Esclaves de princesses émiraties à Bruxelles (suite)

Esclaves de princesses émiraties à Bruxelles (suite)

Quand la police et les services de l’inspection sociale ont débarqué dans ce somptueux hôtel, le 1er juillet 2008, ils y ont trouvé dix-sept jeunes femmes. Des esclaves. Pardon, des “domestiques”. Parce que, en Belgique comme ailleurs, on n’inscrit plus dans le code pénal une réalité que l’on croit depuis longtemps abolie.

Aujourd’hui, c’est le tribunal du travail qui est chargé du dossier, et le ministère public entend faire poursuivre la famille pour séquestration, fraude sociale et traitement inhumain et dégradant, avec les circonstances aggravantes que les domestiques étaient en séjour irrégulier et que l’une d’elles était enceinte.

Ce que les policiers ont entendu à l’époque ressemblait bien au sort d’esclaves des temps modernes. Des jeunes femmes privées de leurs papiers, de téléphone et de connexion Internet, interdites de sortie, surveillées par des gardes en armes. Elles étaient soumises à l’autorité d’une cheika de 64 ans, veuve de l’émir Mohammad Ben Khalid Al-Nayhan, d’Abou Dhabi, et mère d’une nuée de princesses, âgées de 28 à 44 ans. (…)

A Bruxelles, la plupart des chambres du Conrad louées par la famille Al-Nayhan étaient vides, mais des domestiques ont affirmé qu’elles devaient dormir dans les couloirs, et jamais plus de quelques heures d’affilée. Censées être disponibles en permanence et soumises à tous les caprices de leurs employeuses, elles devaient patienter assises sur des tapis. (…)

Au total, la famille a exploité vingt-trois jeunes femmes. Une Belge, une Française et des malheureuses qui tentaient de fuir leur sort de misère en Irak, au Soudan, en Indonésie ou dans des pays du Maghreb. Elles gagnaient de 150 à 500 euros par mois – à charge pour elles de s’habiller et de se soigner. La justice reproche cependant à la famille d’avoir négligé le paiement de 124 000 euros dus à son personnel.

En définitive, onze esclaves ont déposé plainte et quelques-unes ont décidé de solliciter le statut de victimes. (…)

Ceux qui combattent cette réalité sordide soulignent que, en général, les exploiteurs ne voient pas où est le mal et ne manifestent aucun remords. L’affaire du Conrad n’échappera pas à la règle. Il y a peu de chances que la famille émiratie réponde un jour de ses actes devant un tribunal de Bruxelles. Quant aux milieux diplomatiques, ils semblent, eux aussi, trouver qu’il ne faut pas aller trop loin dans la dénonciation de telles situations.

La directrice de Pag-Asa explique qu’elle n’a jamais reçu autant de coups de fil que lorsqu’elle a accueilli les jeunes victimes du palace. La plupart de ces appels visant tout bonnement à ce que les exploitées retirent leur plainte. Esclaves, peut-être, mais, en tout cas, un peu trop dérangeantes. (extraits du Monde)

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