitime. »
On connaît la suite. Chirac et Julia avaient seulement oublié que le mot « légitime » n’a aucun sens pour les cow-boys américains qui prennent la planète pour leur jardin privatif et que Bush se soucie de l’ONU comme de sa première cuite.

Un homme qui a du cran


Lors de sa tentative ratée de libération de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, Didier Julia avait nettement accusé les Américains d’avoir fait capoter l’opération. « Depuis l’annonce du retour des journalistes, les Américains ont multiplié les bombardements… » – avait-il déclaré. « Ils ont installé vingt barrages sur la route et j’ai la douleur de vous faire savoir que l’équipe qui sécurise les journalistes a eu six tués ; les cinq maisons où nos amis ont habité ont été pilonnées et détruites. » Aujourd’hui, après le déluge de balles américaines qui a tué l’officier de renseignements italien Nicola Calipari et grièvement blessé la journaliste libérée Giuliana Sgrena, ces paroles prennent un poids considérable.
Au demeurant, M. Didier Julia n’est pas n’importe qui. Ce dynamique septuagénaire qui ne fait pas son âge est professeur d’université, auteur de « La question de l’homme et le fondement de la philosophie » (Éd. Aubier). Il avoue une prédilection pour la doctrine de Fichte, grand apôtre de la conquête de la liberté individuelle et qui considérait l’indépendance du moi comme le fondement de toute morale. Voilà qui suffit à me rendre M. Julia fort sympathique. D’autant qu’en s’efforçant d’aider les otages à recouvrer leur liberté, le moins qu’on puisse dire est qu’il met sa philosophie en pratique.
Didier Julia a été constamment réélu député de la 2e circonscription de Seine-et-Marne depuis 1967. Il a été membre de la Commission des Affaires étrangères de 1986 à 2002. Cet homme de caractère déclarait notamment en 2002 : « Le fondamentalisme se nourrit de la misère. Le pire qui puisse arriver en Irak, c’est un État fondamentaliste et anti-occidental à tout crin.» Grâce au lumineux génie de « Deubleiou » Bush, c’est exactement ce qui se prépare.

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Comments (9)

  • LESTORET Répondre

    Le problème JULIA est un problème de personnes, c’est l’évidence même, mais il y a quand même des tas de choses qu’on ne nous dit pas. Je ne crois pas nécessaire de demander pourquoi car nous avons de plus en plus l’habitude de ce genre d’attitudes qu’on ne peut faire autrement qu’accepter. Que cela continue si les Français estiment que cela est bon. Ils auront l’occasion de l’exprimer dans peu de temps. Ceci dit, je ne vois pas comment la France qui s’est toujours opposée à l’intervention américaine dans ce pays — et qui continue — pourrait prétendre venir y jouir en toute tranquillité de la pax américana en y activant ses services dits “spéciaux” pour libérer nos otages. Je suis sûr que l’action d’un individu aurait plus de chances d’aboutir et en fait, rien ne nous dit que Mr JULIA n’a pas les réseaux qu’il prétend avoir en Irak. Au lieu de jeter l’anathème sur cette personne qui de bonne foi offre son aide, on ferait sans doute mieux de s’y intéresser même si nos services spéciaux devaient en souffrir dans leur réputation.L’essentiel, c’est la libération des ôtages, non ?

    19 mars 2005 à 18 h 51 min
  • Thierry Orlowski Répondre

    Cher lecteur, cher M.Lance, Merci a M. Lance pour son article pertinent. Pour moi le “cas” de M.Julia est typique de la politique a la Francaise: Le monolythisme, la centralisation, le control versus la confiance etc, etc… M. Julia est un bon bougre qui a prit une initiative interessante au mauvais endroit et au mauvais moment…et probablement avec les mauvaises personnes. Ce que je trouve, par contre, pathetique est le reflexe de M. Raffarin a refuser l’aide de M. Julia pour résoudre les problemes d’aujourd’hui. Au lieu de rassembler, M.Raffarin, au risque de sacrifier les otages, va faire cavalier seul. C’est dans ces moments que l’on reconnais les grands leaders politiques des petits: Les grands leaders sont toujours des rassembleurs. M. Raffarin est petit, tout petit…Au coté de M.Julia qui, fair-play, ravale sa fierté pour aider une cause qu’il sait juste. Cordialement, Thierry Orlowski

