Campagne électorale meurtrière

Campagne électorale meurtrière

Les Afghanes, qui n’ont jamais été aussi nombreuses à se présenter à des élections législatives, sont devenues les cibles de choix de la violence des talibans. Dimanche 29 août, la police a annoncé avoir retrouvé les corps de cinq hommes, ligotés et tués par balles, qui faisaient partie de l’équipe de la candidate Fawzya Galani. Dix membres du QG de campagne de Mme Galani avaient été enlevés la semaine dernière près de Herat (Ouest), la deuxième ville du pays. Selon des sources officieuses, cinq d’entre eux auraient été libérés peu après. Les talibans ont revendiqué l’enlèvement, mais pas le meurtre des cinq hommes.

Fawzya Galani, qui est en campagne pour sa réélection, avait lancé un appel aux insurgés pour qu’ils libèrent les membres de son équipe et avait en outre demandé au gouvernement de prendre des mesures pour assurer la sécurité des candidats. Les hommes ne sont en effet pas épargnés : un autre candidat de Herat, Abdul Manan, a été tué par balles alors qu’il circulait à moto, samedi 28 août.

INSULTES ET MENACES DE MORT

Le nombre de femmes en campagne électorale est passé de 328 en 2005 à 406 en 2010 (sur près de 2 500 candidats officiellement déclarés pour les élections de septembre), soit une hausse de 22 %. Une évolution qui déplaît aux conservateurs les plus extrémistes, opposés à la tenue d’élections en général et à la présence de femmes parmi les candidats en particulier. Dans les rues de Kaboul, la plupart des affiches de campagne présentant des femmes sont barrées de rouge ou arrachées. Si la situation est déjà tendue pour les candidates de Kaboul et de sa région (148 candidates, soit 17 % du total des femmes en lice), elle est encore pire dans les provinces rurales.

Selon un rapport publié le 28 août par l’ONG Free and Fair Election Foundation of Afghanistan (FEFA, qui regroupe plusieurs associations de membres de la société civile afghane), une candidate de la province isolée de Ghor (Centre-Ouest) s’est vue contrainte, sous la menace, d’abandonner la campagne et de se réfugier dans la capitale. Une autre s’est plainte de recevoir plusieurs dizaines de coups de fil par jour, des insultes dans le moindre des cas, des menaces de mort dans le pire. “Neuf menaces sur dix sur des candidats aux élections visent des femmes”, dénonce le rapport.

DIFFÉRENCES DE TRAITEMENT

“Les campagnes électorales des femmes sont à peine visibles dans les provinces les plus reculées du Sud et du Sud-Est, et les candidates se plaignent de l’indifférence du gouvernement face aux menaces qui pèsent sur leur sécurité”, indique le rapport, qui pointe en outre un certain nombre de détournements de ressources publiques à des fins électoralistes, et la violation des règles de campagne qui, par exemple, interdisent tout rassemblement politique dans des écoles ou des mosquées. Selon l’ONG Cooperation Center for Afghanistan, citée par Politics Daily, seuls 30 % des candidates ont pu réellement faire campagne et ont ainsi une chance d’être élues.

Le rapport de la FEFA dénonce par ailleurs les différences de traitement entre candidats : ceux qui ont le privilège d’être “adoubés” par les dirigeants locaux bénéficient généralement d’un dispositif de protection supérieur aux autres. Le gouvernement afghan avait pourtant promis deux gardes du corps à chaque candidate. Une promesse jamais tenue, faute de moyens.

C’est la quatrième fois en six ans que les Afghans sont appelés aux urnes et cette fois encore, la campagne d’intimidation des talibans semble porter ses fruits : mercredi 25 août, la commission électorale a annoncé que plus de 900 bureaux de vote, soit 14 % du total, n’ouvriraient pas leurs portes le 18 septembre en raison des problèmes de sécurité. Une mauvaise nouvelle pour un scrutin perçu comme un test à grande échelle de la solidité des institutions afghanes. Le Monde

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