    18 mars 2005 à 21 h 30 min
  • t..larger Répondre

    personnellement la trombine à Julia m’indiffère, mais on pourrait mettre ça au vote…

    17 mars 2005 à 13 h 28 min
  • Jean-Claude Lahitte Répondre

    Moi aussi, je lui trouve une “bonne tête” à ce Didier Julia. Et j’attendais avec une certaine curiosité que ce philosophe tranquille déballe son sac vis-à-vis des Chirac, Barnier, et autres compères, après le retour en fanfare de CHESNOT et MALBRUNOT (au fait, combien ça coûte aux contribuables ce retour ?). C’était sans doute sans compter sur la (pour l’instant du moins) “non-inculpation” (négociée en sous-main ?) de Didier Julia (il me semble-là qu’entre “UMP” – Union pour le Moi, selon Laurent Gerra, depuis que Sarkozy a mis la main dessus – on joue à “je te tiens par la barbichette) , et, surtout sans doute, de l’enlèvement de Florence Aubenas qui aura remis, si j’ose dire, les “compteurs à zéro”. Mais il y a un autre mystère: comment expliquer le radical changement d’attitude de JP. Raffarin qui, après avoir remis publiquement en selle le “pestiféré” lors d’une séance à l’Assemblée, l’a, dès le lendemain, écarté sans ménagement ? A quand le dénouement de cette affaire comico-tragico-raffarinesque ? Bien cordialement à toutes et à tous, Jean-Claude Lahitte

    13 mars 2005 à 17 h 47 min
  • Bourbaki Répondre

    Didier Julia est à présent au ban de l’UMP et cela suffit à me le rendre “sympatoche”, mais peut-être a-t-il un peu cherché sa disgrâce ? Apparemment le gouvernement, du même parti politique que lui, a été mis devant le fait accompli, ce qui n’est pas très élégant. Enfin, il y a ses collaborateurs et accointances, qui traînent pas mal de casseroles tintinnabulantes et semblent avoir menti à plusieurs reprises. Mais que dire de plus ? Sinon que son plus grand tort est d’être rentré bredouille…

    13 mars 2005 à 17 h 41 min
  • erik dugas Répondre

    “Didier Julia a été constamment réélu député de la 2e circonscription de Seine-et-Marne depuis 1967” J’ecris la suite : et mitterand a fait 14 ans de presidence, chirac au moins 12 ans, donc ce sont des tres (tres) bons presidents… bush 8 ans seulement, il est donc 50% plus mauvais que chirac… conclusion : vive arafat et vive les islamistes (les vrais, pas ceux qui ne font pas sauter des bombes, car la vraie liberte d’expression c’est celle de tuer les autres) je crois rever quand je lis ce genre d’article. Mr Lance est unique. Vous devriez lire le site de libres.org, il explique tres bien que le fondamentalisme ne se nourrit pas de la misere…

    13 mars 2005 à 17 h 00 min
  • david Martin Répondre

    Du grand n’importe quoi cet article : fond anti-américain primaire, éloge d’un affabulateur (Julia) qui a tout sauf une bonne tête et qui n’en a rien à foutre des otages, contrairement à ce que vous dites mais qui soigne plutôt sa pub. Ainsi l’armée US préméditerait l’assassinat d’ex-otages. On pourrait le comprendre avec Sgrena, propagandiste coco venue faire son show anti-bush en irak mais même là on sait que c’est une bavure. Enfin, toute opinion a droit d’expression

    13 mars 2005 à 9 h 01 min
  • Alborg Répondre

    Je sollicite des 4V l’autorisation de publier ici un “Droit de réponse” par rapport à plusieurs internautes. A MAGIK MALIK : Merci pour tenter de me discréditer radicalement comme tu le fais en essayant de former une coalition contre moi : Les internautes apprécieront ton honnêteté intellectuelle. D’autre part, tu es très mal placé pour me donner des leçons en quoi que ce soit – pas même en structuralisme, parce que ton Lévi-Strauss adoré je le lisais déjà alors quee tu n’en étais même pas à ta première tétine; j’ajoute que j’ai l’âge d’être au moins une fois ton père et que j’ai fait des choses dans ma vie que tu ne pourrais pas imaginer… Je sais que je suis parfois un peu rude, mais il me semble que je suis TRES LOIN d’être l’intervenant le plus agressif de ce forum où certaines interventions m’épouvantent par leur violence intrinsèque autant que par leur bas niveau intellectuel, alors !! Alors, ne te crois donc pas malin parce que tu nous la ramènes pour la 3è ou 4ème fois avec ton fameux “Ethnocentrisme” appliqué à tort et à travers! Ton arrogance, cher “Magicien”, n’a d’égale que ta vanité à vouloir te saisir de concepts que tu maîtrises mal tout ça parce que tu as lu UN livre (Lévi-Strauss, pour ceux qui ne le sauraient pas encore) ! A bon entendeur. J’ai déjà répondu à THIERRY ORLOWSKY précédemment, mais comme c’était un samedi soir, je ne sais pas s’il a eu le temps de me lire. J’y exprimais simplement mon étonnement vis-à-vis de sa remarque, et puis basta: on ne va pas y revenir. A MARC : J’admets que j’ai écrit une bourde en logique purement formelle: je n’ai pas appliqué le “principe de non-contradiction dans les termes” cher aux Aristotéliciens. Mais peut-on vraiment comprendre l’émergence de 2 monstruosités totalitaires avec l’aide d’une logique formelle de type “Aristote” ou “Descartes” ….? C’est la question. D’une certaine façon, je reste convaincu que les 2 propositions sont vraies autant l’une que l’autre, même si cela peut nous apparaître comme un scandale logique(donc :à la fois “maladie infantile” et en même temps “pas essentiellement occidentale”)… Peut-être d’ailleurs que “régressive” serait plus approprié qu'”infantile”? Sinon on pourrait être tenté de l’inscrire dans un processus d’évolution somme toute positif ?! A vous de voir. Néanmoins je persiste à penser (contrairement à vous mais votre point de vue est parfaitement compréhensible) qu’on ne peut jamais identifier complètement le MALADE et la MALADIE, même s’ils forment apparemment une réalité fusionnelle à un moment donné. Cordialement.

    13 mars 2005 à 3 h 19 min
  • sas Répondre

    l’affaire julia est comme le reste en france,elle démontre que la république se délite à une vitesse astronomique…vu qu’une équipe de “pieds nikelés”s’automandate pour agir pour le compte soit disant de l’ETAT…or les services DE L ETAT eux patatent totalement….à l’instar de l’affaire elf et d’autre dossiers aussi spectaculaire , notre etat à des vides halucinants…qui se manifeste ès fois de manière grandiose…Telle la pute de la “ripoublique” qui faisait des turlutes à 20 millions de francs au ministre des affaires étrangères (le frère Dumas)…DANS UN DOSSIER OU A ETE ACCAPARE 250 MILLIONS DE COMMISSIONS OFFICIELLES….ou la pute en question nous racontera publiquement que ses affaires de cul ne regarde personne ?????sur un dossier de cette nature , il eut été normale qu’elle se fasse “fumer”….neni,rien,elle c’est étalee dans la presse à scandale et salie totalement la France et ses services internes….LA DEMONSTRATION A ETE FAITE SUR CE DOSSIER QUE SOUVENT L ETAT PUISSANT N EST QU UNE BAUDRUCHE bien vide…creuse , même…et ce vide,laxisant tirant à la farce est visible dans plusieurs dossiers qui ont secoué notre ripoublique….JULIA :épiphénomène de cette état “bidons” et de brique et de broc qu’est la FRANCE… sas

    13 mars 2005 à 2 h 21 min

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